Catégorie : social

Sortir d’une crise c’est possible

Dans la vie d’un manager il y a malheureusement des crises plus graves que d’autres, qu’elles soient entre les managers et leurs équipes ou au sein des équipes. Des crises qui paraissent souvent insolubles et figées, pourtant, il existe des solutions, pas faciles certes, mais elles existent !

 

La table ronde du management est un podcast produit par Albus Conseil

Au micro : Camille Riou et Patrick Bois. 

A la réalisation : Laetitia Peyre

Qui ne dit mot…. Ne consent pas

On a coutume de louer, au moins en théorie, la diversité, la richesse des avis divergents, la force du débat. C’est important bien sûr. Mais dans nos entreprises, on est aussi très souvent exposés au silence de ceux qui sont d’accord. On observe que les accords sont très souvent tacites, que l’on ne ressent pas le besoin de s’exprimer quand son avis a été donné par quelqu’un d’autre… Quel dommage !


L’opposition s’exprime naturellement, pas l’accord

Ce vieil adage de sociodynamique semble être une réalité profonde des projets : « l’opposition s’organise et s’exprime naturellement, pas les alliés » Pour les retraites, l’opposition s’organise et prend la parole, infiniment plus que ceux qui sont d’accord, pourtant nombreux. A l’exception notable du mariage pour tous, je ne me souviens pas de manifestation « pour » ; ou alors d’une ampleur totalement anecdotique par rapport à l’opposition.

Cette tendance n’est pas que française. Il y a probablement chez l’humain un instinct de conservation qui le pousse à réagir quand il sent qu’un de ses acquis est menacé. Il veut sauver un état dans lequel il a ses habitudes et qui, même s’il est passablement inconfortable, le rassure. En revanche, si le projet, l’idée émise va dans le sens de ses attentes ou de son avis, son instinct de survie reste au repos et il laisse d’autres défendre le mouvement pour lui.

Cette description est un peu caricaturale sûrement mais il me semble qu’elle correspond à ce que nous pouvons voir dans le management : vous avez sans doute vécu ce sentiment de solitude quand vous avez fait face au silence d’une assemblée que vous savez majoritairement favorable à votre idée mais qui ne le dit pas et laisse une opposition isolée prendre la parole, parfois avec force.


Et puis, la mode s’en mêle

En plus, depuis quelques années, le consensus est de plus en plus vécu comme quelque chose de mou. Les idées modérées sont moquées pour leur tiédeur. La capacité à trancher est louée.Nous sommes les premiers à valoriser les opinions différentes et minoritaires, parce qu’elles portent sûrement les innovations, les pas de côté qui vous donneront de l’avance sur vos concurrents. Ok.


Mais le consensus, c’est quand même vachement bien

Philosophiquement déjà : accorder plusieurs avis, éventuellement des centaines, c’est une noble quête. Si le processus a été ouvert, l’accord est une destination souhaitable.

De nombreux projet échouent parce que les gens d’accord n’ont pas dit qu’ils l’étaient.

Mais plus pragmatiquement, il faut bien dire qu’avec toutes ses considérations, on oublie qu’un avis positif c’est quand même un avis ; que si tu penses comme moi et que tu le dis, on sera donc 2 à le dire, et l’idée n’aura pas le même poids. Mieux, dans un collectif qui vise la co-construction et l’écoute des différentes opinions, il est indispensable, vital, que les opinions identiques s’expriment, y compris en se répétant. Non pas pour faire valoir la majorité mais pour que les opinions ne s’opposent pas sur la seule force de leur rhétorique mais qu’elles aient le poids du nombre de personnes qui la portent. 

Quelques années en arrière, quand a été construite la LGV Lyon Marseille, elle a rencontré une opposition tout à fait estimable d’exploitants agricoles de la vallée du Rhône. Respectable et digne de considération bien sûr, mais lorsqu’on a entendu l’envie de ceux qui parmi le million d’habitants de la région marseillaise voulaient être à 1h de Lyon et 3h de Paris, il a bien fallu traiter cette opinion comme la première, avec le poids que lui confère le nombre.

De nombreux projet échouent parce que les gens d’accord n’ont pas dit qu’ils l’étaient.


En management, il faut favoriser l’expression de toutes les opinions

La clé d’un débat équilibré et d’une décision saine qui engagent ceux qui la prennent, c’est pouvoir connaitre et entendre TOUTES les opinions :

  • La proposition, le constat et l’intuition initiale bien sûr ;
  • Les détracteurs, les idées concurrentes, les nuances, les désaccords profonds et superficiels ;
  • Les accords, enthousiasmes, ajouts qui appuient le projet, les validations profondes ou superficielles.

Autrement dit, il vaut infiniment mieux que tout soit exprimé clairement que de se contenter de 2/3 opinions caricaturales et difficiles à concilier. D’autant qu’en ayant toutes les opinions, plutôt que d’avoir la sensation de camps (les pours et les contres), vous avez toutes les chances de voir apparaitre une continuité, des nuances qui permettront de faire émerger un consensus sain.


Et pour ça, allez-y franco !

Mais du coup, comment obtenir ça alors que ce n’est pas naturel ? Je vous propose d’éviter la finesse : en cherchant finement à donner la parole à celui qui est d’accord avec vous, vous pouvez donner l’impression de manipuler les gens à votre profit. C’est faux en réalité puisque vous ne cherchez qu’à faire s’exprimer une opinion qui existe déjà. 

Ne prenez pas ce risque : Il est bien plus simple et efficace de présenter votre idée et de demander explicitement à toutes les opinions de s’exprimer : par exemple, vous présenterez un tableau diviser en 2 parties : « les raisons qui vous font espérer ce changement » et « les raisons qui vous font craindre ce changement ». Ce type de présentation permet de faire s’exprimer toutes les opinions sans caricature puisque chacun pourra exprimer ses 2 tendances. Et vous vous retrouverez avec les peurs mais aussi les espoirs. 

