Catégorie : punk

Manager à l’heure de l’individualisme

Les managers doivent de plus en plus naviguer entre individualisme grandissant (qui plus est à l’heure du post COVID qui pousse davantage à la séparation physique des collaborateurs) et un besoin de communautés structurant. D’autant que malgré les tentations de mettre devant nos intérêts personnels, nous restons des individus sociaux qui ont un fort besoin de communauté pour échanger, nous développer, nous structurer et même nous comparer. Et puis, l’entreprise ne doit-elle pas être ou rester un lieu de vivre ensemble ?

Nous explorerons quelques pistes de solutions pour aider les managers à créer de l’émulation collective avec des espaces d’échange, de la transversalité, et des Aventures collectives à large échelle.

Manager les seniors

Ce mois-ci, on parle du management des seniors : vaste sujet.
Dans les organisations, il peut exister une appréhension liée au management des seniors nourrie par plusieurs préjugés : leurs compétences semblent moins adaptées au monde actuel, ils auraient une certaine aigreur, ils camperaient sur leurs acquis, nostalgiques du temps passé… bref, pas simple pour la dynamique de l’équipe !
Mais est-ce vraiment le cas ? Parce que oui, bien que ces préjugés – qu’on se passera bien de généraliser – aient probablement un fond de vérité, cela n’empêche pas les seniors de se révéler précieux pour votre équipe. A condition de les manager !
 
Alors comment passer au delà des préjugés pour en faire des atouts dans vos équipes ? On essaye d’y répondre dans cet épisode !

* Pour aller plus loin *

// A lire //

Senior, les HiPo les moins bien exploités

// A voir //

La série Borgen, disponible sur Netflix

// Les extraits //

Catherine et Liliane
Jean Le Cam
Bande-annonce de Space Cowboys 
Brassens, « Quand on est con, on est con »

Au micro : Camille Riou et Patrick Bois
A la réalisation : Mathieu Driot

Brillant ne veut pas dire vrai

Ce mois-ci, à l’occasion de sa ressortie en DVD, nous vous recommandons de vous plonger ou de vous replonger dans « l’autopsie d’un meurtre », film merveilleux d’Otto Preminger sorti en 1959. Pour les amoureux des films de prétoires, qui aiment la tension des cours de justice, vous découvrirez une magnifique mise en scène avec des acteurs au top : Georges C. Scott, Ben Gazzarra et James Stewart en avocat brillant, rien que ça….

Et pour les amoureux de management et d’entreprise, vous serez comblés aussi : parce que on y voit des avocats brillants et des démonstrations solides mais qui ne font que nous éloigner de la vérité et de la justice. A un moment-clé, James Stewart dérape sérieusement, le juge le reprend et demande aux jurés d’oublier ce qui a été dit ; l’accusé demande à son avocat comment ils vont faire pour oublier et il répond calmement « Ils n’oublieront pas ». Une mise en scène du cynisme qui nous rappelle combien est dangereuse l’admiration béate et aveugle pour la verve et le charisme.

Dans notre temps où tout va trop vite, la prime à l’éloquence est bien trop importante, et les Zemmour, Trump ou Boris Johnson ne peuvent être contrés que par le calme et le goût de la réflexion ; par la culture et la philosophie.

Imposons autour de nous la détente et la réflexion pour éviter qu’un James Stewart des temps modernes ne nous fasse prendre des vessies pour des lanternes.

Pourquoi garder les meilleurs n’est pas une priorité

 1 mois après une réflexion sur les systèmes de Hi-Po qu’il faut selon nous proscrire, poursuivons le combat contre les idées reçues sur le management des talents ! Il le faut parce que nos entreprises sont obsédées par les pépites en tout genre, qui répondent à certains canons du moment : souplesse, pragmatisme, leadership, aisance relationnelle, « intelligence », et bien sûr résultats obtenus, âge, études… Mais a-t-on raison de tout faire pour les attirer et les retenir ? Pas sûr.

 Attirer et garder les meilleurs c’est cher….

