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Les objectifs : de bonnes longues vues mais de mauvaises lunettes

Ou comment les objectifs nous rendent souvent plus aveugles que clairvoyants

C’est un grand classique de nos débuts d’années : à peine les coupes de champagne se sont-elles entrechoquées que la sempiternelle question affleure sur les lèvres : et toi, quelles sont tes bonnes résolutions pour cette nouvelle année ? Quels objectifs te fixes-tu ? Et si cette question concerne souvent plus les projets d’ordre personnel, elle colore également fortement les débuts d’année des managers (« cette année, on double nos ventes ! » « on se forme tous à tel nouvel outil ! » « on recrute davantage ! » etc.). 

Quand on manage, il est bien compréhensible de vouloir orchestrer l’année de son équipe autour d’objectifs précis. Mais finalement, le recours systématique aux objectifs pour organiser et quadriller son année ne serait-elle pas une fausse bonne idée ? Et si finalement ne pas tenir coûte que coûte ses objectifs était plutôt une bonne chose ?

Tout part pourtant d’une bonne intention : fixer des objectifs permet d’avancer et de progresser

Cela peut sembler enfoncer une porte ouverte : au travail on vit, on mange (on dort presque !) objectifs. Notamment parce que ceux-ci se déclinent sous de multiples coutures :  il y a les objectifs issus de la nouvelle roadmap de l’entreprise, ceux imposés par son N+1, ceux liés aux attentes des clients, et puis enfin ceux que l’on se fixe à soi-même pour la journée, la semaine, le mois voire, pour les plus audacieux ou stakhanovistes d’entre nous, pour l’année. Et à moins de directement statuer sur un masochisme largement répandu, force est d’en déduire que les objectifs sont de précieuses béquilles pour mettre de la clarté et de la réassurance dans son quotidien. 

Pour le manager, on comprend l’intérêt de fixer des objectifs à ses collaborateurs : montrer où l’on va, sans se disperser et se perdre tout à la fois. En offrant une vision organisée et simplifiée du réel, les objectifs dessinent une feuille de route bien bornée dans laquelle il est plus simple de se projeter et d’organiser son activité. Pour une équipe, c’est a priori l’idéal : l’année se divise en 3 ou 4 grands objectifs, c’est clair et net. Et pour le manager c’est pratique : la non atteinte d’objectifs par un des collaborateurs permet d’être alerté sur une éventuelle difficulté, un état de surcharge, des besoins en formation, en accompagnement … autant de questions qui, sans le prisme des objectifs, ne se seraient sans doute pas posées. 

Pour les collaborateurs, les objectifs jouent également un rôle d’ « attracteur » efficace car, il faut bien l’avouer, un objectif donne envie d’être atteint. Remplir ses objectifs rassure (« j’y suis arrivé », « je sais faire ») mais distille aussi une aura de réussite (« j’ai montré que j’en étais capable »). D’ailleurs il n’y a qu’à voir l’engouement pour les sports extrêmes qui essaiment aujourd’hui (marathons, trails, iron man et j’en passe) où tout l’enjeu est de déjouer les diagnostics, de repousser les limites : nous avons besoin de nous voir réussir, atteindre une ligne d’arrivée, quelle qu’elle soit, pour se sentir exister et valorisé. 

Bref, dans notre quotidien, les objectifs sont de précieuses longues-vues qui permettent de cerner un point d’arrivée avec une certaine acuité et de s’organiser en fonction de ce dernier – pourquoi alors s’en priver ? 

Mais en réalité en se concentrant sur les objectifs on loupe l’essentiel 

En réalité, l’enjeu n’est pas tant d’arrêter de fixer des objectifs, mais plus de comprendre en quoi manager uniquement par les objectifs nous fait passer à côté de l’essentiel. 

L’essentiel c’est la progression de son équipe 

L’essentiel, lorsque l’on manage, c’est notamment le progrès, le chemin qui se déploie entre le point de départ et le point d’arrivée, qui devrait être autant valorisé que l’atteinte des objectifs. Or les objectifs sont formulés d’une telle manière qu’ils ne laissent aucune place au progrès, à l’ »entre deux » : il y a ceux qui réussissent et ceux qui échouent, point. Cette vision des choses fait oublier que non seulement commencer quelque chose est toujours mieux que de ne rien faire du tout mais aussi que les objectifs sont souvent fixés arbitrairement et sont donc parfaitement contestables en eux-mêmes. Par exemple, vous êtes-vous jamais posé la question de pourquoi la compétition iron man avait une course de natation de 3,8 km de long et non 4km, 42 km de course à pied et non 40, 180km de vélo et non 200 ? Les objectifs sont certes utiles, mais à la manière de longues vues : focaliser son regard en des points précis de l’horizon pour choisir la bonne direction ou les menaces à éviter. Mais ils ne permettent pas de justement valoriser et manager une équipe, dont la réussite en réalité s’apparente bien plus à un continuum, à une série de petites actions, qu’à une ligne à franchir. 

Mais également les opportunités non imaginées au départ 

Concentrer son action et son intérêt sur des objectifs précis nous aveugle aussi sur toutes les opportunités non imaginées au départ qui se dessinent souvent en cours de route. La grande perversité des objectifs réside dans leur immuabilité. Une à deux fois l’an (souvent lors de grandes messes de début d’année ou lors des entretiens annuels de fin d’année) des objectifs sont fixés, et puis on n’en parle plus, on ne les conteste plus. Le problème, c’est que si ces objectifs nous aident à gagner en efficacité et rassurent, ils ne nous aident pas à muscler notre capacité à explorer d’autres possibilités. Et cela est problématique dans un monde en constante mutation, où il faut souvent réajuster les choses et où l’on ne cesse d’enjoindre les salariés à davantage de créativité et d’innovation. Il y a donc une vraie contradiction à souhaiter plus de flexibilité et d‘ouverture dans des systèmes au sein desquels l’unique mode d’animation de la vie d’équipes est le suivi méthodique d’objectifs. Manager uniquement via des objectifs pré-établis relègue les tentatives d’exploration et de recherche de solutions différentes à des actions parfaitement accessoires. 

Alors pour une fois, troquez plus souvent vos longues vues pour des lunettes ! 

Bien évidemment, l’idée n’est pas d’arrêter de recourir aux objectifs (qui sont un mal nécessaire) mais plus de cultiver d’autres manières de valoriser le travail de ses collaborateurs et d’animer la vie de son équipe. L’enjeu est d’éviter de se retrouver aveuglés dans une poursuite frénétique d’objectifs que l’on oublie de requestionner et de recalibrer. 

Concrètement, qu’est-ce que cela pourrait signifier de troquer la longue vue pour les lunettes : 

o   Fixez des objectifs qui font progresser vos collaborateurs plutôt que des objectifs qui imposent des niveaux stricts à atteindre : par exemple, au sein d’une usine, ce peut être préférer l’objectif « améliorer notre qualité » à l’objectif « assurer X% des produits finis de qualité », car le pourcentage préfixé ne prend pas en compte la possibilité d’aléas. Cela permet bien mieux de valoriser le progrès, l’avancement par rapport au point de départ 

o   En réunion d’équipe, parlez autant des progrès en cours que des réalisations visibles. Cela peut paraître simpliste mais souvent l’usage est plus d’attendre que le résultat soit atteint pour avoir un prétexte de valoriser son collaborateur. Cela implique aussi de cesser de faire des objectifs le cœur des discussions et la conclusion de vos réunions d’équipe, donc de juger qu’une réunion réussie doit forcément se solder par la définition d’un plan d’action et d’objectifs subséquents. Parfois il y a besoin de temps pour digérer les choses et fixer des objectifs plus adaptés, de manière moins frénétique. 

o   Réduisez – drastiquement – le nombre d’objectifs que vous fixez à vos collaborateurs : ce n’est un secret pour personne, courir plusieurs lièvres à la fois est le meilleur moyen de n’en avoir aucun – il vaut mieux prioriser un objectif pour une période de temps, qui prime sur le reste afin 

o   Tempérez les objectifs avec des gardes fous pour vous assurer que vos objectifs restent pertinents et n’engendrent pas des effets indésirables (comme le fait de vouloir coute que coute atteindre tel objectif – au détriment du bon sens ou de la santé de vos collaborateurs). Concrètement ces gardes fous peuvent être formulés de la manière suivante « je souhaite atteindre cet objectif à moins que je n’atteigne pas le point P au moment t ». Le fait de poser des critères d’élimination vous permettra de vous assurer qu’il n’y a pas d’autres options plus judicieuses en cours de route et le moment opportun pour lâcher des objectifs qui ne sont plus pertinents, car le contexte a changé. 