Ce n’est qu’un exemple, très animation de réunion, et il existe bien d’autres solutions, globales ou pour un moment donné. Elles passent souvent par l’écrit qui permet de différer le débat et de prendre la hauteur. A l’oral, le collectif aura souvent tendance à débattre de la première remarque (souvent négative). En procédant en 2 temps, le collectif pourra prendre conscience du tableau global et s’exprimer par rapport à cette représentation plus complète plutôt que de se concentrer sur les instincts et les réactions les plus spontanées.

Ce passage par le tableau complet ne prend pas tant de temps que ça, quand on imagine tous les non dits et frustrations qu’il évite. Investissez donc dans le temps de l’opinion libre et calme, sans polémique, et puis comptez sur l’intelligence pour traiter l’information ainsi obtenue…. 

Dis-moi comment tu gères l’agent d’accueil, je te dirai quel manager tu es !

C’est l’un des scandales les plus admis de la vie en entreprise : la gestion des postes considérés comme subalternes : agent d’accueil, assistant, cantinier, agent de sécurité, etc. Pourtant, le bon management de ces postes n’est pas seulement une question d’éthique, c’est une question stratégique que de nombreux managers oublient comme on rate un éléphant dans un couloir…


Nous faisons face à une négligence, parfois à une discrimination

Nous n’allons pas faire un classement des discriminations en entreprise, mais nous pouvons affirmer sans peine que la discrimination sociale que subisse les métiers dits subalternes en entreprise est probablement l’une des plus répandues et des moins combattues.

Qui valorise l’agent d’accueil qui accomplit sa tâche avec brio, c’est quoi d’ailleurs être un brillant agent d’accueil ?

Pourtant, qu’ils soient des salariés ou des prestataires, les métiers de l’accueil, de l’assistanat et des services internes sont lourdement déconsidérés. Leurs postes ne sont pas toujours clairement définis (un assistant est parfois considéré comme une petite main plus que comme un poste à part entière), leurs salaires progressent moins vite, leurs évolutions de carrière sont souvent inexistantes.

Et cela va plus loin… au-delà du salaire, c’est la valorisation au sens large de ces collaborateurs qui est oubliée. Qui valorise l’agent d’accueil qui accomplit sa tâche avec brio, c’est quoi d’ailleurs être un brillant agent d’accueil ? Là encore, le fait que ce soit un prestataire ne change rien : son manager ne le voit pas au quotidien, ses « clients » sont parfois aimables mais ne se sentent certainement pas responsable de la valorisation de son travail.

Beaucoup de ces métiers se trouvent entre le marteau et l’enclume. Le marteau de la digitalisation et de l’uberisation qui questionnent l’avenir même de ces fonctions, et l’enclume de la barrière sociale qui crée une distance relationnelle discriminatoire.

Les manager, c’est donc déjà une responsabilité éthique

Renforcer le management de ces profils, c’est donc au moins une question de considération. Montrer l’attention nécessaire à tous les collaborateurs sans distinction, c’est envoyer le message que l’entreprise n’est pas la caricature de cynisme utilitariste que beaucoup ont en tête. Consciemment ou inconsciemment, cela marque les esprits quand un manager renvoie par ses actes l’image de « dans mon équipe, tous mes collaborateurs comptent quelles que soient leurs fonctions ». C’est vrai pour les habituels déconsidérés mais pour tous les autres aussi.

Nous voyons en ce moment une top manager, dans une des plus grandes entreprises françaises, qui est plébicitée spécialement pour son combat visant à casser les barrières entre cadres et non cadres. Et ses défenseurs les plus ardents sont aussi nombreux dans ces deux catégories.

Mais y arriver, c’est surtout un gisement de performance énorme !

Ils sont les premières personnes vues par vos équipes le matin quand elles arrivent au travail, ils organisent la venue de vos partenaires et les accueillent, ils ont parfois la main sur vos agendas, sur vos moments de convivialité, sur votre sécurité, sur votre confort, sur votre matériel… Mais non, ils ne méritent sûrement pas que nous les considérions comme des leviers de performance…

Dans le monde des consultants, il y a un adage qui dit qu’un bon assistant pourrait faire baisser la prestation de conseil de 50% (et inversement). Personne ne le fait vraiment, mais c’est pour vous dire que tout le monde semble reconnaître ce que les managers ne voient plus, l’importance de ces soi-disant « petits métiers » sur votre efficacité.

Un management qui peut être simple, mais qui n’est pas si facile

L’opportunité est forte, car c’est souvent un terrain vierge, un levier inexploité. Apprenez à vos agents à accueillir les personnes arrivant chez vous de façon chaleureuse, originale, individuelle. Intégrez votre assistant(e) à des réunions métier pour qu’il/elle comprenne mieux vos priorités du moment. Animez-les avec un minimum de considération et de valorisation pour que leur épanouissement soit visible, écoutez leurs propositions pour optimiser le temps passé à l’accueil, à la cantine, etc. Et vous verrez qu’au-delà du mieux être humain, vos actions auront un rapport effort/efficacité imbattable !

Vous n’êtes pas là pour lui apprendre son métier mais pour l’aider à se projeter, créer les bonnes conditions pour réaliser sa mission et l’aider à se fixer des objectifs réalistes et ambitieux

Au-delà de ces actions simples et efficaces, il est vrai que le management d’un assistant par un manager qui, très souvent, ne l’a jamais été dans sa carrière est un challenge. Il a donc du mal à l’évaluer, le coacher et l’accompagner malgré des ressentis sur sa fiabilité et sur sa maîtrise des outils. Ça s’arrête là et c’est un peu court.