Comme personne ne remet en question le fait qu’il faut attirer les super talents chez soi plutôt que les laisser aller à la concurrence, tout le monde se bat pour les mêmes personnes. D’autant plus que la définition de ce qu’est un talent est très normée finalement par le bruit ambiant sur le management. Il suffit de se balader sur LinkedIn quelques minutes et on a plein de critères. Je viens de faire l’exercice à l’instant et, en 4 minutes chrono j’ai gestion des émotions, prise d’initiatives, culture digitale, féminins si possible, coopérative, intelligence collective, innovante… Qui ne recrute pas le candidat qui a tout ça ? Personne. C’est donc cher surtout s’il est suffisamment jeune, mais pas trop.

Et puis, au long de leur vie au boulot, ces mêmes talents sont chassés, donc exigeants. Ils fréquentent des gens comme eux, comparent salaires et avantages, sentent souvent le parfum d’une herbe ailleurs qui serait peut-être un peu plus verte.

Et comme on ne se pose même pas la question du bien-fondé de cette course pour les pépites, on paye cher, sans challenger ce choix.


Et moins efficace qu’il n’y parait

Mais la stratégie est hautement contestable, au-delà de son prix, par les effets indésirables qu’elle induit, et les possibilités qu’elle réduit.

D’abord, elle prend comme critère des qualités objectives et effectivement efficaces en entreprise, mais néglige un peu (beaucoup) la motivation. Les talents peuvent en avoir évidemment, mais un outsider que l’on recrute, qui ne coche pas les cases peut en avoir bien plus et bien plus longtemps, justement parce qu’il ne coche pas toutes les cases. Vous savez, c’est l’effet du petit Poucet dans les compétitions sportives (coupe de France de football en tête) où une équipe objectivement moins forte renverse une équipe de stars, parce que la motivation dépasse le talent. Mais évidemment cet argument est insuffisant sur la durée, parce qu’en entreprise on a beaucoup de matchs à jouer, et pas seulement un exploit à réaliser.

Pendant ce temps, on cantonne es autres aux projets et tâches subalternes

Plus structurellement la fragilité de cette stratégie est d’induire une gradation entre les salariés (comme on l’a vu dans l’article sur les systèmes HiPo https://www.albus-conseil.com/fr/flop_67-en-finir-avec-les-hipo). Elle déséquilibre les moyens donnés aux uns vs ceux que l’on donne aux autres, bien plus nombreux. Elle concentre les projets les plus excitants et les plus formateurs dans les mains de ces pépites, pour qu’ils restent relever le défi. Mais pendant ce temps, on cantonne donc les autres aux projets et tâches subalternes. En plus, les talents, notamment quand ils sont très jeunes, veulent travailler avec des gens comme eux, parce que ça les stimule et que ça renforce les probabilités de succès et donc d’effet booster pour la carrière.

En réalité, il faudrait demander (exiger) que les pépites soient presque exclusivement centrées sur les autres plus faibles. Mais on leur demande rarement ça… Et l’accepteraient-ils ?

La recherche de talents c’est une stratégie qui omet que l’entreprise est un système plus complexe qu’un train qui a besoin d’une locomotive pour tirer des wagons passifs. L’entreprise a besoin que tout le monde tire. Et attribuer cette mission à certains c’est implicitement ou explicitement ôter aux autres la responsabilité de le faire.


Les retenir en période de changement est un calcul dangereux

Et dans la vie des entreprises, il y a des moments où cette stratégie contestable devient carrément absurde : en période de forts changements. Quand vous menez une réorganisation, un PSE, quand vous modifiez en profondeur votre stratégie. Si vous êtes à la tête d’une petite boîte rachetée par une plus grande, ou que vous rachetez une autre structure dont la taille va modifier profondément le fonctionnement de l’entreprise. Bref, si vous menez un changement important, alors, vous avez sûrement tendance à vous dire : « pourvu que les meilleurs ne partent pas ».

Ça ne veut pas dire que tous les talents vont partir, mais que vous ne maîtrisez que très peu la décision.