Vive le mode pompier !

Pauvres pompiers… On utilise leur image pour décrire le pire de la vie professionnelle d’aujourd’hui.

Le mode pompier, dans la bouche de tous les managers qu’on connait, c’est la frénésie, la non priorisation, le court terme au détriment du long terme. C’est faire tourner toutes les assiettes en s’interdisant d’en faire tomber une seule. Et du coup tout le monde veut sortir du mode pompier !

Et il faut bien admettre que ce mode pompier, quand il est constant, il est insupportable. Mais c’est un symptôme ! Un symptôme de notre rapport aux problèmes, qu’on voudrait tous résoudre, comme si c’était possible… Et un symptôme de notre allergie à la lenteur et à la respiration.


Mais ce mode-là, c’est tout sauf le quotidien des pompiers

Eux, ce sont des professionnels de l’urgence. Tout leur environnement est axé autour d’un objectif : les rendre merveilleux face à l’urgence. Ils s’entraînent, sont disponibles, sont managés pour ça.  

Et eux, ils sont calmes, ils sont l’inverse du mode qui emprunte leur nom. Ils ne sont jamais frénétiques. Jamais. Ils savent prioriser et, encore plus incroyable, ils savent ne faire qu’une chose à la fois…


Le vrai mode pompier, c’est la tranquillité face à l’urgence

Et ce vrai mode pompier, à certains moments, on en a vraiment besoin dans les entreprises. On devrait l’encenser, pas le décrier.  Le pompier, c’est celui qui sauve des vies : des enfants, des parents, des grands-parents. C’est de ce type d’urgences dont on parle.

Dans ces situations-là, le mode pompier, c’est extrêmement noble : c’est le moment où le courage passe au-dessus de la raison.

Ça place la barre de ce qu’est une urgence dans l’entreprise : une situation qui menace la survie, non pas des gens qui y travaillent (ça c’est un accident ou un presqu’accident), mais de l’entité, du site ou de l’entreprise elle-même. La perte d’un énorme client, d’un produit vache-à-lait, un scandale sanitaire, un retournement de marché, etc.

Dans ces situations-là, le mode pompier, c’est extrêmement noble : c’est le moment où le courage passe au-dessus de la raison, parce qu’on a des trucs à sauver. C’est le moment où on est court-termistes et on l’assume. C’est le moment où on montre qu’on sait vivre de grosses difficultés et réinventer autre chose après.


Le pompier, lui, sait pourquoi il brave l’adversité : il sait ce qu’il sauve

En demandant à tous vos salariés de se battre, vous leur demandez de sauver quoi ? Le pompier, lui, sait répondre à cette question. Et vos équipes ?

Seul le « pourquoi » permet de faire émerger 150 « pompiers » déterminés à déjouer tous les pronostics, sur un site de 170 salariés.

Quand vous leur demandez de se mobiliser malgré une incertitude extrême, au mépris de toutes les raisons rationnelles de se dire que c’est mort, vous leur demandez de lutter pour quoi ?  Il vaut mieux le savoir… Cette boite, elle incarne quoi ? Quelle idée de son marché ? Quel est son « pourquoi » ?

C’est pour ça qu’il est si dangereux de ne définir une entreprise que par ce qu’elle produit et comment elle le produit. En cas de coup dur, personne ne se bat pour un « quoi » ou un « comment ». Seul le « pourquoi » permet de faire émerger 150 « pompiers » déterminés à déjouer tous les pronostics, sur un site de 170 salariés.


Et le vrai mode pompier, c’est mettre toute l’organisation au service des héros de l’histoire

Durant l’incendie du World Trade Center, aucun sous-officier n’a demandé aux pompiers de New York de ranger la caserne, d’entretenir les camions, ou de faire l’inventaire du matériel. Si vous voulez mobiliser face à l’urgence, il vous faudra aussi alléger tout ce qui relève des affaires courantes, et matérialiser la gravité de la situation par des décisions inédites.

Comme cette manager d’une entité menacée, lorsqu’elle a dit : « Pendant les 2 prochains mois, les chiffres, ce n’est pas ce qui m’intéresse. Ce qui m’intéresse, c’est votre engagement, vos initiatives. C’est que vous partagiez vos idées sur comment redresser la barre. C’est vos efforts, votre énergie. Du coup, durant cette période, le variable ne sera plus basé sur le CA, qui va forcément baisser, mais sur votre nombre de visites clients. Vous serez aussi dispensé de la rédaction de vos comptes-rendu de visite, et on va suspendre tout besoin de validation N+1 dans le process de remboursement de frais ».


Et pourtant, ce vrai mode pompier, on a du mal à l’activer, par peur de faire peur…

Même face à des dangers mortels pour l’entreprise, on hésite… Parce qu’en tant que managers, on veut rassurer, et du coup on minimise. On veut croire soi-même et/ou faire croire que la situation n’est pas si grave. Et surtout qu’on a des réponses, en haut… Et alors on fabrique une illusion fatale : la direction vous protège, elle prend les choses en main.

Il faut unir face au danger, plutôt que chercher à rassurer.

C’est faux ! Pour activer ce mode pompier, qui est vital dans ces circonstances, il faut pouvoir dire le contraire, il faut unir face au danger, plutôt que chercher à rassurer. Il faut pouvoir dire, comme cette même manager : « Ce n’est pas la direction qui va sauver le site. C’est un effort de tout le monde. On doit tous être pompiers dans cette histoire. La question, c’est pas de savoir si la situation est grave. Elle l’est car elle est soudaine, car elle nous privera des ressources sur lesquelles on comptait pour mener à bien notre projet stratégique, et parce qu’elle nous met à risque en termes d’emploi. Elle l’est car elle pourrait nous décourager à un moment où on va avoir besoin de l’engagement de chacun d’entre nous. Dans les prochaines semaines, on va gérer de l’urgence, on va avoir d’autres surprises. Vous pouvez être en colère, être dans la déception, l’incompréhension. Vous pouvez aussi être furieux contre moi, contre la direction au-dessus, et vous aurez vos raisons de l’être. Mais nous allons avoir besoin de l’implication de tous ».

C’est ça, le vrai mode pompier. Aussi exceptionnel, aussi courageux et aussi puissant que ça.

Et ce n’est pas la frénésie du quotidien. Cette frénésie, c’est le contraire de ce qu’incarne le pompier : c’est le mode entreprise…

Alerte aux managers qui ne managent plus !

On se pose très souvent la question de comment mieux manager sans jamais se poser la question de savoir si on manage tout court… Et ça ne va pas de soi car il n’est pas si rare de voir des managers qui ne managent plus.

Vous ne managez plus 

Comme Nicole, manager dans une entreprise de l’économie digitale. Elle est en charge d’une équipe de 12 jeunes pros ultra-motivés et ultra-compétents. Ses équipes portent des initiatives dans leur périmètre et parfois même au-delà ; elles sont toujours partantes pour prendre plus de responsabilités, ou pour faire des feedbacks à Nicole pour qu’elle puisse s’améliorer.

