Bien sûr, nous réagissons différemment face à ce qui nous semble une faiblesse chez les autres, déjà parce qu’elles sont souvent et heureusement plus subjectives que celle de Daredevil.
Catégorie : tactique
Le changement, oui mais quand ?
Changer trop tôt et vos équipes vous diront que vous changez tout le temps, elles ne vous suivront plus ; changer trop tard et vous équipes vous diront incapables, elles ne vous suivront pas. Nous en sommes convaincus, bien changer c’est changer au bon moment !
Le « Quand » plus stratégique que le « quoi »
Dans les entreprises que nous accompagnons, les managers sont souvent très focalisés sur la solution à mettre en œuvre : l’organigramme idéal, l’outil SI qui va bien, les bons processus, la répartition des fonctions… cela nourrit toutes les discussions.
Si le slogan « le changement, c’est maintenant » avait si bien marqué les esprits pendant la campagne, c’est qu’il répondait aux aspirations de la population de voir un changement au bon moment.
Cela nous fait parfois penser à deux personnes sur un quai de gare qui réfléchissent à la meilleure chose à faire une fois à destination et qui oublient de monter dans le train. Bien sûr le travail de fond est indispensable, mais l’enjeu du changement est de changer au bon moment, celui qui permet de tirer tous les bénéfices de la solution recherchée, celui aussi où les équipes sont les plus prêtes à vous suivre.
Steve Balmer, qui a quitte la tête de Microsoft il y a quelques années, l’a dit à sa manière : « Je regrette qu’il y ait eu une période au début des années 2000 où nous étions si concentrés sur ce que nous avions à faire avec Windows que nous n’avons pas été capables de redéployer des talents vers un nouvel appareil appelé le téléphone. C’est la chose que je regrette le plus. Cela aurait été meilleur pour Windows et pour notre succès dans d’autres formes ».
Comment ne pas penser aussi à la politique… Si le slogan « le changement, c’est maintenant » avait si bien marqué les esprits pendant la campagne de Hollande, c’est qu’il répondait aux aspirations de la population de voir un changement au bon moment. S’il est si impopulaire aujourd’hui, c’est que la volonté de « remise à plat fiscale » est arrivée après-coup, que le remaniement se fait attendre, que l’inversion des courbes est en retard… une question de timing là encore.
Est-ce aussi un problème de vouloir changer trop tôt ?
Oui, changer au bon moment c’est ne pas changer trop tôt non plus. Bien sûr, nous demandons toujours aux leaders d’avoir trois coups d’avance, d’anticiper et d’innover. Mais cela consiste à imaginer le changement à l’avance, pas à le faire vivre.
Changer trop tôt, c’est changer alors que ses clients ne sont pas prêts à vous suivre, mais c’est aussi changer alors que les équipes ne sont pas prêtes à l’entendre.
Dans l’ouvrage de Laurent Lemire Ces savants qui ont eu raison trop tôt (Taillandier, 2013) sont présentés des exemples nombreux : « Copernic ? Personne ne s’intéressa de son vivant à ses travaux. Mendel ? Il cultiva des pois d’où sortirent les premières lois de la génétique trente-cinq ans plus tard. Comme Alfred Wegener et sa dérive des continents, Svante Arrhenius et sa théorie de l’effet de serre, Georges Lemaître et son Big Bang… ». Ces exemples existent aussi en entreprise, dans tous les milieux et notamment de façon spectaculaire dans la téléphonie, dans l’internet, dans l’automobile. Changer trop tôt, c’est changer alors que ses clients ne sont pas prêts à vous suivre, mais c’est aussi changer alors que les équipes ne sont pas prêtes à l’entendre.
Bien sûr il faut donner du sens au changement, mais sans gestion du timing vous pourrez expliquer ce que vous voulez, vous donnerez toujours l’impression d’être instable ou de tourner en rond. Bref de ne pas savoir ce que vous faîtes.
Oui mais alors, comment savoir quand changer ?
Et oui, cette question – Everest du management – devait être posée. Les consultants sont bons pour dire quand c’est trop tôt ou trop tard, mais peinent à nous dire les signes qui indiquent le bon moment.
Alors, puisqu’une laconique réponse du type « ça dépend » n’avancerait pas grand monde. Voici 3 indicateurs qui ne trompent pas et qui, réunis, doivent déclencher le changement :
Ensuite, il s’agira de faire vivre le changement : célébrer les victoires au bon moment, corriger les problèmes avant qu’ils n’aillent trop loin, renouveler les engagements de l’équipe pour que le soufflé ne retombe pas…
Puisqu’on vous dit que tout est une question de « quand » !
Pourquoi les ambitions inatteignables sont-elles les meilleures ?