Mais un grand changement c’est un changement du pacte pour lequel on est rentré dans l’entreprise. Et dans ces cas là, le réflexe mécanique, pour tous, c’est que le projet individuel va temporairement et violemment prendre le dessus sur le projet collectif : « Est-ce toujours la boîte dont je rêve ? » « Est-ce le moment de donner un nouveau sens à ma carrière ? » Or ces questions, nécessaires et souhaitables dans un processus d’appropriation, vont aboutir à des conclusions qui vous sont moins favorables pour les plus hauts potentiels. Puisqu’au moment où ils vont étudier leur propre cas, ils vont aboutir à la conclusion qu’ils ont d’autres possibilités que de rester. Alors que les gens plus fragiles vont se dire qu’ils ont intérêt à s’accrocher. Ça ne veut pas dire que tous les talents vont partir, mais que vous ne maîtrisez que très peu la décision. Votre intérêt est de faire une bonne proposition sans exagération (pour garder des marges de manœuvre pour les autres) et de vous concentrer sur l’équipe du futur, ceux qui resteront sûrement pour les fédérer autour du nouveau projet.

Exemple : votre start-up à succès est rachetée par un grand groupe (vous êtes chez Chauffeur Privé racheté par Daimler par exemple) : il est probable que les super talents qui sont venus pour être grisés par l’esprit start-up soient impossibles à retenir. Ils vont donc partir. L’attitude la plus logique est donc de faire de ces départs une fête (vive ceux qui ont contribué à nos succès jusque-là et qui vont faire le bonheur de start-upeurs en devenir !) et de mobiliser votre énergie sur ceux que le monde des start-up n’intéresse pas plus que ça (oui oui, il y en a) pour faire un projet excitant pour les années à venir, avec les atouts du grand groupe.


Et parfois les faire partir fait avancer plus vite 

  Et puis, allons plus loin et rappelons notre inspirateur principal, le roi Arthur (https://www.albus-conseil.com/fr/flop_24-la-revanche-manageriale-darthur). Arthur veut le but mais pense que le progrès et le collectif sont les moyens les plus efficaces pour l’obtenir, quand Lancelot veut réunir les meilleurs pour y arriver. Arthur nous invite à regarder l’équilibre des relations plus que les records. Il nous incite à faire progresser un peu tout le monde plutôt que beaucoup peu de monde pour avoir un grand bras de levier, et surtout une pérennité des actions. Ainsi, Aimé Jacquet, arthurien iconique, n’a pas pris Cantona pour gagner sa coupe du monde, et a inspiré son disciple Didier Deschamps qui s’est privé de Benzema, pour le même résultat.

Parfois se séparer d’un talent évident, c’est libérer les énergies.

Alors quand votre équipe ne marche pas malgré de grands talents, envisagez la possibilité qu’elle ne marche pas à cause des grands talents. Parce qu’ils prennent trop de lumière et en laissent peu aux autres qui se démotivent. Parce qu’ils suscitent votre admiration qui va sembler inaccessible aux autres.

Parfois se séparer d’un talent évident, c’est libérer les énergies et redécouvrir des talents moins brillants, mais bien répartis. Vous reprendrez souvent de l’optimisme sur votre équipe en enlevant la star qui vous éblouit.


Faites vos talents, hors des normes et rien que pour vous

Finalement, la question n’est pas de se séparer à tout prix des meilleurs, ou de renoncer à en attirer un seul, mais surtout de ne pas exagérer en la matière. Pas de privilège à leur donner et l’exigence très forte d’emmener les autres avec eux. Un talent anti-collectif c’est grave.

C’est aussi une question de mesure et d’équilibre. On n’oublie pas de valoriser autant les petites victoires de ceux qui essayent que les grandes victoires de ceux qui planent au dessus de la mêlée. On n’oubliera pas de sur-valoriser un collectif qui marche ensemble vs un individu qui avance vite mais seul.

Ainsi, vous créerez vos propres talents, adaptés à la vie et aux contraintes de votre entreprise, qui vous coûteront plus en formation et en management de long terme, mais moins en course au package dans un marché hyper concurrentiel.

L’histoire du premier match de baseball États-Unis vs Japon – ou comment éviter le piège de la nouveauté

A la lecture de Transpacific Field of Dreams  de Sayuri Guthrie-Shimizu, on découvre les liens nippo-américains à travers l’histoire du baseball au Japon. Un épisode marquant de cette histoire est riche d’enseignement.

Le baseball a été introduit dans l’archipel au début des années 1870 mais le premier match nippo-américain a été joué en 1896, entre les jeunes de l’école préparatoire Ichiko et une équipe constituée d’expatriés américains, ces derniers éprouvant un vif dédain pour le niveau des Japonais.