Alors Nicole, elle s’est dit qu’elle n’a pas vraiment besoin de manager ses équipes, et on la comprend. Après tout, elles sont autonomes et si quelque chose ne va pas, elles viendront la voir. Et puis ça tombe bien son équipe est très chargée, alors elle met la main à la pâte, coordonne les opérations, donne un coup de main par-ci par-là, défend le périmètre de son équipe face aux autres managers. Et ça, ça remplit déjà très largement ses journées.

Comme Nicole, et puis comme Jacques aussi, qui est chef de service dans une usine. Il gère une petite équipe de spécialistes. Ils sont compétents, mais pas bien simples à manager. En réunion, ils ont tendance à se prendre le bec plus qu’à faire avancer les projets. Quand Jacques propose des idées de projets à mener tous ensemble, ils commencent par se plaindre, par dire qu’ils sont des spécialistes et qu’ils ne comprennent pas bien en quoi ils devraient former une équipe. Après tout, ils ont des métiers assez différents. Et comme individuellement ils ne se débrouillent pas trop mal, Jacques a laissé tomber. Il gère le quotidien, qui est déjà assez lourd comme ça, traite les urgences et essaye de ne pas se laisser trop affecter, l’équilibre vie pro/vie perso, c’est important.

Ou encore comme Carole, talentueuse directrice d’usine. La production va bien, on est dans les attentes du Groupe, déjà exigeantes. Le CODIR est solidaire, compétent, mobilisé. Le dernier lancement s’est bien passé et les clients internes savent que l’usine de Carole est ok. Alors bien sûr tout n’est pas tout rose. L’ambiance sur le site n’est pas terrible, il y a toujours cette espèce de peur du changement, de conviction que même si on est performant, on n’est pas la priorité du Groupe qui n’investira pas dans l’usine.

Mais bon, l’entreprise ce n’est pas une quête de perfection. Carole n’a plus 18 ans, elle a perdu avec raison un peu de son idéalisme. Ok l’ambiance n’est pas exceptionnelle, mais la prod est faite et bien faite. Elle s’en contente.

En fait, on comprend Nicole, Jacques et Carole. À leur place on ferait probablement la même chose. Rien n’est vraiment à côté de la plaque, mais rien de ce qu’ils font ne s’apparente à du management.

Nicole, Jacques et Carol ont renoncé à manager, ils ont doucement perdu la foi, puis perdu pied.

Les effets que cela produit

Mais ça pose un petit problème quand même cette affaire. Parce que si Nicole, Jacques et Carol ont ce poste de manager, c’est bien pour une bonne raison. Et voilà ce que ça donne réellement à terme.

En management, le statu quo, c’est assez souvent synonyme de détérioration.

Pour Nicole, le risque c’est d’avoir des équipes ultra-motivées et ultra-compétentes qui n’iront pas plus loin que leurs limites individuelles. Ils vont se sentir efficaces mais pas plus. Or ce dont ils ont envie, c’est d’aller très loin. Et c’est là que doit intervenir le manager en leur permettant de se dépasser. Pour eux, le principal risque c’est la démotivation, et Nicole risque bien de perdre assez vite les meilleurs.

Pour Jacques, son risque, c’est de perdre encore plus pied. Son équipe va continuer à se désagréger. L’ambiance va s’étioler un peu plus. Des questions de sens vont commencer à se poser. À terme, il va perdre quelques-uns de ses collaborateurs qui n’ont pas que des qualités mais qui au moins sont compétents.  Et ça peut s’aggraver encore, des clans peuvent se former et il peut finir par se retrouver en dehors de ses équipes.

Pour Carole, les choses peuvent rester intactes pendant des années. Son usine va continuer à produire comme elle en a l’habitude. Ses clients internes continueront de reconnaître son expertise. En revanche si un jour il y a un changement fort à porter, comme un changement des horaires de travail, un changement de métiers que le Groupe en difficulté imposera, alors là, ça risque d’être une autre affaire. Et on sait que ces choses-là arrivent, et qu’elles peuvent être difficiles à prévoir parce que dans ces cas-là, c’est rarement Carole qui décide. Et quand Carole va devoir porter un ce projet difficile, et bien elle aura un vrai problème : elle n’aura pas de réserve d’énergie. Alors les lignes vont dérailler, et là on va regretter de ne pas avoir anticipé.

En fait en management, le statu quo c’est assez souvent synonyme de détérioration. C’est comme au tennis, si tu ne frappes pas la balle quand elle est devant toi, c’est qu’elle est derrière.

Alors par quoi on commence ?

D’abord, il faut vous poser une première question : est-ce que c’est un problème que je ne manage plus ? si je fais un petit refus d’obstacle côté management, ce n’est pas le bout du monde…

Nous on n’en est pas si sûrs justement. Parce qu’un manager qui manage moins, qui fait au lieu de faire faire : c’est une perte de sens pour les équipes. Donc à terme une démobilisation des équipes.

C’est aussi des équipes qui commencent à tourner en rond et qui ne progressent plus. Donc à terme une démobilisation des équipes.

Et c’est des clans qui commencent à se former, avec une installation des individualismes. Donc à terme une démobilisation des équipes.

En fait c’est l’histoire de la grenouille qu’on plonge dans une casserole sur le feu. Si l’eau est chaude, elle en ressort aussitôt. Si elle est froide, elle s’habitue à la chaleur qui grimpe progressivement et elle finit par mourir.

Il est vrai que reprendre la main sur son management quand on l’a perdu, c’est difficile et coûteux. Est-ce que ça vaut la peine ?

Alors là c’est à vous de répondre.

Nous, on a juste une ou deux billes qu’on retire de l’histoire de Carole : elle a ses équipes, qui produisent bien, et qui maîtrise le quotidien. C’est bien. Pour le moment…

Devenez un autre manager : investissez le contraire de votre management d’avant.

Parce que vous êtes dans une jungle, alors tant qu’il y a assez de fruits pour tous les singes, pas de problème, vous survivrez. Mais si un changement intervient, si les fruits viennent à manquer et que ça redevient la loi du plus fort, alors c’est celui qui aura été le plus exigeant qui s’en sortira. Celui qui a les muscles pour courir le plus vite, sauter le plus loin, ou crier le plus fort prendra la plus grosse part.

Et comme les changements interviennent systématiquement, sous une forme ou une autre, il vaut mieux prendre les devants.

Et si vous répondez encore oui à cette question, alors il faut réfléchir à un moyen de changer la situation. Nous, on a une astuce à vous proposer : Devenez un autre manager : investissez le contraire de votre management d’avant.

C’est comme de redonner vie à son couple. Si votre couple bat de l’aile, vous n’allez pas essayer de faire plus de ce que vous faisiez déjà. Non, vous allez tenter de faire les choses différemment. En changeant votre restaurant habituel, en changeant de destination de week-end, en essayant des attentions inattendues…

C’est pareil pour votre renouveau managérial : si votre management d’avant vous a amené à ne plus manager aujourd’hui, c’est qu’il faut changer de management.

Alors faîtes l’inverse de votre style. Vous étiez cadré ? soyez inattendu. Vous étiez visionnaire ? laissez le soin de la vision à vos équipes. Vous étiez très « prise de hauteur » ? soyez très terrain.

Et n’ayez pas peur d’être un peu caricatural dans votre posture. Vous aurez tout le temps de la réajuster.

Eddy Merckx disait : « la révolution est comme une bicyclette, quand elle n’avance pas, elle tombe ! »

Eh bien c’est pareil pour le management !

Décideurs, arrêtez de décider !

Même nos clients les plus haut placés ont le sentiment de subir des décisions qui tombent, d’encore plus haut… Aujourd’hui, vous pouvez manager 2000 personnes et ne plus oser prendre la moindre initiative par peur qu’une directive groupe vienne tout mettre par terre. À force de vouloir régler tous les problèmes par des décisions dites structurantes, on se retrouve avec des organisations qui deviennent invivables.