Il faut faire comme les managers non-experts qui managent des collaborateurs experts. C’est-à-dire que vous n’êtes pas là pour lui apprendre son métier mais pour l’aider à se projeter, créer les bonnes conditions pour réaliser sa mission et l’aider à se fixer des objectifs réalistes et ambitieux. C’est simple et difficile à la fois, car il faut éviter tous les raccourcis managériaux qu’on utilise quand on connaît le métier de son collaborateur. Alors dites-vous que, déjà, vous poser la question de « comment je manage cette personne ? », c’est un grand pas de franchi !

Brillant ne veut pas dire vrai

Ce mois-ci, à l’occasion de sa ressortie en DVD, nous vous recommandons de vous plonger ou de vous replonger dans « l’autopsie d’un meurtre », film merveilleux d’Otto Preminger sorti en 1959. Pour les amoureux des films de prétoires, qui aiment la tension des cours de justice, vous découvrirez une magnifique mise en scène avec des acteurs au top : Georges C. Scott, Ben Gazzarra et James Stewart en avocat brillant, rien que ça….

Et pour les amoureux de management et d’entreprise, vous serez comblés aussi : parce que on y voit des avocats brillants et des démonstrations solides mais qui ne font que nous éloigner de la vérité et de la justice. A un moment-clé, James Stewart dérape sérieusement, le juge le reprend et demande aux jurés d’oublier ce qui a été dit ; l’accusé demande à son avocat comment ils vont faire pour oublier et il répond calmement « Ils n’oublieront pas ». Une mise en scène du cynisme qui nous rappelle combien est dangereuse l’admiration béate et aveugle pour la verve et le charisme.

Dans notre temps où tout va trop vite, la prime à l’éloquence est bien trop importante, et les Zemmour, Trump ou Boris Johnson ne peuvent être contrés que par le calme et le goût de la réflexion ; par la culture et la philosophie.

Imposons autour de nous la détente et la réflexion pour éviter qu’un James Stewart des temps modernes ne nous fasse prendre des vessies pour des lanternes.

En finir avec les HiPo

High potential, talents de demain, pépites, les grandes entreprises couvent leurs superstars dans un nid douillet et s’enorgueillissent des programmes mis à leur disposition pour les accompagner vers les sommets : learning expeditions, graduate programms, postes en mission à travers le monde, formations au Costa Rica, à Shanghai ou à Londres, MBA en tous genres. On rivalise à coups de milliers de dollars pour séduire les meilleurs, et attirer dans ses filets celui dont tout le monde rêve… Mais le calcul est-il bon ?


Un calcul si évident

Si l’idée est tellement généralisée, c’est qu’elle doit être bonne ! En fait, je crois qu’elle bénéficie d’une aura liée aux satisfactions qu’elle procure à ceux qui sont concernés (organisateurs et bénéficiaires).

Officiellement le calcul est simple : on veut former les dirigeants de demain, créer un noyau dur susceptible d’entrainer le reste de la troupe et évidemment retenir ceux qui nous paraissent les plus précieux.

Mais il me semble que la vraie force des systèmes HiPo, c’est qu’ils nourrissent très fort les egos des concernés : les créateurs s’éclatent à concevoir des formations brillantes, novatrices, exotiques et peuvent enfin dépenser des budgets individuels importants qui permettent de valoriser fortement leur imagination pédagogique. Quant aux HiPo eux-mêmes, difficile de ne pas s’enorgueillir d’être identifié comme un des espoirs de la boîte ?

Mais il s’agit de vérifier qu’au-delà de ces effets, l’investissement consenti est bien au bénéfice du résultat global de l’entreprise.


Mais on perd en bas

D’abord, il faut questionner l’effet d’entrainement.

Est-il vrai que les programmes HiPo génèrent de la motivation chez les autres pour y entrer ? C’est peu probable ou si c’est le cas, c’est à petite échelle. Les conditions d’âges ou le nombre de personnes concernées, voire le profil universitaire requis sont des barrières objectives qui excluent forcément une grande partie des collaborateurs, l’immense majorité même.

Est-il vrai que la capacité managériale renforcée de ce petit nombre de managers va bénéficier au plus grand nombre ? Intellectuellement je veux bien, mais là encore, je peine à y croire dans la réalité du quotidien. Il y a d’abord une raison que je qualifierai de sociologique : en créant un groupe identifié, de petite taille, bénéficiant de conditions particulières, je pense qu’on crée plus une caste de gens qui se ressemblent et s’aperçoivent en discutant entre eux qu’ils ont plein de points communs.

Je constate qu’en réunissant ces profils, il est très rare que l’on cultive la générosité.

L’âge souvent, une certaine facilité intellectuelle, une motivation intrinsèque forte. Je constate qu’en réunissant ces profils, il est très rare que l’on cultive la générosité. On cultive plutôt de la réassurance mutuelle sur les recettes qui ont marché jusque-là. Les stars sont conduites à devenir des superstars. Ce dopage a tendance à les éloigner des difficultés des personnes « normales » et à renforcer leur confiance en eux : j’observe que les talents sont ceux qui parlent le plus d’exemplarité et évoquent leur parcours pour montrer aux autres que « c’est possible ». Sauf que les autres en question n’ont pas les mêmes atouts et les injonctions à la perfection les rebutent plus qu’elles ne les motivent.

Non je crois que les programmes HiPo ne peuvent pas prétendre à la contagion.

Plus trivialement, pour qu’il y ait véritablement entraînement, il faudrait que le nombre des HiPo soit bien supérieur à ce qu’il est la plupart du temps. On ne couvre pas suffisamment l’entreprise pour avoir un effet d’entraînement global. Même en comptant ceux qui sont déjà sortis du système en plus de ceux qui y sont à l’instant t, les dispositifs HiPo concernent rarement plus de 5% de l’effectif dans les grands groupes. Non je crois que les programmes HiPo ne peuvent pas prétendre à la contagion. Au mieux, ils musclent la capacité stratégique d’une élite mais ils ne peuvent créer d’émulation.

Par ailleurs, il est clair que la débauche de moyens pour ce petit nombre n’est donc pas disponible pour les 95% qui restent.