En 1896, donc, une série de 4 matchs est jouée. Le résultat est sans appel : 3-1… pour les japonais. Cette victoire n’était pas évidente : d’un côté, des Américains sûrs de leurs compétences et de leur supériorité naturelle, de l’autre, de jeunes japonais vigoureux et volontaires, à l’esprit d’équipe exacerbé.

Mais comment fait-on triompher l’envie face à la compétence ?

C’est en s’appuyant sur le passé que les jeunes Japonais sont parvenus à créer une force inarrêtable. En effet, les étudiants d’Ichiko étaient issus d’anciennes familles de samouraïs ayant pour valeurs une ténacité à toute épreuve, un esprit de dévouement, un patriotisme et un courage sans faille. Ainsi, comme leurs ancêtres, les élèves d’Ichiko s’entrainaient-ils tous les jours, par tous les temps. Se plaindre était interdit et, lorsqu’ils étaient frappés au visage par une balle mal lancée, ils ne pouvaient dire « aïe » ou « j’ai mal » mais devaient dire : « ça démange ». C’est, sans aucun doute, ce même socle historique et culturel qui explique le beau parcours de l’équipe japonaise dans la coupe du monde de rugby … un succès encore une fois inattendu.

Vous avez un défi gigantesque à présenter à vos équipes ? Ou même simplement un projet qui semble compliqué ? Peut-être serez-vous tenté de chercher de la nouveauté pour motiver vos troupes. Mais, comme les jeunes hommes de l’équipe d’Ichiko, vous pourrez aussi vous appuyer sur l’histoire de votre groupe.

Nul besoin de toujours faire du neuf pour porter vos samouraïs vers le succès, même face à l’adversité la plus forte.

En finir avec la passivité dans vos équipes

Le grand frein au changement dans les entreprises ce n’est pas l’opposition (finalement très rare) mais c’est surtout la passivité, l’absence d’initiatives…bref ce qui ronronne !

Heureusement il existe des solutions pour en sortir ! Petit tour d’horizon dans cet épisode…

* Pour aller plus loin *

// A lire //
Sortir une équipe de la passivité
Vive les projets peu ficelés !
Si, si, le management participatif est un but en soi !

// Les extraits //
Bloqués #6 – Pourquoi t’as démissionné ?
Kaamelott : le retour du roi Livre V épisode 49

La table ronde du management est un podcast produit par Albus Conseil
Au micro : Camille Riou et Patrick Bois.
A la réalisation : Laëtitia Peyre

Éloge de la lenteur en management

Quand vous écoutez les anciens parler du monde du travail aujourd’hui, il revient régulièrement la phrase « ça va trop vite, maintenant, c’est fou ! ». On a tendance à prendre cela comme un compliment : on est plus efficace, on a accéléré…

Et s’il fallait prendre cela au pied de la lettre ? et si ça allait vraiment trop vite ? Et si on était vraiment devenu fou ?

L’optimisation sans fin

En entreprise, depuis le taylorisme, c’est toujours la même histoire. On doit accélérer, on doit optimiser, on doit réduire le « time to market », on doit chercher plus d’efficacité et de productivité. Les innovations vont toutes dans ce sens-là. Optimiser quoi qu’il en coûte.

D’ailleurs, le fait d’aller plus vite a permis de faire des progrès. Dans les transports, dans l’industrie, dans la transmission d’information notamment, beaucoup d’avancées ont été obtenues en accélérant le rythme parfois jusqu’à l’instantané.

Nous avons créé des organisations exsangues qui produisent des projets à n’en plus finir, sans que personne – ni en haut, ni en bas – s’en satisfasse

Comme souvent, c’est quand l’accélération est devenue l’unique mot d’ordre, une obsession, que les problèmes ont commencé à se poser. Quand on a brulé sur l’autel de la recherche de vitesse tous les autres enjeux : la prise de hauteur, le lien social, l’oxygénation. Nous avons créé des usines boulimiques, insatiables où les systèmes compressent le travail des hommes. Nous avons créé des organisations exsangues qui produisent des projets à n’en plus finir, sans que personne – ni en haut, ni en bas – s’en satisfasse. Nous avons créé un monde sans prise de recul où les erreurs se répètent, les femmes et les hommes s’épuisent, les progrès restent éphémères. Oui, les « anciens » ont raison, nous sommes devenus fous.