Les décisions, ça vole en escadrilles

Personne n’est à l’abri des décisions qui tombent. Elles tombent d’un, deux, ou trois niveaux au-dessus, au détour d’une conf call au titre vague. Elles tombent sur n’importe quel manager, qu’il ait la responsabilité de 10, 100, ou 1000 personnes… Il se connecte sans arrière pensée au call, et y découvre la nouvelle solution technique ou organisationnelle à un problème qui n’en est pas un pour lui, ou bien qu’il est déjà en train de solutionner à son échelle.

Ces décisions sont parfois efficaces mais, l’air de rien, elles envoient aussi plein de messages catastrophiques. Il y a l’embarras du choix entre « arrêtez de penser que vous avez la main sur votre périmètre », « peut-être que vous avez déjà enclenché des choses pour résoudre ce problème, mais on s’en moque », et bien sûr « on sait mieux que vous ce qui est bon pour faire fonctionner vos équipes »… 


Faut bien avouer que c’est dur de se retenir…

Si on se met à la place de celui ou celle qui prend ces décisions, il faut reconnaître que c’est tentant : je vois un problème, et comme je suis moins impliqué émotionnellement que les managers de terrain, je suis persuadé d’avoir un avis plus objectif, une vue plus globale. Et je ne suis pas à ce poste pour rien… Je suis là pour impulser, pour agir ! 

Et puis entre managers d’une même boite, en réalité, la question principale n’est pas forcément comment résoudre le problème, mais qui résout le problème ! Alors évidemment, le N+3 n’est pas forcément très intéressé de savoir que son N-2 à déjà tenté un truc qui commence à fonctionner. Il ne veut pas uniquement que le problème soit réglé, il veut que sa solution règle le problème. 

 

Chacun cherche à caser sa solution.

C’est là que le truc devient irrationnel. La logique voudrait qu’on analyse le problème pour trouver la solution. Mais c’est pas ce qui se passe le plus souvent… Ce qui se passe, c’est que les gens cherchent un problème pour appliquer leur solution préférée, celle qu’ils ont en tête pour un peu tout.

Prendre une décision, c’est déjà agir

On connait celui qui, pour chaque problème, cherche toujours à caser sa solution « mettre en place un process clair », un autre pour qui tout problème peut-être résolu par « incentiver les personnes sur leur performance sur tel critère, pour qu’ils se mobilisent davantage », un dernier qui a toujours le réflexe de « mettre le client au centre », etc. À chacun la sienne. Plus je la place, plus je suis content.

C’est caricatural ? Bien sûr… Ce n’est pas toujours vrai. Dans certains cas, c’est encore plus bête : les décisions sont prises par peur. Par peur qu’en laissant les niveaux opérationnels résoudre le problème, je passe pour celui qui n’a rien fait. Prendre une décision, c’est déjà agir. Et on veut être du côté de ceux qui agissent. On n’a pas envie de s’entendre dire « vous avez su et vous n’avez rien fait »…

Tout ça traduit une situation ignorée du bas mais bien réelle : c’est souvent dur d’être en haut… On ne voit la situation qu’au travers des chiffres, on a moins la chaleur de la relation avec l’équipe, on veut peser alors qu’on est loin, on se sent en compétition, on se sent même parfois sur un siège éjectable. Alors on agit par égo ou par peur, bien trop souvent…


Et par solution, on entend du lourd, du structurel

Comme la décision doit briller par sa capacité à créer un avant et un après, elle implique souvent des changements d’organisation ou de structure. Elle ne concerne donc pas uniquement celui qui la prend. Bien au contraire, elle impose des changements à de nombreuses personnes. 

En ce sens, ce sont des décisions qui en imposent, bien plus que des décisions qui s’imposent, du point de vue des personnes à qui elles s’appliquent. Ces personnes vivent de plus en plus dans un sentiment d’insécurité permanente, avec le sentiment que quoi qu’elles fassent, leur initiative sera recouverte par un projet groupe au nom pompeux. Elles commencent alors à s’abstenir de prendre des initiatives.

Ces décisions qui tombent fabriquent donc ce qu’elles sont censées compenser : de la passivité et de l’amateurisme.


Vous aimez le Lean ? Appliquez le Lean Deciding

Même dans une organisation moyennement grosse et moyennement complexe, les problèmes à résoudre sont innombrables. Si on cherche tous à les résoudre, c’est l’enfer. Quand différentes personnes s’y mettent sans concertation, c’est encore pire.

Sur les prises de décisions aussi, soyons Lean. Comme d’habitude, le Lean c’est dur… C’est une philosophie, une approche des problèmes qui demande la discipline de désobéir à de bonnes vieilles habitudes. Et qui demande du courage ! Le courage de s’imposer de faire avec moins… Et celui de laisser du temps au temps, plutôt que changer de cap frénétiquement tous les 2 mois.  

Cela veut dire garder en tête que certaines solutions mettent du temps à faire effet. Et ça passe par le fait de laisser d’autres que soi obtenir de belles victoires avec leurs solutions.


Décider en mode Lean, c’est jouer à « Où est Charlie ? »

Gouverner est un art difficile, non pas parce que c’est dur de trouver des solutions et de les appliquer, mais parce que c’est dur de n’en appliquer qu’une. C’est dur de s’y tenir suffisamment longtemps, de les défendre et de les valoriser, même si ce n’est pas la sienne. 

Mais c’est aussi une autre manière d’exister tout en haut. Et c’est une autre expertise de  très haut niveau à faire valoir, celle de savoir trouver Charlie : ne sélectionner qu’un seul élément, mais le bon, parmi un océan de possibilités qui sont sous nos yeux. 

Managers humanistes, choisissez le PSE !

Dans un monde qui va de plus en plus vite, il faut savoir changer…. Mais dans un monde de plus en plus sensible médiatiquement et judiciarisé, il ne faut pas faire de vague…

Dans ce grand écart, on déteste le patron voyou qui fait un PSE (Plan de Sauvegarde de l’Emploi), mais pas de problème pour le PDV (Plan de Départ Volontaire), beaucoup plus humain… soi-disant… Pourtant managers et élus syndicaux devraient préférer le PSE, et de loin ! Voilà pourquoi.


Restructurer, ce n’est pas un tabou

D’abord, évacuons le politiquement correct : non, restructurer n’est pas nécessairement un réflexe de patrons voyous, d’actionnaires avides ou d’américains méprisants. Le monde change depuis la nuit des temps et l’activité humaine, économique ou non, s’y adapte. Presque plus personne ne travaille dans les forges d’épées, le taillage de pierre pour la construction, la copie manuscrite des livres…. On a restructuré. Mais il y a toujours une industrie des armes, du bâtiment, de l’édition. Et si demain, nous n’avons presque plus de livres, il y aura sans doute en revanche quelques emplois dans l’informatique qu’il n’y avait pas à l’époque du tout papier.

Ne jetons pas le bébé avec l’eau du bain.

Il y a évidemment, en France et ailleurs, des décisions avides qui engagent des transformations uniquement motivées par l’appât du gain à court terme, sans considération ni pour l’individu, ni pour le long terme. Ces restructurations doivent être combattues. Mais ne jetons pas le bébé avec l’eau du bain. Parce qu’en mettant toutes les restructurations dans le même sac, on évitera certains abus, mais on empêchera aussi notre pays d’avoir une économie moderne, et on creusera encore plus notre chômage structurel pour éviter d’aggraver le conjoncturel.

Bref l’économie détruit et crée des emplois depuis des millénaires. Et il y a plus d’emplois aujourd’hui qu’il n’y en a jamais eu dans l’histoire. Sur la longue durée, les restructurations ne posent aucun problème. C’est bien évidemment à court terme, pour les gens directement concernés au moment du changement, que la restructuration est violente.

Et cette violence, conjuguée à la nécessité de transformer régulièrement pose la question des meilleurs outils pour le faire en France.


PSE = diable ?

