Auteur/autrice : charlie

Réhabilitons l’enfant en management

Il y a quelques mois, nous fustigions la tendance au management-Parent de beaucoup de managers. Mais pour compléter, nous voulions réhabiliter le management-Enfant au sens de l’analyse transactionnelle. Un peu de théorie managériale pour une fois, aussi accessible que possible, c’est promis.

(comprendre l’analyse transactionnelle)

 

Le règne de l’adulte, sous le régime du parent

L’entreprise aujourd’hui, c’est un peu le régime politique iranien (sans ironie). En Iran, le président est élu au terme d’un processus démocratique assez avancé, si si. En revanche il est inféodé aux Ayatollahs, régime permanent, discret officiellement mais presque tout puissant quand la nécessité l’exige.

Notre entreprise est pareil si l’on regarde le régime managérial sous l’angle de l’Analyse transactionnelle : on prône l’Adulte comme point stable de la relation, et implicitement on exclue les 2 autres penchants naturels : Enfant et Parent… Et puis, dans la réalité, mais sans se l’avouer, nos entreprises hiérarchiques créent en fait une série de relations « Parent/Enfant » non assumées, avec une injonction contradictoire : « Obéis, mais soit autonome ». Résultat, de la passivité à grande échelle.

Dans tout ça, on refoule finalement l’Enfant, souvent en le confinant dans des parcs très contrôlés : séances de brainstormings, teambuildings… Allez, là on s’amuse, et après, on arrête. 

 

Pourtant l’enfant ce n’est pas l’immaturité

Ecoutant récemment « La tête au carré », émission scientifique de France Inter où il était question des rapports entre les humains et leurs chiens ou chats, l’invité faisait la remarque suivante : « l’enfant ne se comporte pas avec l’animal en se demandant si son attitude est normale ou pas, efficace ou pas. Il considère (sans même se poser la question) que l’animal est un autre être, sensible, avec lequel il peut jouer mais dont il doit aussi prendre soin. Naturellement, sans morale ».

L’adulte c’est le rationnel, certes, mais c’est donc aussi le calcul. La relation Adulte/Adulte est une relation de compromis et d’intérêts croisés bien compris. Ceux qui en font l’apologie font aussi l’apologie du libéralisme le plus pur, celui d’Adam Smith et de David Ricardo : les relations entre les hommes se régulent dans la comparaison des intérêts de chacun. 

L’Enfant, et en particulier la relation Enfant/Enfant, c’est au contraire une relation qui peut être très productive mais dont la base n’est pas le calcul mais l’envie, le plaisir de faire des choses ensemble et on verra bien ce qu’il en sortira. Réduire l’enfant à la créativité, c’est oublier que ce qui fait d’abord la finalité de cet état : la volonté de créer des liens.

Récemment en mission dans une usine normande, nous travaillions avec une manager très « Enfant libre » dans son management. Elle est créative, mais sa plus grande force est de nouer des liens avec une rapidité incroyable et sans calcul : dans ses équipes, avec ses pairs, avec les extérieurs. C’est cela qui fait d’elle une manager supérieure à la moyenne sans avoir à cocher toutes les cases du manager parfait. Elle sait fédérer, résoudre des conflits, pousser les autres à se dépasser. Etonnamment, les résultats suivent !

 

Pas de oui mais !

Une fois qu’on dit ce genre de chose, on a le droit à des « oui mais » : oui, mais quand même, il faut fixer des limites et ne pas tomber dans l’affectif et le copinage. Oui mais la raison et la rigueur c’est plus important, pour aller au bout de toutes les priorités demandées et être efficace, etc.

Comment fait l’enfant pour apprendre l’équilibre, les couleurs, les sensations, les réflexes ? Il joue !

Oui mais non, nous ne sommes pas d’accord. L’entreprise manque d’Enfants, et même de ses excès. Il faut retrouver du plaisir au travail. Il faut retrouver l’énergie que procure la sensation de faire les choses parce qu’on s’éclate à les faire, et pas seulement parce qu’un calcul rationnel a dit que c’était nécessaire !

Nous cherchons à faire des équipes redoutables, qui dépasseraient les attentes… et bien, vous savez quoi ? Sur le papier c’est impossible. Parce que les gens travaillent d’abord pour gagner leurs vies et que les objectifs sont toujours trop ambitieux, parce que les projets sont trop lourds et qu’on n’a plus les moyens de tous les mener de front !