La lenteur, un ingrédient essentiel dans le travail

Étonnamment, la lenteur est devenue une tare. Rapprochée de la paresse ou de la bêtise, la lenteur est vue comme un défaut dans toutes les entreprises que nous connaissons.

C’est d’abord dû à la fascination de l’homme moderne pour la vitesse. Comme le dit Milan Kundera : « la vitesse est la forme d’extase dont la révolution technique a fait cadeau à l’homme ». Cette citation est tirée d’un ouvrage intitulé La Lenteur (Harper Perennial, 1994).

Dans ce livre, il explique que le bannissement de la lenteur dans la société moderne pose un problème majeur d’oubli. La mémoire a besoin de temps pour s’imprimer, et plus on va vite, plus on oublie. Nous le voyons tous les jours en entreprise : plus personne ne se souvient de la grande vision « Ambition 2025 » lancé par l’ancien directeur en 2015, tout le monde sait quand commencent les innombrables projets qui vont révolutionner notre vie en 6 mois mais ils ne vont jamais au bout, et on refait invariablement les mêmes actions, avec les mêmes erreurs, toujours un peu plus vite…

Jouer une partie à toute vitesse, ce n’est souvent que reproduire une partie que l’on connaît

Un joueur d’échecs ou de Go vous expliquera que l’innovation a besoin de lenteur. Jouer une partie à toute vitesse, ce n’est souvent que reproduire une partie que l’on connaît ; un artisan vous dira que la lenteur est nécessaire pour mettre en œuvre tout son savoir-faire, pour prendre le temps de penser ce qu’il fait, tout simplement. 

D’ailleurs, dans nos temps libres, nous recherchons souvent la lenteur : bricoler tranquillement, marcher sereinement, etc. Nous le faisons pour nous reposer, mais aussi parce que la lenteur fait du bien, permet à notre esprit de vagabonder et d’apporter à notre conscience des choses nouvelles, des idées différentes.

 Se souvenir, innover, développer notre savoir-faire, nous oxygéner… tout cela manque tellement en entreprise aujourd’hui !

Redonnons une place à la lenteur dans le monde du travail

Essayer de réinjecter tout cela en entreprise, c’est remettre de la lenteur et donc aller à contre-courant de la frénésie omniprésente. Ainsi, c’est d’abord un acte de courage !

Sur certains sujets choisis, la lenteur est utile voire indispensable

Pour que ça fonctionne, nous avons donc deux conseils : choisir ses combats et y aller à fond. Choisir ses combats, c’est une façon de rester compatible avec le rythme de l’entreprise dans laquelle vous évoluez. Mettre de la lenteur partout, ce serait désorienter tous ceux qui travaillent avec vous et vous y perdriez plus que vous y gagneriez. En revanche, sur certains sujets choisis, la lenteur est utile voire indispensable : un changement d’organisation, un changement de culture et plus globalement les grands enjeux humains, tout ceci nécessite prise de hauteur et maturation comme la lenteur seule peut vous en fournir.

Sur ces points-là donc, allez-y à fond dans la lenteur. C’est presque un art de manager, un modèle anti-hackathon. Il consiste à challenger à l’inverse vos collaborateurs. Par exemple, s’ils vous disent qu’ils peuvent traiter un de ces sujets en 1 mois, demandez-leur de le traiter en 6 mois mais de le commencer tout de suite.  L’un de nos clients a dit à son Codir récemment : « D’habitude, nous mettons 5 sujets-clés à l’ordre du jour d’un séminaire ; aujourd’hui, je vous propose de ne mettre qu’un sujet à l’ordre du jour des 5 prochains séminaires : notre modèle managérial ». C’est l’idée.

C’est un ajustement complet qu’il faut opérer : savoir sanctionner une action qui a été faite correctement mais trop vite, savoir valoriser la lenteur et la profondeur de telle autre, etc. Fixer un délai du type « pas avant… » plutôt que par ASAP.

Cela peut paraître caricatural mais nous luttons ici contre un réflexe très ancré. Pour réussir à être lent, il vous faudra justement être patient !

Queen ou comment le participatif décuple l’énergie !