On perd aussi en haut

Mais le plus surprenant, c’est que nous observons que les programmes HiPo, ou même les logiques managériales visant à stimuler la frange haute des collaborateurs, est souvent contre-productive. Il y a quelques mois, nous posions la question à un codir de lister les différentes actions destinées à fidéliser les meilleurs et qui ont contribué à les faire fuir. Nous nous sommes arrêtés à 17…

Les fausses bonnes idées de stimulation des HiPo peuvent être classées en 3 catégories

1. L’essorage

Les potentiels sont très vite identifiés pour tout. Ils sont sur tous les projets, changent de poste avant de l’avoir assimilé, sont exploités jusqu’à la dernière goutte. Cette sur-utilisation est hyper fréquente. Elle révèle l’impuissance managériale à développer le reste des équipes et qui finit par faire porter à très peu de gens les efforts que l’on n’arrive pas à obtenir des autres. Je suis atterré des efforts que l’on demande à nos super collaborateurs, et souvent le sacrifice managérial qu’on exige d’eux.

Identifier quelqu’un comme un potentiel est souvent un cadeau empoisonné. A tel point que nous commençons à croiser des jeunes gens qui refusent ces programmes pour préserver leur vie privée et leur santé.

2. Le téléguidage

L’autre écueil du management des potentiels est qu’on leur demande très peu leur avis. Sous prétexte que c’est une bonne nouvelle et une marque de reconnaissance si évidente, on décide pour eux les plans de carrière, de formation. On les change de poste sans leur demander leur avis. Le HiPo est un produit que l’on bichonne, que l’on protège et finalement que l’on éteint parce qu’on a décidé qu’on savait ce qui était bon pour lui. Mais s’il veut prendre son temps ? Progresser moins vite pour consolider ses savoir-faire ? Et bien, il est taxé de manque d’ambition, voire d’ingratitude. Sauf que ce potentiel semble avoir plutôt bien géré sa vie jusque-là… Pourquoi ne pas lui faire confiance.

3. le sevrage

Enfin si on entre dans les systèmes HiPo, il faut bien qu’on en sorte. Cette sortie est souvent difficile parce que l’on perd l’attention et le bénéfice des programme évidemment. Aussi parce qu’on est renvoyé à notre âge. Ce n’est probablement pas l’effet le plus fort mais il ne faut pas le négliger. Ce n’est pas parce que vous vous êtes occupé 2 ans de quelqu’un qu’il sera motivé et fidèle pendant des années. Vous pourriez même avoir la désagréable surprise d’apprendre un départ quelques mois après la sortie du programme… Ingratitude ? Peut-être. Retour au réel ? Sûrement.


On perd partout

Ce mouvement de management vers l’hyper valorisation des meilleurs, en plus de ne pas profiter à la majorité des gens et souvent même pas aux bénéficiaires, est en plus une absurdité fonctionnelle.

Elle nie le fait que dans 99% des entreprises, la valeur ajoutée est le fait d’un très grand nombre de gens, imbriqués intelligemment. La synergie des actions, la transversalité, la réactivité et l’écoute entre les équipes sont bien plus contributrices à la valeur que l’excellence d’un seul.

Orienter tant d’efforts et d’argent sur si peu de gens est un non-sens quand on pense que ce sont les 90% de gens normaux qui font les performances extraordinaires d’une organisation.

Alors si vous devez revoir votre programme HiPo, qu’il soit ouvert à tous, et notamment à ceux qui ont envie de progresser, sans condition de prétendue intelligence, rapidité ou talent.

Il faut soigner (aussi) ses mauvaises relations !

Il n’y a rien de plus important que d’établir de bonnes et saines relations avec ses collègues, son chef ou ses équipes. Pour cela, il y a beaucoup de moyens et d’outils (teambuilding, feedbacks, communication, projet commun). Mais dans la vraie vie, il y a aussi de mauvaises relations de travail. Et là, on n’a plus rien pour nous aider à les gérer. Que faire de nos mauvaises relations ?

 Admettons déjà qu’elles existent

Soyons clairs pour commencer, il y a toujours des choses à faire pour créer de meilleures relations de travail avec ceux qui nous entourent. C’est un effort sans fin et la majorité de nos articles publiés depuis 6 ans y sont consacrés.

Pour autant, il faut considérer le nombre de relations bilatérales que nous entretenons au travail. Si on prend en exemple une équipe managériale de premier niveau dans une entreprise moyenne : disons qu’ils sont 15 managers de terrain, qu’ils ont 6 responsables au Codir, et que chacun encadre 5 personnes. Le nombre de relations bilatérales est de plus de 10 000 ! Impossible que tout le monde s’entende avec tout le monde, même avec les meilleures intentions du monde.

Si vous êtes managers et que vous n’avez pas ce type de difficultés à gérer, c’est que vous ne les avez pas repérées.

Une mauvaise relation peut être rationnelle (on n’évalue pas l’autre comme un bon contributeur à la bonne marche de l’entreprise ou d’un projet), personnelle (on ne s’entend pas bien, on n’a pas de caractères compatibles, on n’a pas aimé une action passée de l’autre) ou purement émotionnelle (méfiance, dégoût, haine). Dans tous les cas, la mauvaise relation n’est pas figée, elle peut s’améliorer, tout comme une bonne relation peut s’envenimer.

Si le travail managérial consiste en priorité à soigner et à étendre le nombre des bonnes relations, il est aussi de reconnaitre et de gérer les mauvaises. Si vous êtes managers et que vous n’avez pas ce type de difficultés à gérer, c’est que vous ne les avez pas repérées car elles existent toujours au-delà d’un certain nombre de personnes dans l’équipe.

 Peu voire pas de boîte à outils à disposition

Pour gérer les relations, on a un éventail très large de solutions. Si elles sont naissantes ou neutres, on choisit des actions pour se connaître mieux ou apprendre à travailler ensemble (teambuilding), on construit un projet commun qui nous donne une raison de collaborer, etc.