Sur le plan du rationnel, ce que vous leur demandez est impossible. Donc, créer une équipe insouciante est le seul moyen de résoudre la quadrature du cercle.

D’ailleurs, comment fait l’enfant pour apprendre l’équilibre, les couleurs, les sensations, les réflexes ? Il joue ! Sur le papier, la to do list des 2 premières années d’un nourrisson est invraisemblable. Mais comme il ne se pose pas la question, et aborde toutes les épreuves sans calcul et par le jeu, il y arrive.

 

C’est google qui a raison alors ?

Google, ses toboggans et son goût du jeu ont-ils finalement raison ? Et leur modèle est-il une référence ?

Nous n’en sommes pas sûr. Ce qui est bon chez Google c’est la moindre inhibition de l’enfant mais d’un autre côté, il est plus encadré qu’il n’y paraît car le jeu est planifié. Et il ne faudrait pas oublier que la population qu’ils adressent n’est pas celle de 90% des entreprises d’Occident.

Nous préférons une approche moins totale et donc plus réaliste pour nos entreprises.

L’idée est de mettre en place un traitement en mini-doses régulières. On libère un peu les réunions, avec une séance post-it et une question un peu décalée avant de passer aux sujets plus classiques. On prend 5 min en début de réunion sans sujet particulier pour commenter l’actu, sérieuse ou non, pour se détendre. On retrouve le plaisir simple d’un gâteau maison partagé, d’une journée porte ouverte pour montrer à nos enfants qu’on est sérieux, mais pas ennuyeux.

Et puis on arrête de confondre compétence et sérieux. Einstein n’était pas austère… Etait-il dilettante ?

Laisser gagner ses opposants, pourquoi c’est habile ? – Le stratège

Même si vous n’êtes pas très Baseball, jetez un oeil au Stratège, un film où vous verrez à l’oeuvre le beau Brad Pitt et l’excellent Philip Seymour Hoffman. Il est question d’un manager d’équipe qui adopte une stratégie très « jeu de go » pour faire gagner son équipe sans moyens. Très instructif pour les amateurs de stratégies alternatives.

Une manœuvre apparaît particulièrement surprenante : alors que le manager licencie plusieurs joueurs et son recruteur (fervent opposant à son projet), il garde son entraîneur (tout aussi opposant) ; mieux, il le laisse s’attribuer les lauriers de la victoire quand l’équipe est au sommet ! Pourquoi virer un opposant et pas l’autre ? Pourquoi s’obstiner alors qu’il ne devient jamais allié ? 

A bien y réfléchir, c’est peut être le coup le plus subtil, le plus magistral de ce manager. Il montre sa détermination avec son recruteur, mais en gardant son entraîneur et en le faisant réussir, il nous rappelle 3 éléments vitaux du manager joueur de Go, et arturien :

1. On cherche la victoire mais pas sa propre gloire.

2. Humilier son adversaire n’avance à rien. Lui maintenir un territoire est primordial pour maintenir l’équilibre. Si votre opposant n’est plus là, il sera remplacé.

3. Pour faire basculer un acteur, faites le gagner, pas perdre.

En management, tout est question de questions !

Chaque jour sur les réseaux sociaux, ou dans les revues spécialisées, on nous dit les qualités essentielles pour devenir ou reconnaître un bon manager. Je ne sais pas vous, mais ces articles ne m’ont jamais permis d’avancer réellement sur le sujet. Si nous devions aujourd’hui, donner une astuce à celui qui veut progresser dans sa dimension managériale, ce serait celle-ci : faites que les gens posent plus de questions !

 

Les réponses ne font pas ou peu grandir

L’erreur que nous avons tous faite, et que nous faisons encore souvent, c’est de construire sa légitimité de manager en livrant à son équipe les meilleures réponses aux questions qu’elle se pose, voire qu’elle ne se pose même pas. 

C’est le poids de l’histoire. On promeut plus souvent en tant que manager celui qui a des qualités d’expert technique plutôt que celui qui montre des facultés de management (animation, écoute, capacité à formuler une vision, etc.) qui sont d’ailleurs peu et mal identifiées. 