En France, la loi encadre fortement les licenciements. Les argumentaires doivent être très précis pour permettre d’en réaliser un groupé. On craint les abus sûrement, et donc on montre les dents a priori.

En très gros, on a 2 choix pour faire des modifications de grande ampleur :

  • Le PSE, Plan de Sauvegarde de l’Emploi, qui organise la transformation de l’entreprise et conduit, après négociation avec les instances représentatives, à des licenciements.
  • Le PDV, Plan de Départ Volontaire, qui propose, toujours après négociation avec les instances représentatives, aux salariés qui le souhaitent de quitter l’entreprise.

Dans les 2 cas les conditions de départ sont négociées au préalable et connues.

Comme le premier est imposé et le second volontaire, le premier a particulièrement mauvaise presse alors que le second est plus facilement accepté par les élus et par les politiques. En se lançant dans un PSE, on agite un chiffon rouge et les médias s’en mêlent, les politiques aussi.

Sauf qu’il y a derrière cette préférence une erreur d’appréciation dangereuse. Rappelons que l’épisode des suicides chez France Telecom, apparait à l’occasion d’une restructuration massive mais sans PSE.


En réalité le PSE a le mérite de la clarté

Du coup, échaudés par le tourbillon médiatique, les patrons craignent de se lancer dans ce type de plan. Mais loin de renoncer à la restructuration elle-même, ils prennent l’autre chemin, plus discret : le Plan de Départ Volontaire.

Rappel de France Télécom : l’entreprise vient de racheter Orange et est super endettée. Elle va s’ouvrir à la concurrence, le mobile est en train de tuer le business du téléphone fixe. Tout change et il est impossible que l’entreprise ne change pas… Mais on ne lance pas un PSE, on contourne avec l’objectif de supprimer 22 000 emplois sur plus de 100 000…. 22 000 volontaires à trouver ? Impossible. Il faut encourager le volontariat…

Le PDV est une solution honnête sur le papier mais qui pose de vrais problèmes : quand on n’a pas assez de volontaires, on fait quoi ? Comme les volontaires ne sont pas aux postes qui nous arrangent, on fait quoi ?

S’ils ne sont pas volontaires, on peut imaginer qu’ils le vivent mal.

Le PDV est une solution qui doit se mettre en œuvre avec une infinie délicatesse : il ne faut surtout pas décliner le nombre de départs ouverts dans le plan en fixant un objectif à atteindre par direction ; c’est dans ce cas que le manager local peut ne pas avoir le nombre requis et chercher à « créer des volontaires ». Il faut prendre le temps pour mettre en place les dispositifs d’accompagnement, sauf qu’on a aussi besoin de mettre en place la nouvelle organisation, donc on a rapidement des gens qui n’ont plus de postes…. Et s’ils ne sont pas volontaires, on peut imaginer qu’ils le vivent mal.

Le PSE est bien plus clair. Il est dur mais les critères négociés pour choisir à qui on ne proposera pas de postes et à qui on en proposera vont avoir tendance à protéger les plus faibles et à faire sortir les moins fragiles (plus jeunes, plus « bancables » sur le marché du travail). Le PSE détermine une date de départ. C’est dur, mais on sait à quoi s’en tenir ; quand on sera prévenu, quelles seront les mesures d’accompagnement, quand on devra partir, quand la nouvelle organisation se mettra en place.

Il y a une forme de justice dans le PSE parce que l’entreprise ne va pas pouvoir être gagnante sur tous les tableaux et ne remettre sur le marché du travail que ceux dont elle ne veut plus. Dans le PDV, très rapidement, on s’organise pour que les moins bons soient volontaires.

Bien restructurer

 Dans la grande majorité des cas, nous recommandons donc le PSE :

  • Aux patrons parce qu’ils seront obligés de monter un plan le plus équilibré possible, ce qui permettra de poursuivre l’activité après le plan sans démotivation majeure.
  • Aux syndicats parce qu’ils auront plus la main sur ce qu’il se passe au local, alors que l’essentiel leur échappe dans un PDV.
  • Aux politiques parce qu’ils trouveront sur le marché du travail des individus moins fragiles qui seront accompagnés pendant des mois et bénéficieront d’un congé de reclassement (qui maximise les chances de reclassement et limite les versements d’indemnités).

Evidemment le PSE n’est pas un outil de gentil nounours non plus, et il n’est pas vertueux par essence.


Il faut encore bien le mener :

=> En amont en inventant des projets qui préparent l’avenir et s’inscrivent dans un plan à long terme destinés à être en bonne place sur son marché dans 5/10 ans.

=> Pendant la négociation en offrant vraiment des marges de manoeuvres aux élus pour que la solution retenue soit la plus équilibrée entre les intérêts de l’entreprise et ceux des salariés (sortants et restants). 

=> Après la négociation en proposant une vision au-delà du PSE qui n’est qu’un outil conjoncturel au service de la stratégie.

 

L’illusion de l’intrapreneuriat

 Lab, Hub, Lab-Inno, Incub, start Innov Lab … elles s’y mettent toutes et créent cette nouvelle espèce de collaborateurs qu’on appelle « Les Intrapreneurs ». Les intrapreneurs ce sont Thomas et ses amis ! Vous savez, les seuls mecs de votre boîte qui se baladent en baskets dans les couloirs alors que vous êtes tous en costard-cravate. 

Ceux à qui on a refilé le 6ème étage de votre tour de la Défense, avec des espaces hyper collaboratifs, des balançoires, des poufs et des tableaux tactiles alors que vous, ça fait 10 mois que vous partagez votre bureau avec 4 autres collègues. Vous le remettez ? Thomas, intrapreneur, 6 années de maison, prêt à sortir LE projet innovant de la boîte !Bon ok, c’est peut-être un peu caricatural… En réalité il n’y a pas forcément un système à l’intrapreneuriat ou une zone dédiée… Mais en tout cas, ils sont de plus en plus nombreux à faire de l’entrepreneuriat à l’intérieur de leur boîte. 

Sur le papier, l’intrapreneuriat est hyper excitant…

Et ça profite à la fois à l’entreprise et au salarié !

A l’entreprise pour plusieurs raisons : c’est déjà un bon moyen de trouver de nouvelles innovations business et de se pencher sur de nouvelles offres. Et comme on fait appel à des ressources internes, on limite le budget de ces innovations. Mais c’est aussi une bonne opportunité d’améliorer son image de marque, parce que l’intrapreneuriat ça fait fantasmer pas mal de vos collaborateurs…Ça répond à des besoins de plus en plus importants de vos salariés : l’autonomie, la recherche de sens et l’entrepreneuriat. La source des idées, c’est eux ! Du coup ils s’approprient naturellement les sujets sur lesquels ils travaillent. Ils sont donc surmotivés et portent les projets comme si c’étaient leurs « bébés ». Et en plus, c’est comme s’ils montaient leur propre boîte, sauf qu’ils le font à l’intérieur d’une structure déjà solide et pérenne. Et quand on sait qu’il faut 10 échecs de startups pour en réussir 1, bah c’est rassurant de limiter les risques.

Mais en vrai c’est au moins aussi casse-gueule que l’entrepreneuriat…

Déjà c’est compliqué de définir les profils intrapreneurs : est-ce qu’il suffit d’avoir une bonne idée pour en être ?

Qu’est-ce qui fait que Thomas est un bon intrapreneur au final ? 

Ce qui est sûr c’est que Thomas est motivé, il a un projet qui l’anime, il est autonome, moteur, débrouillard et tenace… Mais s’il avait l’âme d’un entrepreneur, est-ce qu’il ne serait pas déjà parti monter sa propre boîte ?

Ce qu’on peut dire c’est que Thomas est très reconnu en interne ; Parce qu’en réalité, parier sur lui et sur sa capacité à trouver une solution innovante, c’est parier sur le fait qu’il va s’impliquer à 200%, qu’il va s’auto-former et trouver des solutions seul sur des sujets qu’il ne maîtrise pas, sans management direct ni livrables à court terme. C’est aussi parier sur le fait qu’on va devoir le remplacer sur ses tâches du quotidien et passer du temps à former quelqu’un d’autre. Et tout ça, en espérant que ça fera rapporter de l’argent à la boîte. C’est un vrai pari sur l’avenir !