Si elles sont bonnes ou au moins saines, on les cultive avec des rituels de communication, avec des moments de célébrations, avec des feedbacks (c’est vrai que l’on peut faire des feedbacks à tout le monde, mais quand la relation est mauvaise, c’est quand même moins facile…), etc.

Pour les mauvaises relations, les choix proposés sont plus limités. Google et Linkedin ne sont pas les meilleurs experts mais ce sont les plus utilisés. Leurs réponses sont : « risque de burn-out », « gestion de personne toxique » (l’autre évidemment) et « démission ». Autant dire que ce n’est pas très subtil… surtout que souvent, c’est juste une relation qui ne marche pas à l’instant t, entre deux personnes parfois maladroites mais bien intentionnées.

Pour améliorer les choses, il y a déjà deux choses à ne pas faire

La première erreur, la plus naturelle et la plus répandue, c’est de faire intervenir ou de laisser intervenir une tierce personne dans la relation. C’est aussi naturel que de se gratter un bouton de moustique : on cherche un moyen de sortir d’un problème qui nous préoccupe, et l’intervention d’un « casque bleu » nous soulage sur le coup car il vient apaiser ou arbitrer pour sortir de l’impasse du moment. Le problème, c’est qu’en le faisant il vient rendre ok une relation qui ne l’est pas, ou qui ne le sera désormais qu’avec cette troisième partie. Et donc c’est parti pour vous « gratter » longtemps et de plus en plus.

La deuxième chose à éviter, c’est de faire comme si la relation était bonne. Pour sauver les apparences, pour ne pas avoir à confronter le problème, on a tendance à jouer le jeu de la bonne relation en espérant que les gens seront dupes et, pourquoi pas, que ça s’améliore tout seul avec le temps. Alors j’ai deux grandes nouvelles à vous communiquer : petit 1 nous sommes tous de très mauvais acteurs dans ces cas-là, donc non seulement personne n’y croit mais les autres remarquent le malaise d’autant plus que vous essayez de le cacher ; petit 2 les relations difficiles ne s’améliorent pas comme par enchantement, si on ne fait rien elles pourrissent à coup sûr !

 La solution : bâtir une entente cordiale

Petit point d’histoire pour ceux qui l’ignorerait : l’entente cordiale est un processus diplomatique qui a permis, au XIXème siècle, aux empires anglais et français de dépasser leurs nombreux désaccords et de conclure des traités malgré tout. Il a tenu avec des hauts et des bas pendant un siècle, il s’est finalement raffermi jusqu’à un grand rapprochement au début du XXème siècle.

C’est ce que nous vous conseillons de faire avec vos mauvaises relations du moment.

Il s’agit de définir un contrat de relation

Cela nécessite d’abord de prendre acte avec la personne concernée de l’état actuel des relations. La forme peut être variée mais l’esprit reste le même : oui nous avons des difficultés à travailler ensemble, bien sûr nous aimerions que cela se passe mieux mais certains sujets étant aujourd’hui trop antagonistes, nous ne les résoudrons pas rapidement. C’est pourquoi nous devons trouver un moyen de collaborer.

Ensuite, il s’agit de définir un contrat de relation. Ce n’est pas un contrat formel mais plus il sera précis, plus il sera utile. Il remplace ainsi ce que l’alchimie relationnelle ne produit pas. Il définit a minima des choses à faire absolument (ex : traiter tel ou tel sujet entre nous avant d’en parler aux autres pour éviter de les prendre à partie) et des choses à éviter absolument (ex : ne pas traiter nos difficultés par mail, étant donné que ce type d’échanges s’envenime toujours entre nous).

Après la définition de cet « accord », il faut l’animer avec des hauts et des bas inévitables au cours du temps. Pour cela, il faut s’en parler assez régulièrement, pour s’assurer que chacun est toujours ok dans ce fonctionnement et repérer éventuellement les progrès ou les erreurs commises.

Avec un peu de chance, cela finira par améliorer le relationnel lui-même et le contrat deviendra inutile. Mais même sans cela, tout le monde peut en sortir gagnant.

Joël Dicker ou le petit Suisse à la mode

Il est Suisse, il est jeune et plutôt beau gosse … 3 bonnes raisons me direz-vous de lire ses livres (ou pas), mais figurez-vous, que ses livres sont surtout passionnants !

Il en a écrit 4 en 6 ans, le 1erest un roman historique sur la 2èmeguerre mondiale, le 2ème et le dernier sont des enquêtes policières « La Vérité sur l’Affaire Harry Quebert » et « La Disparition de Stéphanie Mailer » tandis que l’avant dernier est un drame familial. 

Ses livres sont donc assez hétérogènes en termes de genre même si souvent le cadre reste le même. Par contre, ils ont tous le même sens du rythme, de l’imbrication d’intrigues et de la multitude de personnages.

Et c’est en réfléchissant à ces centaines de personnages qu’il fait vivre dans ses 4 livres, que j’ai pris conscience de l’importance de cet ingrédient dans l’Histoire qu’on écrit, importance même plus cruciale que celle des mots : Le plaisir du récit et de ses personnages.  

Les personnages de Dicker, sont nombreux et hauts en couleurs, ils ont des idées et des convictions, ils font des choix et des erreurs… Et c’est ce qui fait leur force, ils nous ressemblent et donc nous passionnent. Bref ils sont humains ! 

Et en termes de management, à quoi ça peut ressembler un roman de Dicker ? 

Ça ressemble à des équipes de passionnés même dans un milieu professionnel, chose rare et peu acceptée. Parce que ce qui fera le moteur de votre aventure, ce sera la passion des gens qui vous suivent et le chemin qu’ils traceront. Il n’y a que la passion qui donne le courage de s’attaquer aux dragons les plus gros et de ne pas vivre la difficulté comme un effort. 