Bohemian Rapsody, le film de Bryan Singer retraçant la vie de Freddie Mercury est enthousiasmant à plus d’un titre.

Déjà parce que la musique y est omniprésente, parce que le parcours personnel de Freddie Mercury est touchant, mais aussi parce qu’on assiste à des moments clés de l’histoire du groupe Queen. On assiste aux débuts du groupe puis à son essor. Et ce qu’on observe est très intéressant.

Alors que le groupe commence à être assez connu, loin de se reposer sur ses lauriers et jouer la sécurité, il propose un titre de 6 minutes mêlant rock et opéra ! On leur dit que ça ne passera jamais sur les radios ; trop long et trop spécial. On connaît le succès du titre Bohemian Rapsody depuis !

Tout aussi inspirant, la démarche volontaire du groupe d’offrir « son moment » au public lors des concerts. Il est clair que Queen ne cherche pas à être « la vedette qui fait son show » mais plutôt à être en interaction avec son public, et réfléchit à des titres qui permettent au public de participer, d’être aussi un des membres du groupe à ce moment-là en intervenant dans la chanson au même titre qu’un musicien. Et on est subjugué par les images du concert de Live Aid, où Queen et son public sont au paroxysme de la symbiose et de l’énergie.

Super, mais quel rapport avec le management ?

Deux choses. 

Comme avec ce choix incongru à la base de pousser le titre Bohemian Rapsody, sortir du cadre c’est une hygiène à pratiquer régulièrement en entreprise ! Sortir du cadre pour trouver de nouvelles idées pour traiter les sujets problématiques ; sortir du cadre des bureaux de temps en temps pour être dans une autre énergie ; et aussi accepter de creuser les propositions de vos collaborateurs qui paraissent hors cadre avant de les rejeter en bloc.

Évidemment, on ne peut pas comparer comme ça l’univers de la musique et celui du travail. En revanche, voir à quel point le fait de penser d’abord à ce qu’ils peuvent apporter à leur public, plutôt que se mettre en avant, enrichit la relation, décuple les énergies et peut inspirer les pratiques managériales. Aujourd’hui on a compris que performance et relation ne sont pas incompatibles. Alors quand on a un bon niveau de performance, et qu’on veut aller plus loin, passer en mode participatif peut donner des résultats fulgurants. 

Surtout ne nous croyez-pas, testez !

Le super héros, le pire des managers

Bien sûr, le courage, la capacité à prendre des décisions, la proximité, sont des qualités très appréciées dans les entreprises. A trop les solliciter cependant, on se transforme en « super-héros » qui empêche les équipes de grandir et de développer leur propre héroïsme. Ce n’est pas que dommage, c’est parfois un danger. 

 

A trop confondre le manager et le leader…

On est souvent mécontent des managers que l’on a. Chaque génération critique un profil managérial typique de son époque et fustige ses erreurs : nous avions le manager paternaliste qui confondait ses employés et ses enfants (dans les années 80, même s’il en reste encore çà et là), le manager distant et déconnecté (celui qui ne disait pas bonjour le matin), le manager super technicien mais pas vraiment manager, le manager toujours en réunion et qui ne s’intéresse qu’aux chiffres, époque pas si lointaine où les indicateurs étaient le graal du management. 

Depuis peu, on a un profil qui prend de l’ampleur, le manager super-héros. Produit attirant, cet archétype est un super leader. C’est normal, puisque Linkedin nous dit à longueur de posts qu’un bon manager est un leader et non un boss, on se tourne naturellement vers ces profils. Donc il est courageux, il est assertif car un coach lui a appris à contrôler et assumer ses convictions, il a un comportement d’entrepreneur car les entreprises ne veulent plus d’exécutants dociles dans ce monde si changeant et complexe. 

Bref, une personne qui performe, un cador. Et elle grimpe vite dans l’organisation. Et c’est bien normal. Nous en croisons quelques-unes dans nos missions, quelle puissance et quel plaisir de travailler pour eux

Mais quel est leur bilan de manager ? 

L’équipe est prise de vitesse, étouffée

Vu les résultats de la dernière coupe du monde, on a bien envie de faire des analogies avec le football à tout bout de champ. On a beaucoup parlé de la Neymar-dépendance du Brésil, de la Messi-dépendance de l’Argentine, idem pour le Portugal. Leur bilan est mauvais, alors que les équipes plus équilibrées (France, Belgique, Angleterre, Croatie) ont mieux performé. Même si ce n’est pas aussi binaire, il est logique de penser qu’on se dépasse plus facilement quand il n’y a pas quelqu’un pour réussir à notre place. 