Et comme on ne peut pas se permettre de parier sur le mauvais cheval parce que tout ça peut coûter cher, on se tourne généralement vers des profils en qui on a « confiance », et ça, en entreprise, ça rime souvent avec « qui sont visibles et bien vus ». Au final, on ne laisse pas vraiment sa chance à n’importe qui, et l’intrapreneuriat devient surtout un système de High-po.

Ensuite on crée beaucoup d’illusions sur la réussite du projet 

Prenons l’exemple d’Eliott qui a lancé un projet d’employabilité au sein de son cabinet de fiscalité : il met en relation des consultants qui veulent partir avec des clients qui cherchent à recruter. Bonne idée ! Ça sort du cadre du consulting mais ça permettra de faire du business à long terme puisque ça déploie le réseau du cabinet ! On y croit, on trouve ça super, mais au final, le jour où Eliott arrive à décrocher un contrat pour Patricia, l’étoile montante du cabinet, Eliott ne sera pas soutenu …

Il faut le dire, on fait souvent de l’intrapreneuriat pour les mauvaises raisons

En pratique, très souvent, quand il s’agit de prendre une décision financière lourde pour faire avancer le schmilblick, les décideurs se dédouanent …

Alors pourquoi est-ce qu’on lui a donné sa chance ?

Il faut le dire, on fait souvent de l’intrapreneuriat pour les mauvaises raisons : alors que ça devrait être un moyen de redonner du sens et de la liberté à des collaborateurs talentueux et motivés qui sortent du cadre et qui ont envie de développer le business de leur boîte, on propose surtout l’intrapreneurait parce que :

  • On sait que les acteurs concernés sont au bout du rouleau et que si on ne fait rien, ils vont aller voir ailleurs (ça serait dommage, ce sont eux qu’on voit dans le top management de demain)… C’est un peu notre dernière carte pour garder nos pépites. Est-ce que ça en fait une bonne raison ? Je ne crois pas…
  • Parce qu’on sait que c’est très vendeur et que ça va faire de la pub dans le process de recrutement
  • Et même si on n’y croit pas forcément, on peut potentiellement avoir de bonnes surprises, alors pourquoi pas, sur un malentendu, ça peut marcher …

Et puis on crée une rupture d’environnement tellement énorme que ça énerve tout le monde…

Même si l’intrapeneuriat n’a pas de process dédié, les intrapreneurs vivent souvent dans des microcosmes « start-upiens » soumis à des règles entrepreneuriales tellement différentes des process de leur boîte qu’ils se sentent très souvent isolés, incompris et sans valeur ajoutée. 

C’est pour ça que vous avez l’impression que Thomas fait plus de balançoire au 6èmequ’il ne bosse sur son innovation.

Alors que faire pour changer la donne ?

Je reste persuadée que l’intrapeneuriat est un excellent levier de motivation pour vos collaborateurs et extrêmement bénéfique pour votre boîte. Il s’agit donc de changer la manière d’en faire :

 Parier sur tous les chevaux ! 

 Oui, en fait il suffit d’avoir une bonne idée pour devenir intapreneur ! 

Et quand ils en ont une, il suffit qu’ils se sentent accompagnés. Ils ont besoin d’être formés techniquement sur leurs nouveaux sujets mais aussi sur leur nouvelle posture : développer une âme commerciale, savoir marketer son offre, gérer son stress, connaître son cercle d’influence … Il s’agit d’une vraie reconversion professionnelle, et ça il ne faut pas le minimiser. Elise, qui a fait 10 ans à la compta et qui souhaite se lancer dans une nouvelle aventure intrapreneuriale, a besoin qu’on l’aide à vendre son nouveau projet, en interne et en externe. Même si elle est sociable et très intelligente, la fibre commerciale n’est pas quelque chose qu’on travaille quand on est comptable; et pourtant c’est si important quand on lance une nouvelle offre.

Mettez les moyens de vos ambitions !

Évitez la consultation papier peint. A partir du moment où vous laissez l’opportunité à l’un de vos collaborateurs de se lancer dans un projet d’intrapreneuriat, allez-y à fond et faites-lui confiance. Soit, vous y croyez dès le départ, soit vous n’y croyez pas du tout, mais en tout cas, vous ne devez pas revenir en arrière. Il n’y a rien de plus frustrant pour Eliott, d’avoir travaillé au corps le PDG d’une grande boîte du CAC40 pendant des mois pour qu’il rencontre Patricia et lui faire décrocher le job de ses rêves, tout ça pour qu’on le lui reproche. Démotivation, frustration et manque de crédibilité pour la suite …

Ne mettez pas de barrière !

Les intrapreneurs font partie intégrante de votre boîte. On oublie que le bénéfice de ce type de projet, c’est de développer une nouvelle offre avec les attraits d’une grande boîte. Et pour ça il faut favoriser les échanges, partager les expertises et les compétences, dialoguer, muscler l’offre avec les idées de tous. Ne pas mettre à l’écart ces profils c’est aussi les soutenir, les aider plus facilement, qu’ils n’aient pas l’impression qu’ils travaillent dans l’ombre ! 

Développer la culture du feed back : qui peut y croire ?

Il a des tas de modes dans le management, je me demande qui les lance d’ailleurs… C’est drôle en tous cas, en ce moment des tas de boîtes ont décidé de développer la culture du feed back !

On parle de bienveillance ; le feed back est un cadeau ! On parle de se faire progresser, d’oser dire, d’accepter les retours. On lance des programmes de formation, des outils informatiques, des projets transverses… Mais qui y croit vraiment ?


Ça part d’une idée noble

Evitons l’esprit de contradiction pour vendre du papier : je crois aux feed back à mort, j’essaye d’en faire dès que possible (positif et négatif), je tâche de les écouter quand on me fait et de contrôle mon ego pour les transformer en progrès réel. Je pense que rien n’est plus précieux que de donner son avis à l’autre, et dans un monde parfait, tout le monde ferait des feed back en permanence, avec le sourire. Tout le monde les accepterait parce que ça serait parfaitement admis… Bref nous baignerions avec bonheur dans la culture du feed back….

Dans un monde parfait.


Mais ce sujet est vraiment extrêmement compliqué individuellement

 Sauf que nous, on vit dans un monde où les egos sont forts, dans une société où on prône de plus en plus la performance individuelle, où la compétition est encouragée très jeune, où on classe de fait les enfants avec des notes à partir de 7 ans. On vit dans un monde où il faut repostuler à chaque changement de poste, y compris pour un mouvement interne après 15 ans de bons et loyaux services.

Et du coup, il y a beaucoup, beaucoup de gens qui ont peur de ne pas plaire, de ne pas être à la hauteur, qui se questionnent sur leur légitimité, qui ont des problèmes de confiance en eux… Cette question génère peut être 50% du chiffre d’affaires des coaching en France, sans exagérer.

Est-on vraiment en train de bousculer la culture, ou mettons juste une ligne dans les objectifs RH ?

Le feed back dans ce contexte est bien plus difficile à vivre qu’il n’y parait. Il percute les habitudes, les egos. Il demande des compétences qui paraissent simples sur le papier mais qui ont été très peu travaillé depuis des années, ni à l’école, ni dans les études, ni dans les entreprises.

Il est donc logique qu’aujourd’hui on parle de culture du feed back, parce que c’est de ça dont il s’agit. Seulement on en fait un sujet de formation, comme si c’était une simple question de compétence. On lance des initiatives à grand renfort de comm, on en parle en COMEX, comme si c’était juste un point important qu’on avait juste oublié de traiter avant, et qui va rentrer dans les objectifs de l’année, comme on fait d’habitude.