Et du coup, c’est logique : puisque nous avons souvent été placés en position de manager car nous avions fait nos preuves sur le métier. Donner les meilleures réponses est donc une façon naturelle de prouver à nouveau notre crédibilité.

Donner des réponses, c’est comme donner du poisson à ceux qui ont faim : c’est utile et gratifiant, mais cela n’est pas pérenne.

Donner des réponses est utile bien sûr et ne jamais en donner est une position intenable pour un manager qui ne saurait faire adhérer son équipe sans cela. Mais donner des réponses est une façon de terminer une réflexion. « Le chef a dit que… » est une phrase qui arrête la mobilisation de l’intelligence et place l’équipe en position d’exécution mécanique. 

C’est pour cela que les entrepreneurs font souvent de mauvais managers (nous en faisons partie et parlons donc en connaissance de cause…). Ils sont des garants de l’idée créatrice de l’entreprise et sont donc souvent en position de fournir la réponse ou de corriger celles de leurs collaborateurs. En conséquence, les équipes de l’entrepreneur ne progressent pas et ils exécutent (s’ils sont prêts à se soumettre) ou s’en vont.

Nous pouvons faire un parallèle avec le développement durable. Donner des réponses, c’est comme donner du poisson à ceux qui ont faim : c’est utile et gratifiant, mais cela n’est pas pérenne. Faire se poser des questions, c’est comme apprendre à pêcher : c’est plus difficile et moins satisfaisant à court terme, mais c’est beaucoup utile dans la durée.

La question, c’est une promesse d’apprentissage 

Tous les managers expérimentés le savent : quand vous présentez un sujet important pour vous et que le public concerné reste muet au moment du « avez-vous des questions ? », c’est mauvais signe.

La question est d’abord un signe d’intérêt.

Car la question est d’abord un signe d’intérêt. Générer des questions, c’est donc générer de l’énergie, de la motivation autour d’un sujet. C’est aussi, parfois, le début d’une remise en question : les questions, quand elles sont posées de bonne foi, nécessite d’admettre que l’on a pas la réponse, et qu’on en a besoin pour avancer. Dans certains public le questionnement est banal, mais dans d’autres (un codir par exemple, ou dans certaines entreprises) l’ego est tellement fort que les questions sont vues comme des aveux de faiblesses. Obtenir des questions dans ces cadres-là ouvre la porte à l’écoute, à l’humilité, et donc à de nouvelles perspectives.

Pour ces raisons, Luna est probablement le personnage qui nous plait le plus dans la saga Harry Potter. Sa force n’est pas dans une capacité à répondre à tout, mais une capacité à écouter, à faire confiance à questionner.

Dans le management les questions sont ainsi indispensables pour :

  • animer : une réunion d’équipe, une formation, le quotidien. La question est la base de l’échange, sans elle chacun expose éventuellement ses positions et ses arguments, mais personne ne peut faire un pas vers l’autre sans lui poser une question.
  • apaiser : un climat social, une frustration, une incompréhension. Dites-vous que quand un groupe ne pose aucune question, c’est soit que vous n’avez intéressé personne, soit que les questions sont dans les têtes mais ne s’expriment pas. Dans les deux cas, vous générez un risque.
  • faire s’approprier : un projet, une vision managériale. La question est l’acte fondateur de l’appropriation. Questionner, c’est vouloir faire sien le sujet de l’autre. 

 Les managers se désolent parfois que leurs équipes posent trop peu de questions, quel que soit le sujet présenté. Pourtant, si le manque de questionnement n’est pas qu’un cas isolé dans une équipe, c’est que le manager ne fait pas ce qu’il faut pour y remédier.

 

Générer des questions : innover et persévérer

Le principal poison du questionnement, c’est la routine managériale. On ne pose plus de questions quand on sait à l’avance ce qui va être dit ou répondu et comment. Pour générer des questions il faut donc innover.

Innover sur le fond, en proposant à votre équipe un nouveau sujet de réflexion ou en leur demandant plus sur un sujet qu’ils connaissent déjà. 

Par exemple : vous avez l’habitude (souvent en avril-mai d’ailleurs) de travailler chaque année votre plan à 3 ans avec votre comité de direction puis (pour certains) de restituer vos travaux à votre collège managérial qui écoute religieusement et parfois un peu hébété vos réflexions stratégiques. Essayez de partager avec eux à mi-parcours de votre réflexion, quand plusieurs options sont encore sur la table, et demandez leurs avis. Il est probable que vous génériez alors de nombreuses questions et, in fine, de l’intérêt et une meilleure appropriation.