Ce que l’on attend de son leader en entreprise, au-delà de ses compétences managériales personnelles, c’est qu’il nous donne une direction, un cap, une vision : nous l’appelons l’Ambition. Sans avoir de statistiques précises, nous pouvons considérer que dans une grande majorité des cas, ces attentes sont déçues, parce que cette ambition est inexistante ou bien parce qu’elle est mal choisie. Avant de tirer à boulets rouges sur nos chefs incapables, admettons que cet exercice, bien qu’a priori simple, est loin d’être facile.
Une Ambition, à quoi ça sert ?
L’Ambition peut se définir comme un idéal à atteindre, comme un azimut pour toutes les actions menées par les collaborateurs de l’entreprise. Elle doit pouvoir se décliner par la suite en enjeux économiques, techniques, organisationnels et humains.
Comment ne pas citer le célèbre « Think different » de Steve Jobs, slogan lancé en 1997 pour la publicité et qui est devenu le moteur de l’Ambition d’Apple
Définie comme telle, il semble presque superflu de se poser la question de son utilité. Listons malgré tout les trois principaux bénéfices d’une Ambition quand elle est justement choisie :
- Mobiliser : l’Ambition est un moteur de l’action, elle génère de l’envie, de l’adhésion et doit être suffisamment difficile à atteindre pour amener les acteurs de l’entreprise à se dépasser. Comment ne pas citer le célèbre « Think different » de Steve Jobs, slogan lancé en 1997 pour la publicité et qui est devenu le moteur de l’Ambition d’Apple, appelant l’ensemble des équipes à trouver de nouvelles idées et concepts, avec le succès que l’on sait.
- Connecter : l’Ambition est aussi l’aiguillon pour l’ensemble des axes de travail de l’entreprise. Elle doit être la cohérence des priorités choisies, le juge de paix pour l’arbitrage, le guide dans le choix des objectifs business. Chez Decathlon, l’ambition est de « Créer l’envie et rendre accessible au plus grand nombre les bienfaits du sport ». Ils privilégient donc le prix et la simplicité des produits à la technicité ou la mode. Les priorités en découlent.
- Valoriser : L’ambition donne de la valeur aux actions du quotidien, en ajoutant de la profondeur aux tâches basiques. Si cette tâche n’est pas forcément enthousiasmante, les collaborateurs savent qu’ils participent à un projet plus vaste, plus noble. DHL a pour ambition de rapprocher les gens toujours davantage. Largement inspirée de l’épopée de l’Aéropostale, cette Ambition parait bien loin des tâches quotidiennes de tri, de conduite, de stockage. Pourtant, ils ont réussi à donner à ces tâches, et au courrier, une valeur sacrée.
Quand l’Ambition fait « Pschittt »
Au gré de nos actions dans l’industrie, la distribution, le transport, la cosméto-pharma, etc. nous avons vu d’autres exemples d’Ambitions réussies, propres à booster l’énergie des équipes. Malheureusement, les exemples sont plus nombreux encore d’entreprises incapables de trouver leur graal ou leur objet de valeur collectif.
Pour un comité de direction, un objectif de CA peut être suffisamment stimulant, mais pour l’opérateur cela signifie une charge et une pression supplémentaires, rien de motivant à cela.
Première raison, les ambitions choisies sont souvent trop « classiques ». Appuyées sur les mots-valises, tels « leader », « référence » ou promettant une croissance « durable et rentable », elles sont interchangeables et en deviennent presque invisibles. Placardées un peu partout à la cafétéria, dans les salles de réunion, elles deviennent des figurants, des éléments de décor. Un conseil : si votre Ambition pourrait être celle de n’importe quelle autre entreprise, alors séparez-vous en !
Autre erreur classique, la confusion entre Ambition et objectif. Trop de leaders puisent leurs ambitions dans leur tableau de bord. Qu’ils soient bruts façon « Doublons notre chiffre d’affaires en 5 ans » ou stylisés façon « Allons conquérir 1% de part de marché par an d’ici 2020 », un objectif est un objectif et n’a d’autre intérêt de que fixer l’exigence du résultat attendu. Bien sûr, pour un comité de direction, un objectif de CA peut être suffisamment stimulant, mais pour l’opérateur cela signifie une charge et une pression supplémentaires, rien de motivant à cela.
Ces deux erreurs, a priori grossières mais qui représentent tout de même plus de la moitié des Ambitions observées, font que les entreprises se coupent du moteur principal de motivation des équipes. Et pourtant, le travail de définition et de partage d’une Ambition peut être, en soi, une dynamique formidable.
Sortons des poncifs !