C’est donc jouer avec 2 éléments complémentaires :

  • Un manager qui affronte la peur (et accepte) de recruter/gérer des personnalités différentes et affirmées dans son équipe. Et en fait même un parti-pris : créer un melting-pot de personnalités colorées et du coup leur proposer des missions différentes et variées. 
  • Des équipes qui apprennent à gérer des relations complexes, chargées émotionnellement. Et qui surtout profitent de cette configuration comme un super terrain de jeu et de test. 

Et oui, la difficulté est grande et le courage indispensable ! Mais l’aventure que vous proposerez n’en sera que plus riche et peu importe qu’elle finisse bien ou mal, comme dans les romans de Dicker, c’est celle qui vous fera le plus grandir.

Et si vous n’étiez pas si mauvais au fond?

Peut-être est-ce l’indolence due aux vacances qui approchent, peut-être est-ce parce que nous voyons partout des managers inquiets et sous tension, nous avons envie de positivisme. Ce n’est pas seulement de l’optimisme ou de la méthode Coué, c’est aussi un état d’esprit nécessaire à la réussite des projets et des dynamiques d’équipe.

Le négativisme, une épidémie qui se propage

Dans les entreprises où nous travaillons, qui sont dans tous les secteurs et de presque toutes les tailles, la tendance est la même. Les managers sont durs avec eux-mêmes et avec leurs équipes. Ou, pour être plus précis, ils sont souvent satisfaits des actions qu’ils mènent mais insatisfaits des résultats qu’ils en obtiennent. Cela est vrai quels que soient les résultats : Un super projet a été décroché ? Oui mais le CA global n’est pas bon ; CA en progression à deux chiffres ? Oui mais on n’est pas assez rentable ; rentabilité de 30% ? oui mais on aurait pu faire 35% ; Année surperformée ? Oui mais on va se planter l’année prochaine… C’est sans fin.

Nous voyons deux raisons principales à ce rabaissement permanent. D’abord, ce n’est pas bien vu d’être content de soi ou de son équipe. On a peur de paraître louche. Et puis, on ne veut pas donner le bâton pour se faire battre, notamment vis-à-vis du haut de la hiérarchie. Du coup, on veut être ni trop content, ni trop défaitiste, alors on nuance en permanence et tant pis si personne n’y comprend rien :

  • « Vous avez très bien réussi cette année ! »
  • « Oh, je ne dirai pas cela, notre qualité et notre sécurité sont à la dérive… »
  • « Ah oui, alors la qualité et la sécurité ont été des échecs cette année ? »
  • « Oh, je ne dirai pas cela, nous avons agi tous ensemble et les résultats ont bien remonté en fin d’année ! »

La deuxième raison, c’est que l’on veut garder les équipes sous tension. Et que dans l’esprit de beaucoup, on ne motive jamais autant que quand il faut « redresser », « reprendre la main », « sortir de la crise ». Ça maintient la pression et ça peut permettre de faciliter l’adoption de mesures socialement compliquées. D’ailleurs, dire qu’une année est réussie risque d’ouvrir la boîte de Pandore des revendications syndicales, non merci !

C’est ainsi que, un peu comme les agriculteurs souvent brocardés pour leurs insatisfactions permanentes sur les conditions météorologiques, les managers rivalisent d’ingéniosité pour montrer que l’année est difficile. Leurs chefs iront souvent, plus tard, dire l’inverse à leurs actionnaires, mais rares sont ceux qui assistent aux deux exercices de style.

Sauf que le levier du challenge permanent est usé, cassé

Bien sûr, le pessimisme est une posture qui peut être salutaire, pour anticiper les problèmes, mais au bout d’un moment ça devient du négativisme omniprésent.

Nous croyons plus, en tant que Gaulois assumés, au rythme d’Astérix et Obélix qui ont besoin d’un banquet à chaque fin d’épisode et d’une sérénité retrouvée avant de pouvoir replonger dans une autre aventure.

Pour les équipes, ce ressort est cassé. Que toutes les fins de projet ou d’année aboutissent au même constat (« pas nul, mais doit mieux faire »), cela engendre une double mésentente. On n’entend plus dans le sens où on n’écoute plus, car c’est toujours un peu la même chose, et on n’entend plus dans le sens où on ne comprend plus, car c’est difficile de savoir comment aboutir à une année réussie étant donné que les résultats obtenus ne suffisent jamais.

L’image qui nous vient est évidemment celle de l’enfant qui criait au loup. En abusant du levier de l’insatisfaction sur l’année passée ou du danger de l’avenir, on inhibe totalement la capacité de réaction de l’équipe. Si le danger c’est tous les ans, alors soit il n’existe pas, soit nous sommes tellement forts que nous survivons à chaque fois. Dans les deux cas, l’équipe  développe un sentiment d’immortalité possiblement fatale le jour où la mobilisation générale est vraiment nécessaire.

Nous avons souvent l’impression que les managers se croient dans 24h Chrono, la série avec Kiefer Sutherland, avec la nécessité de trouver, après un danger écarté, un danger encore plus fort alors même que le héros n’a pas eu le temps de se reposer. Nous croyons plus, en tant que Gaulois assumés, au rythme d’Astérix et Obélix qui ont besoin d’un banquet à chaque fin d’épisode et d’une sérénité retrouvée avant de pouvoir replonger dans une autre aventure. Ce moment de sérénité est indispensable, pour apprendre, prendre du recul, analyser, ou tout simplement reprendre des forces. Ainsi, la force de réaction sera plus forte pour le prochain danger.

La prophétie autoréalisatrice

La conséquence la plus destructrice du « négativisme », c’est évidemment sa capacité à influer négativement sur les résultats réels. Dans le cadre d’un projet de changement notamment, si la transformation est difficile, il y a toujours un moment délicat où les efforts ont été fournis depuis plusieurs semaines et où les résultats sont encore embryonnaires. A ce moment précis, celui que nous appelons le creux de la courbe du changement, la croyance du manager est indispensable. Soit il est positif, valorise les petites avancées et pousse les collaborateurs à y croire encore, et le projet s’emballe, soit il doute, critique l’efficacité de son équipe et martèle son exigence sans regarder les efforts et il éteint les quelques braises qui commençaient à apparaître.