Innover sur la forme aussi, en mettant votre équipe dans un cadre dont elle n’a pas l’habitude. Vous avez l’habitude de présenter 30 slides PowerPoint avant de demander des questions ? Faites l’inverse en leur demandant ce qu’ils attendent de la présentation, cela peut marcher ou faites réagir au milieu. Vous présentez à 20 personnes et personne ne réagit en collectif, faites 5 groupes de 4 où chacun doit vous présenter 2 questions, nul doute qu’elles émergeront assez vite.

Ensuite, tout est question de persévérance. Les gens poseront des questions si :

  • Vous montrez que vous en avez besoin : en n’ayant pas des présentations 100% ficelées à l’avance, qui laissent de la place aux compléments, aux modifications. Qui a envie de réagir à un projet 100% non négociable ? Personne.
  • Vous donnez du temps pour les questions : les réunions d’une heure dont 55 minutes de présentation envoient un message très clair à l’audience, leurs questions ne vous intéressent pas. Mettez au moins 50% du temps pour recueillir les questions et évitez d’avoir des réponses qui prennent toutes la place. Nous conseillons souvent aux managers, plutôt que de chercher une réponse absolument, de répondre à une question par une autre question. Vous allez voir, le résultat est incroyablement plus intéressant.
  • Vous n’acceptez pas le « non » comme réponse à « avez-vous des questions ? ». Posez une question, comme nous l’avons dit plus haut, est une prise de risque surtout quand elle est posée de bonne foi. Donc certains l’éviteront s’ils s’aperçoivent que c’est une posture acceptable. Vous devez être exigeant et ne pas admettre qu’un acteur puisse ne pas avoir de question à poser sur un sujet-clé.  

Comme toute chasse au trésor, la chasse aux questions se mérite. Alors que ferez-vous dans la prochaine réunion pour obtenir plus de questions ?

Les gens changent-ils ? et si oui, comment ?

Quand on s’intéresse au changement dans les organisations et les groupes humains, il est naturel de se confronter à la question du fond : les humains peuvent-ils changer ? Plutôt que de répondre sur le plan psychologique, nous en sommes bien incapables, nous proposons de réfléchir à cette question du point de vue du manager, qui doit faire changer les choses et aimerait souvent pouvoir changer ses collaborateurs pour qu’ils soient plus comme ci, et moins comme ça…. Alors, qu’y a-t-il entre nos mains ? Comment actionner les leviers qui marchent sans manipuler ?

 

Les humains changent dans l’histoire, à coup sûr, et relativement vite.

D’une génération à l’autre c’est évident. Il suffit de regarder l’évolution de la pensée, des moeurs, des opinions dominantes dans un pays donné, sur une période de 2 ou 3 décennies pour se rendre compte qu’évidemment, les humains ont une capacité à évoluer et même de façon stupéfiante par rapport aux autres êtres vivants. Regardez les opinions dominantes de vos grands-parents et vous verrez un gouffre. Surtout dans les pays libres qui, par nature, favorisent la mobilité intellectuelle.

Donc l’humain change, et très vite. Conclusion, à la tête de votre organisation, il est certain que sur les temps longs, tout changera, sauf que vous n’y pouvez pas grand chose. Si ce n’est d’essayer d’anticiper un peu (mais pas trop) les changements sociétaux.

  

Mais pour un individu unique, ce n’est pas sûr…

Les grandes théories managériales et psychologiques disent plutôt que non, l’individu ne change pas. On a des mots d’ordre, des visions du monde, des caractères. Que ce soit l’analyse transactionnelle, les travaux de Young et même ceux de Freud, on comprend que l’individu est fondé sur des éléments très solides qui varient très peu pendant la vie. L’idée même de personnalité, d’individu, suppose une certaine stabilité… D’ailleurs l’instabilité chronique est une maladie : la schizophrénie.

L’imagerie populaire, que nous aimons tellement, montre aussi des personnages très stables : Coyote, Gaston, Tintin, Luke Skywalker/Anakin Skywalker, Frank Underwood. Souvent d’ailleurs, on met en scène l’impossibilité de changer même quand on en a la volonté : Dean Keaton dans Usual Suspect et l’extrême dans la trilogie Jason Bourne où le héros, même frappé d’amnésie, n’arrive pas à échapper à ce qu’il est.