Mais ils les reçoivent les feed back les membres du comex ? Ils vont changer le comportement qui leur a permis d’arriver tout au sommet ? Est-on vraiment en train de bousculer la culture, ou mettons juste une ligne dans les objectifs RH ?

Non franchement, je crois que l’intention est louable mais qu’on ne se donne pas les moyens de changer de culture. On attaque ça avec moins d’intensité que quand il fallait former au mode projet, alors que le sujet était infiniment plus simple.

Et implique des transformations structurelles

En plus de la culture, un travail sérieux de mise en place du feed back n’est que le bout d’une pelote qui en se déroulant vous obligerait à revoir le système d’évaluation, les politiques d’intéressement, les ownership de projet, probablement à rendre les rémunérations transparentes, à revenir à la rémunération variable collective.

Difficile d’imaginer changer la culture sans toucher aux structures ; ou bouger les structures sans questionner la culture.

Pourquoi ? Et bien parce que qui dit feed back dit reconnaissance. Alors s’ils se multiplient il serait curieux que leur accumulation n’ait aucun impact sur l’évaluation de fin d’année. Parce que feed back dit réciprocité, et donc entraîne à la question de l’équité des rémunérations, à l’équilibre des pouvoirs.

Tous ces sujets sont passionnants et méritent de s’y pencher, mais je ne suis pas certain du tout que celui qui décide de lancer « la culture du feed-back » a vraiment envie de bousculer tout le système managérial. Je crois que l’on dit culture sans se rendre compte que la culture et les système sont imbriqués et s’alimentent. Difficile d’imaginer changer la culture sans toucher aux structures ; ou bouger les structures sans questionner la culture.

Une fois de plus, on prend le sujet comme une épine isolée dans le pied alors que c’est une démarche complète qu’il faut réinventer si on veut le prendre comme ça.


On espère sûrement éveiller les consciences

Alors, au fond, on peut se demander ce qu’on espère avec des programmes aussi ambitieux dans le fond mais dont on mesure pas les conséquences et la difficulté. D’autant plus que l’on peut parier sur une autre mode dans 2 ou 3 ans. La culture du feed back est donc très souvent un projet décevant, quand il n’a pas simplement été escamoté.

Admettons que ce genre de programme a au moins le mérite de mettre le sujet sur le radar. Sans atteindre ses objectifs, il est probable qu’une partie du chemin sera entamée, et que la prochaine mode contribuera à le poursuivre en espérant que ce soit vaguement dans la même direction. Admettons.

Mais je trouve quand même un peu décevant de faire tout ce ramdam pour dévier le paquebot d’un petit degré ou deux.


 Mais pourquoi les grands mots ?

Alors comment s’attaquer à un sujet aussi légitime, sans être dans cette illusion de l’action, qui n’est en fait qu’une publicité plus ou moins participative ?

Je crois qu’il faudrait choisir son camp :

  • Soit on invoque les grands mots. La culture en particulier. Et à ce moment là, il faut se lancer dans un chantier qui n’est pas RH, mais véritablement stratégique. On définit l’enjeu de conquête pour l’entreprise à 5/10 ans, on montre pourquoi les méthodes, bonnes jusque là, sont maintenant obsolètes, et surtout on se donne une quête excitante et rupturiste à réussir ensemble… et dans ce cadre, on peut aborder les fonctionnements internes, dont le feed back.
  • Soit on la joue plus modeste et on se dit que l’amélioration des coopérations internes passera par la façon dont on lance et on anime le quotidien : plus participatif, plus ouvert, avec plus de places valorisantes pour plus de gens ; ainsi la fierté des individus grandira et le sentiment de menace ou de faiblesse reculera. Sans le dire, le feed back s’installera naturellement, à travers le plaisir de travailler ensemble.

J’avoue que je suis perplexe face aux programmes globaux et un peu pompeux. Agissons plus et différemment sur le coeur de métier, en commençant petit et local, plutôt que de se disperser en passant beaucoup de temps et d’argent sur des programmes un peu vains. 

Les opposants, la grande peur

Que vous managiez une petite ou une grande équipe, depuis la semaine dernière ou plus de vingt ans, au sein d’une start-up, d’une PME ou d’une multinationale, vous le savez, manager, c’est difficile, engageant, déstabilisant mais aussi terriblement enthousiasmant…si tant est que l’on ait quelques clés !

Sous forme d’une conversation libre et aussi décomplexée que possible, nous tentons de décortiquer quelques grandes questions managériales pour vous armer. Nous partageons des constats et des outils pour que vous puissiez tous les jours conjuguer plaisir et efficacité dans votre mission de manager !

* Pour aller plus loin *

// A lire //
Gérer des contradictions
La stratégie des alliés

// A voir //
12 hommes en colère de Sidney Lumet

La table ronde du management est un podcast produit par Albus Conseil
Au micro : Camille Riou et Patrick Bois.
A la réalisation : Laëtitia Peyre

A-t-on le droit de rêver en travaillant ?

On a tous une part de rêve en nous ! Le fameux syndrome de Peter Pan, est plus ou moins important, plus ou moins fertile selon les individus mais il existe bel et bien ! Cette caractéristique fondamentale de l’homme est celle qui permet d’aller plus loin, de se dépasser et d’être créatif. Alors pourquoi, quand il s’agit du travail, le rêve est-il synonyme de paresse, de bien-pensance, d’inefficacité ? 

Où se cache le rêve ? 

Le rêve est souvent mis de côté dans notre monde actuel car pas assez « réaliste », pas suffisamment « pragmatique » contrairement au court terme où la réalité est omniprésente. 

Les rêveurs ou utopistes sont souvent mal vus, voire moqués. Dès l’école, on fustige les songeurs : « Alors Pierre, vous rêvez ? » 

Pourtant, les neurosciences ont démontré que les émotions des individus sont un des principaux moteurs du mouvement, et permettent un changement plus profond et plus pérenne.

En management aussi, le rêve et l’émotion sont des composantes essentielles qui donnent envie de bouger, autant les organisations que les personnes. 

Rêver permet, par exemple à un Codir, d’imaginer d’autres visions que celle uniquement dirigée par « l’augmentation du chiffre d’affaires de 15% » qui n’est pas forcément audible et enviable par tous. 

Tout le monde est conscient que le chiffre d’affaire est ce qui permet à chacun de toucher son salaire et que c’est un élément important. En revanche, il ne permet pas de gagner l’adhésion de toutes les équipes : comment remobiliser une assistante RH, un idéaliste, un jeune, quand on lui parle d’EBITDA, EBE ou ROI ? 

Si ça parait évident, pourquoi encore trop peu de managers le font ? 

Vous êtes-vous déjà demandé ce que chaque personne de votre équipe pense réellement de son propre travail ? Quelles sont ses envies et ce qui la motive (ou pas) le matin en se levant ? 

Bien évidemment, chaque manager se pose ce genre de question… mais uniquement à lui-même ! Ils ne la posent pas aux équipes, parce qu’ils ne voient pas l’intérêt de le faire ou parce qu’ils ont peur de ne pas pouvoir satisfaire les aspirations de leurs équipes… Une sorte de syndrome de l’autruche en somme.

De la même manière, les managers ont de multiples raisons, objectives et légitimes, de ne pas se poser la question « comment je fais rêver mes équipes » :

  • La direction et les objectifs venus « du siège » 
  • Les équipes et leurs contraintes quotidiennes 
  • Le manque de temps et le manque d’intérêt pour des sujets managériaux parfois pas assez concrets

Mais aussi quelques peurs plus subjectives : 

  • Ne pas savoir comment ou quand en parler aux équipes 
  • Avoir peur des faux espoirs que ça pourrait créer 
  • Avoir l’impression que les équipes manquent de la créativité nécessaire, ou de la hauteur de vue et sont trop focus sur le quotidien
  • Avoir peur de passer pour un Bisounours, déconnecté du réel… 

Si tout cela se comprend, ne pas oser parler de rêve avec ses équipes reste une erreur managériale, c’est la base même du métier de manager. On peut même aller plus loin, le rêve doit être au cœur de chaque projet managérial. Alors autorisez-vous à le faire même si ce n’est pas simple !