Un manager super-héros, malgré ses qualités, pèse souvent sur le collectif. D’abord il imprime un rythme très soutenu, car il est rapide mais aussi impatient (besoin de réalisation très fort). A ce rythme, l’équipe peut éventuellement suivre mais pas devancer. Et difficile de prendre des initiatives en position de suiveur…

 Ce n’est pas un manque de délégation ou de l’omniprésence, c’est plus fin de ça. C’est juste que son aura pèse sur toutes les actions et décisions. 

Les équipes qui sont dirigées par ces managers se ressemblent les unes les autres : très fidèles, presque militantes de leur chef, en surinvestissement, n’imaginant même pas qu’il ou elle puisse faire fausse route (et n’ayant de toutes façons pas le temps d’y penser). Elles ressemblent un peu aux forces de police dans les films de super-héros : un peu en retard, essoufflées mais de bonne volonté et admiratives du travail (déjà fini) du vrai héros.

Cela génère donc des comportements de suiveurs, une perte de confiance de l’équipe dans ses propres capacités. Bref, managérialement, le bilan n’est pas top.

On peut aussi parler du syndrome du chevalier blanc. Imaginons qu’il y ait un conflit dans l’équipe. Le manager super héros va intervenir dans la relation pour faire le médiateur, dépassionner le problème et ouvrir la porte à l’apaisement. A court terme c’est super, plus de conflit, mais les personnes concernées tireront très peu d’enseignements de cet épisode (qui pourra donc se répéter). Le chevalier blanc, par ses intentions louables, rend vivable une situation qui ne devrait pas l’être et annihile l’apprentissage. 

In fine, le manager super-héros installe souvent autour de lui un fonctionnement en étoile, donc il est le centre. Tout passe par lui. Ce n’est pas un manque de délégation ou de l’omniprésence, c’est plus fin de ça. C’est juste que son aura pèse sur toutes les actions et décisions. Cela génère donc des comportements de suiveurs, une perte de confiance de l’équipe dans ses propres capacités. Bref, managérialement, le bilan n’est pas top.

La solution : déséquilibre et déplacement

Parfois dans nos missions, nous obligeons un manager super-héros à faire des actions qui ne lui sont pas naturelles : laisser faire son équipe, ne rien dire, quitter la réunion au moment le plus stratégique. C’est difficile à accepter pour lui mais il apprend ainsi que son équipe se surpasse quand il n’est pas là, et que le résultat est qualitativement comparable. 

 C’est ainsi qu’un ancien DG de Décathlon a quitté son poste temporairement pour s’occuper du développement de l’Asie. Quand il est revenu, son équipe était terriblement montée en puissance. 

Plus globalement, le manager super-héros doit créer un déséquilibre pour laisser respirer son équipe. Plusieurs possibilités pour cela : accepter une mission complémentaire qui va lui prendre beaucoup de temps et donner plus de place à son équipe qui sera d’abord mal à l’aise mais qui finira par développer des qualités et des compétences nouvelles, accepter d’en faire moins aussi en terme d’horaires (finir une heure plus tôt, c’est parfois un bol d’air excellent pour l’équipe), etc.  

Cela peut aussi prendre la forme d’un déplacement. C’est ainsi qu’un ancien DG de Décathlon a quitté son poste temporairement pour s’occuper du développement de l’Asie. Quand il est revenu, son équipe était terriblement montée en puissance. 

Sans être aussi radical, nous conseillons parfois à ces managers de se fixer des objectifs annexes, c’est-à-dire loin de la stratégie, de l’organisation ou de la performance globale. Par exemple, aller coacher personnellement les 3 personnes les plus faibles de son équipe. Une action utile, prenante et qui déplacera suffisamment son moteur d’action pour laisser les autres prendre des initiatives, résoudre seuls certains conflits, explorer. 

Et comme les managers super-héros évoluent vite, c’est aussi une façon de préparer leurs départs avec des équipes qui sauront déjà faire sans eux. 

ALBUS CONSEIL