Il faut combattre cette certitude de plus en plus ancrée qui consiste à croire qu’un manager courageux et exigeant est un manager insatisfait, challengeant en permanence. Un manager courageux sait dire à son équipe qu’une année a été une grande année, simplement et sans nuance. Un manager exigeant sait challenger son équipe quand c’est nécessaire, et mobilise aussi son équipe par son optimisme et sa satisfaction dans les moments de doute. 

Comment faire que votre couple avec les RH soit une affaire qui marche ?

Business Partner : appellation en vogue pour désigner les RH du XXIème siècle. Le transactionnel a diminué, est de plus en plus délocalisé, et nos équipes RH peuvent concentrer leur énergie à soutenir les opérationnels pour optimiser la réalisation des actions à valeur ajoutée.

On ne peut pas dire que ça ne marche jamais ; mais ce n’est pas si simple que ça à faire fonctionner concrètement sur le terrain.


Souvent couple maudit

Vous le savez, la lune de miel n’est pas systématique entre manager opérationnel et responsable RH, à tous niveaux. On reproche au premier de faire prendre des risques à l’entreprise en négligeant les règles de prudence, ou de ne pas être à la hauteur de la promesse employeur. On reproche au second de ne pas se rendre compte des réalités du terrain ou d’être obsédé par les outils, process et autres merveilles d’outils RH.

Si on creuse sous les noms d’oiseaux et critiques à l’emporte pièce, on peut trouver 3 situations où « Business Partner » sonne creux :

  • Couple exclusif. Le RH et le manager sont hyper complices mais finissent par décider seuls et informer ensuite. C’est fréquent. On se dit que dans ce cadre la confiance est garantie, les fuites impossibles. Sauf que Business partner c’est forcément ouvert sur le business. Le couple doit fonctionner en ouverture sur les autres. La complicité est un plus mais ne doit pas être exclusive.
  • Chambre séparée. C’est l’inverse. Le manager s’occupe du business, la RH de la rh. On a réparti les tâches et tout le monde est content… Sauf que du coup c’est là que les outils RH finissent par ne plus correspondre à la réalité et que les managers font de grosses erreurs, coûteuses socialement.
  • Garde alternée. C’est peut être un cas plus rare mais on voit parfois cette situation lorsque le RH et le manager se partagent les postures, « moi je serai dur, et ils iront te voir pour être consolés ». C’est un jeu qui peut fonctionner sur des temps courts, mais dans la durée la supercherie sera éventée ou le jeu deviendra insupportable pour tous.

Le bon équilibre du tandem est affaire de dosage et de précision ; mais réussi, c’est redoutable.


Objectif : gagner en double

 L’image qui vient en tête, Roland Garros oblige, c’est l’équipe du double du tennis. Même si Federer-Wawrinka ça a de la gueule, les meilleures équipes de double ne nécessitent pas les meilleurs joueurs de tennis ; nos brillants Herbert-Mahut, irrésistibles à deux et anonymes seuls en sont la preuve. Le double est un exercice de confiance et de coordination. Il faut laisser passer les balles pour l’autre et couvrir les zones laissées libres par l’autre.

RH et managers c’est pareil. Avec les 2 meilleurs ça a de la gueule, mais les meilleurs tandem sont surtout ceux qui cumulent confiance et coordination. Le RH rattrape les coups, le manager prépare les dossiers pour le CE ; les messages difficiles sont passés en 2 temps, les très positifs sont doublés.

La valeur ajoutée du couple manager-RH tient aussi à une certaine interchangeabilité. Pas totale, c’est sûr, mais vraiment fréquente. Parce que dans l’exercice difficile et long du pouvoir, le RH est potentiellement le sparring partner idéal et votre coach à domicile.


La clé, partager vos tactiques

Facile à dire, comme toujours, et pas si facile à faire. Quelques astuces nous paraissent néanmoins de bonnes bases.

  • Partagez les intentions avant les décisions : le problème fréquent du manager c’est qu’il prend des décisions pour de bonnes raisons et qu’elles sont comprises de travers. Avec votre RH, exprimez en amont ce que vous voulez obtenir pour qu’il vous aide à mettre vos actes en cohérence.
  • Partagez les doutes plutôt que les certitudes : là encore, on voit beaucoup plus de managers se planter parce qu’ils sont sûrs d’eux sans avoir vraiment challengé le point. C’est souvent parce qu’il est difficile de vous contredire…. Le plus simple est donc de vous ouvrir sur vos doutes. Si vous n’en avez pas, ça vous obligera à les trouver et à les formuler. Le RH évidemment est le meilleur pour ça (avec le financier dans certains cas) parce qu’il n’est pas celui qui va mettre en oeuvre et il pourra vous conseiller avec moins d’émotion.
  • Prenez du temps off : à force d’avoir du temps pour rien, on finit par ne plus prendre de temps pour l’essentiel : réfléchir. Le déjeuner hebdo avec votre RH est un moment idéal pour cela, pour lui comme pour vous. Et puis pour créer la relation.

Faites donc de votre couple manager-RH une réussite en vous considérant comme des partenaires sur le terrain !

Sortir le dialogue social des tranchées

Dans l’industrie, les transports publics, à l’Education Nationale ou les grands ports maritimes, dans la pétrochimie, presque partout en France les entreprises souffrent de leurs rapports avec leurs syndicats. Et si on prenait du recul pour trouver des solutions au blocage ?

Il faut dire que l’on aime pointer du doigt notre syndicalisme contre-productif, que l’on parle longuement de Goodyear à Amiens Nord en oubliant qu’à Amiens-Sud, la CGT n’a pas fait d’entrave au changement et que le site se porte aujourd’hui très bien. 