Les managers qui nous inspirent ont, en plus de leur talent business, réussi à susciter le rêve autour d’eux-mêmes ou de leur entreprise (Apple, Leclerc, Free, ou encore Tesla…).

Alors comment faire exister le rêve au quotidien ? 

On ne vous propose pas de vous changer en Xavier Niel ou en Steve Jobs, rassurez-vous. Et comme souvent, nous n’avons pas de recette tout faite mais quelques idées que nous partageons avec vous.

Changer votre posture : Pour aider vos équipes à se remettre en question en profondeur, il faut que vous fassiez le premier pas, parce que vous tenez les rênes et pouvez donner l’impulsion.

Alors :

  • Assumez une posture différente (ouverture, écoute…), 
  • Prenez du temps pour réfléchir à votre ambition, votre message, vos propres envies… 
  • Lâchez la bride sur certaines choses.

Créez un cadre partagé par tous : Définissez un cadre avec votre ambition, et partagez-le avec les équipes. Faites confiance à vos équipes et faites-les participer à sa traduction concrète. C’est un moment où on peut enfin poser carte sur table, éclaircir des zones d’ombre et construire un rêve commun.

Laissez de l’autonomie aux équipes : Faites appel à leur créativité, donnez-leur la liberté de s’exprimer, faites confiance à leurs initiatives… Tout cela va permettre à vos équipes de changer leur état d’esprit. 

Par exemple, pourquoi ne pas imaginer de faire réfléchir, en toute liberté, une équipe à ses propres solutions pour remédier à ses nombreux irritants quotidiens (des appels incessants, des tâches ingrates, peu de considération…) ou pourquoi ne pas les faire réfléchir à une question type : « Quelles seraient votre semaine idéale dans deux ans ? ».

Cet exercice permet d’allier utopie et réalité : avoir une feuille de route opérationnelle pour traiter les sujets court terme et rêver sur un sujet plus long terme qu’on peut idéaliser ! 

Le pragmatisme des chiffres et des objectifs sont les rails de votre management mais la locomotive est un mélange d’envie et d’enthousiasme ! Alors rêvez, idéalisez, inventez parce que c’est ce qui fera avancer votre aventure collective.

Les gens aiment le changement !

Il suffit de regarder les bonnes résolutions que chacun prend au moment de la nouvelle année, pour tordre le cou à cette idée que les gens n’aiment pas changer. On aime la nouveauté et les nouveaux possibles qu’elle apporte, on aime l’idée de devenir meilleur de jour en jour.

Et pourtant, nombreux sont les managers qui nous font part des résistances au changement dans leurs équipes. Comment expliquer que tout le monde aime le changement dans sa vie personnelle mais que beaucoup ne l’aiment pas au travail ?


Commençons par regarder en quoi les deux diffèrent


Liberté contre nécessité

Quand on prend par exemple de bonnes résolutions à la nouvelle année, on est libre à 100%  d’en choisir la direction, le moment et le rythme. Quand je décide d’arrêter de fumer ou de passer plus de temps avec mes enfants, personne ne m’y contraint. D’ailleurs sinon ça ne marche pas : rien de plus improductif que de dire à un fumeur d’arrêter de fumer ! 

En entreprise pourtant c’est quasi systématiquement l’inverse : « dans trois mois nous devons avoir terminé la mise en place de la nouvelle organisation imposée par la Direction », « nous avons un nouvel outil sur lequel il faut faire migrer toutes nos données », etc. Les nécessités du business, la rationalisation des process ou encore l’homogénéisation des équipes dictent aux collaborateurs les évolutions attendues et leurs deadlines.

Intérêt individuel contre intérêt collectif

De la même façon, l’objectif visé est très différent dans les 2 situations. Dans nos décisions personnelles, l’intérêt premier est le nôtre ou une cause à laquelle on est attaché émotionnellement : nos enfants, l’environnement, etc. 

Dans nos vies professionnelles, ce n’est pas évident de relier l’intérêt de changer à nos intérêts individuels. Au mieux souvent, l’intérêt est collectif : que les clients soient mieux servis, que la collaboration avec les commerciaux fonctionne mieux… Du coup naturellement on est moins motivés à faire de notre mieux pour se changer, nous et nos habitudes. 

 

Engagement privé contre engagement public 

En revanche, le principal problème dans le monde personnel, et on le retrouve parfaitement quand il s’agit des résolutions de bonne année, c’est que comme on ne s’engage vis-à-vis de personne, l’abandon de nos bonnes résolutions est aisé. C’est le fléau qui terrasse tous les ans nos bonnes volontés dès le milieu ou la fin du mois de janvier. On tient quelques semaines puis on se remet à fumer, on recommence à rentrer tard du travail, on annule une fois puis deux fois nos soirées Sport et les sujets sont enterrés jusqu’à l’année d’après. 

Alors que dans le monde professionnel, on s’engage vis-à-vis de ses collaborateurs ou collègues, et parce qu’on est responsable devant les autres, on se tient davantage à ce qu’on a décidé. 

Et si, en tant que manager, on utilisait ce qui marche dans les engagements personnels ? 

 

Faites davantage de changements non imposés et non dirigés.

Ce qui compte en entreprise c’est que les gens se motivent. Si l’imposition est, comme on l’a vu, un facteur de désappropriation, partez du principe de faire un changement quasiment non imposé et non dirigé. Ça peut paraître fou mais essayez sur de petites choses pour commencer et vous verrez. Par exemple, vous pouvez – lors de votre prochaine réunion de service – inviter chacun à réfléchir aux bonnes résolutions qu’il aimerait prendre professionnellement ou les faire réfléchir à un des thèmes de votre stratégie (organisation, communication, développement, etc.)

Pourquoi ça marche ? Parce que quand les gens changent, c’est toujours qu’ils y voient un mieux possible. A partir du moment où ils ont compris le contexte et les enjeux, vous pouvez donc leur faire confiance pour qu’ils prennent des décisions intelligentes, dans la bonne direction. 

Utilisez les intérêts personnels et l’émotionnel

Et n’ayez pas peur des intérêts personnels de vos équipes, prenez-les en compte et donnez-leur du poids en les rattachant aux objectifs collectifs. Si mon manager a mis dans les objectifs de l’équipe mon développement professionnel et mon équilibre de travail (des intérêts personnels), j’ai automatiquement plus envie de participer à la réussite de nos objectifs pris dans leur globalité. Je vois bien comment servir les objectifs collectifs sert aussi mon intérêt et j’ai donc tout à gagner à m’y investir. Pareil pour l’émotionnel : ces causes pour lesquelles vos collaborateurs sont prêts à s’engager personnellement sont puissantes en termes d’engagement ! Proposez à vos collaborateurs de vivre des aventures avec des défis personnels et collectifs à relever, c’est ce qui leur donnera envie de sortir de leur zone de confort.  


Enfin, ayez recours au pouvoir des engagements publics 

A la fin d’un séminaire ou d’une réunion, laissez les uns et les autres annoncer ce sur quoi ils veulent s’engager. Vous les laissez prendre les responsabilités qu’ils veulent et régulièrement vous leur demandez de rendre des compte non à vous, mais à l’ensemble de l’équipe de la façon dont ils ont servi l’intérêt collectif. 

En résumé, 3 conseils si vous devez faire bouger vos collaborateurs :

  1. Laissez-les libres d’aller où ils veulent
  2. Parlez-leur de leurs intérêts personnels et surtout promettez-leur de vivre une aventure qui les rendra fiers
  3. Demandez-leur de s’engager non pas devant vous mais devant toute l’équipe
ALBUS CONSEIL