Les savants prodiguent souvent la même chose : une ambition doit être positive, simple, exigeante, réaliste, temporelle, entre autres vertus. Etant donné que ces sages conseils amènent souvent les Ambitions de type « devenir leader » et autres clichés, nous pensons que résumer l’Ambition à ces adjectifs trop lisses est trop réducteur.
Les salariés d’Apple n’en auront jamais assez de « penser différent », ceux de DHL de « rapprocher toujours plus les hommes », ni ceux de Nature&Découvertes de rendre « [leurs] clients toujours plus sensibles à l’environnement ».
Pour marquer les esprits, nous pensons aussi qu’une ambition doit être contestable et inatteignable.
- Contestable, car une ambition où l’on ne peut être que « pour », qui est une évidence, n’amènera jamais d’énergie supplémentaire car elle enfonce une porte ouverte. Quelle est la valeur ajoutée de fixer comme ambition de « devenir une entreprise plus performante pour ses clients et plus sûre pour ses employés » ? Cela n’apprend rien à personne sur les priorités de l’entreprise. Une ambition doit affirmer un choix, tel Système U qui propose de « consommer mieux et moins » plutôt que « plus pour moins cher ». C’est de cette façon qu’elle donnera du sens et un cap clair aux équipes, et qu’elle fera réagir y compris ceux qui ne sont pas d’accord, avec des échanges constructifs à la clef.
- Inatteignable, car à la différence d’un objectif, ce qui compte ici n’est pas d’atteindre son ambition dans une logique purement rationnelle, c’est le chemin qui importe. Ainsi, les salariés d’Apple n’auront jamais fini de « penser différent », ceux de DHL de « rapprocher toujours plus les hommes », ni ceux de Nature&Découvertes de rendre « [leurs] clients toujours plus sensibles à l’environnement ».
C’est comme cela que l’Ambition peut rester le cap de l’entreprise sur le long terme, dans la crise comme dans la croissance, dans une organisation X ou Y, pour le collectif et pour chacun, quel que soit son rôle, son ancienneté ou ses compétences.
HARRY POTTER – un modèle parfait d’aventure
A tous les managers qui voudraient animer leurs projets comme des aventures pour que leurs équipes se mobilisent et trouvent de la fierté dans leurs actions, nous recommandons la saga Harry Potter comme récit idéal :
- Identifiez bien ce qui mérite que l’on prenne des risques pour le préserver… Harry peut mourir certes, mais devrait retrouver son horrible famille d’adoption si le monde des sorciers disparaissait…Voilà pourquoi il se bat tant.
- Proposez votre aventure à tous sans préjuger de qui seront les héros… Les amis d’Harry ne sont pas tous des « graines de champions », Londubat par exemple est un élève maladroit et gaffeur, et pourtant il devient indispensable à la fin de la saga… il est finalement un héros, comme Harry. Ce qui compte, c’est d’abord l’engagement et attention aux préjugés.
- Ne faites pas faire le travail aux magiciens. Les professeurs de Poudlard, qui sont pourtant les meilleurs sorciers, n’infligent pas la moindre défaite à Voldemort mais aident les héros à réussir. Dans la saga, leur position est explicite : ils ont fait la guerre précédente (en temps que héros) et passent la main. Le plus important dans l’aventure est de combattre les dragons POUR LA PREMIERE FOIS. Ensuite, il faut aider les suivants à réussir.
- Rythmez votre histoire de façon simple. L’année scolaire est un rythme évident, incontestable. Il ne demande pas d’effort au spectateur pour être intégré. Tout le monde le connaît.
NO de Pablo Larraín – Pour mobiliser : la supériorité de l’enthousiasme sur la peur
Le film chilien NO, réalisé par Pablo Larrain et sorti en France en 2013, raconte la campagne du référendum en 1988 qui amena au départ de Pinochet.
Au delà de la qualité artistique du film, NO propose une réflexion passionnante sur les leviers de la mobilisation qui peut se transposer au monde de l’entreprise.
Dans le film, René Saavedra (joué par Gael García Bernal), orchestre la campagne du NON à Pinochet et il l’emporte en proposant une campagne basée sur la joie et la bonne humeur, contre l’avis des opposants de Pinochet qui voudraient mettre en évidence les atrocités du régime en place.
L’enseignement n’est pas qu’il faut nier les difficultés, mais qu’il est plus efficace pour faire progresser une idée d’en montrer les aspects les plus séduisants ; parce que nous aspirons plus aux émotions positives qu’à ressasser les souvenirs négatifs.
En entreprise, dans des périodes difficiles, nous pensons également qu’il faut construire des projets enthousiasmants, qui proposent une alternative à la fatalité, au pessimisme ambiant. Bref, pour que les gens se battent, il faut une raison positive de le faire, et pas seulement la peur.