Il faut dire aussi que la situation actuelle ne satisfait personne. Du côté des syndicats, le combat social se marginalise : il y a de moins en moins de personnes syndiquées en France, et surtout de moins en moins de personnes qui croient à l’efficacité de leurs actions pour protéger les salariés. Du côté des managers, le climat social est délétère et les directions ont beaucoup de mal à embarquer, ou parfois simplement à dialoguer avec le terrain. 

 

Pourquoi le dialogue social est si compliqué en France ?

Si le modèle économique allemand est aujourd’hui déifié en général, il l’est tout particulièrement quand il s’agit de dialogue social. L’organisation en « cogestion » fait des envieux chez nos représentants syndicaux, l’ouverture au dialogue fait rêver les patrons des entreprises implantées en France. 

La cause racine est historique. En Allemagne, le syndicalisme est le fruit d’un travail d’unification dépolitisé (donc des positions moins idéologiques) et d’institutionnalisation (encadrement du droit de grève en échange de pouvoirs décisionnaires dans l’entreprise). Le résultat, c’est un syndicalisme plus fort (26% des salariés) et qui évolue constamment. 

En France, le syndicat s’est construit dans la méfiance. Méfiance des syndicats à la Révolution, quand la loi Le Chapelier interdira le corporatisme ; méfiance inverse un siècle plus tard, avec la loi Waldeck-Rousseau qui les autorisera ; méfiance des syndicats entre eux, puisque la plupart des confédérations se sont créées par des divisions intestines et des scissions. 

Cette méfiance, elle s’est cristallisée dans le dialogue social. En 130 ans, les syndicats français ont gagné des libertés mais pas de responsabilités. Les patrons se méfient de la capacité de pouvoir et de l’aveuglement idéologique de certains mouvements extrémistes. Les syndicats, eux, ont le sentiment que rien ne leur sera donné qu’ils ne seront allés obtenir par la confrontation. La cogestion, on en est très loin… Entre les deux, vous avez Goodyear à Amiens Nord, la SNCM, etc.

 

On ne renie pas son histoire…

Evidemment, il n’existe pas de solution miracle qui permettrait de balayer d’un revers de manche les défauts de construction du discours syndical. Le problème est tellement macroscopique que la solution aussi devrait l’être : proposer et déployer au niveau national un nouveau contrat social qui, en échange de responsabilités plus grandes au sein des organes de décisions de l’entreprise ou des administrations, diminuerait la capacité de blocage en toute impunité des IRP (instances représentatives du personnel) tout en augmentant leur pouvoir de contrôle sur les excès des dirigeants.

Autant dire que ce n’est pas pour demain…

 

Que fait-on aujourd’hui ? 

Les dirigeants aujourd’hui, les DRH aussi, tentent de s’en sortir au mieux dans cet antagonisme structurel. Si les intentions sont rarement condamnables, la mise en œuvre donne souvent l’impression d’une partie d’échec : 

  • On cherche les petites victoires tactiques.
  • On se réjouit de l’erreur de « l’adversaire » et on essaye d’en profiter.
  • On joue l’influence des uns contre l’intransigeance des autres.
  • On monte volontiers les syndicats les uns contre les autres quand c’est possible (et on s’en félicite).

 

En retour, les représentants syndicaux ne sont pas des victimes dociles :

  • On cherche les petites victoires également.
  • On ne se prive pas, si on peut, d’avoir la peau du DRH.
  • On joue le pouvoir national contre les dirigeants locaux.
  • On saute sur la moindre erreur de communication pour démontrer les vilaines intentions des dirigeants. 

Cette bataille est une guerre de tranchée digne de 1914 : les gains sont minimes des 2 côtés et obtenus au prix de douloureux efforts, parfois de sacrifices et toujours de vexations mutuelles… et cet enlisement peut durer jusqu’à l’arrivée des Américains… autrement dit la survenue d’un événement extraordinaire qui déséquilibre tellement le jeu que les lignes bougent brusquement… mais pas sans pertes.

 

Comment faire mieux ?

Il n’existe aucune martingale à effet immédiat. Pas de moyen de renverser localement 130 ans d’histoire en quelques actions bien senties.

Pourtant, une autre philosophie d’action, initiée par l’une ou l’autre des parties (idéalement les 2), permet de regagner de la confiance. Il s’agit des principes du Jeu de Go, ou dit autrement, de l’application de systèmes relationnels asiatiques pour voir la situation avec des lunettes différentes.

pieces de jeu de go

Voir ici les règles du jeu de Go

Traiter le sujet du dialogue social en joueur de Go, c’est admettre une bonne fois pour toute et sincèrement que les forces managériales et syndicales peuvent non seulement coexister mais surtout que leurs intérêts sont communs : 

  • Le management a intérêt au bien-être et à la bonne santé des collaborateurs parce qu’il en tirera de la productivité, de la qualité, de la créativité. 
  • Les syndicats ont intérêt à la bonne marche de l’entreprise parce qu’ils en tireront de la pérennité pour les emplois et une possibilité de rémunération plus élevée.

 

Concrètement jouer au go, c’est en finir avec la logique de petites victoires à court terme et :

  • Eviter les manœuvres sous-terraines manipulatoires des 2 côtés.
  • Ne pas pousser son avantage quand la victoire diminuera le partenaire, le vexera.
  • Chercher les points d’accord avant tout.

C’est aussi mettre en place un véritable travail de fond sur le terrain pour faire avancer les causes communes, à commencer par la fierté des collaborateurs, leur plaisir à être compétitifs.

 

Evidemment c’est un travail à long terme, parfois difficile à tenir dans la durée avec la valse des cadres. Mais que les impatients se fassent une raison : rien n’a été obtenu en 20 ans sur le sujet ; on peut bien prendre 5 ans pour faire bouger les lignes.

ALBUS CONSEIL