D’ailleurs, même quand le changement de personnalité est le thème de la fiction comme dans la série Caméléon, le héros ne fait que s’adapter au contexte sans changer jamais.

Dans la réalité on a quelques exemples, mais pas tant que ça de changements spectaculaires ; au contraire, les héros meurent ou déclinent souvent de ne pas savoir se changer (Napoleon, Alexandre) ou gagnent grâce à leur constance : Gandhi, Churchill, De Gaulle.

Les rares exemples de personnalités qui auraient changé profondément sont rares ; Malcolm X peut-être, ou Roger Federer qui abandonne brutalement son instabilité émotionnelle et devient à ce moment-là le plus grand joueur de tennis pendant 10 ans.

 

Alors qu’est-ce qui change ? 

Les attitudes à coup sûr. Il est évident que chaque individu peut faire varier ses actions et ses postures :

  • À court terme, en fonction des projets (perso ou pro), en réagissant aux stimulations extérieures et aux variations du contexte. Ce sont les principes de la sociodynamique. On ne change pas les fondamentaux de l’individu mais son rapport aux projets. L’illustration de la sociodynamique la plus magistrale c’est 12 hommes en Colère de Sydney Lumet.
  • À moyen terme, en fonction de l’apprentissage au sens large : acquisition de nouvelles compétences, expériences vécues, erreurs et succès variés, rencontres positives que l’on copie et négatives, que l’on évite. Les sagas nous en donnent des exemples innombrables ; mais Frodon dans le Seigneur des Anneaux a une place spéciale dans nos coeurs. Vous pouvez aussi re-regarder Un jour sans fin, qui est une réflexion limpide sur ce sujet. 

Il y aussi les changements purement opportunistes mais qui finissent par transformer les personnalités. C’est le cas de Fouché, qui semble avoir expérimenté plusieurs personnalités pour s’imposer tour-à-tour avec Louis XVI, Napoléon et Louis XVIII. C’est aussi le cas du héros de la magnifique BD « Il était une fois en France ».

Les fondamentaux quant à eux pourraient changer après un choc important. C’est ce que nous montre Double Face, fameux héros déchu de Batman après l’accident qui passe de la lumière à l’ombre ou Bobby qui, dans la nuit nous appartient, de James Gray, change radicalement après la mort de son père.

Finalement, il semble que si le changement est possible chez les individus, c’est donc superficiel. Et si c’est profond, c’est rare, et pas sûr que ce soit souhaitable.

 

Que doit faire le manager ? 

Pas évident pour le manager, à qui on demande des changements, une adaptation permanente au monde qui change, de se dire qu’il ne pourra pas faire changer ses collaborateurs.

Nous lui conseillons de faire comme si !

Faire comme si aucun point n’était bloquant. Faire comme si les défauts les plus ancrés pouvaient se résorber. Comme si on pouvait toujours révéler quelque chose de plus fort derrière l’apparente faiblesse. 

Pourquoi ?

Parce qu’en pensant comme ça, en plaquant ça sur les autres, on n’atteindra pas une situation idéale mais tous les petits progrès seront un plus pour le collaborateur, l’équipe et l’entreprise.

Parce qu’en pensant comme ça, on s’oblige à écouter, à jouer en finesse, et on se fait donc progresser soi même.

Parce que la somme de petits progrès peut faire des changements spectaculaires dans les organisations, parce que elles, en revanche, peuvent changer.

Enfin parce que, que resterait-il au manager qui n’essaierait pas d’agir sur les gens qu’il encadre ? Les process ? Il n’ira pas bien loin.

Cette démarche optimiste n’est pas une stratégie « faute de mieux ». C’est elle qui, à n’en pas douter, à conduit Nelson Mandela à cette persévérance, et à penser qu’après l’apartheid, la paix était possible entre blancs et noirs.

Daredevil : gagner avec les faiblesses

Connaissez-vous Matthew Murdoch alias Daredevil ? C’est un super-héros Marvel….. Aveugle ! Comment être un super-héros tout en étant aveugle ? Comment compenser son handicap et rester un tant soit peu crédible  ?

Jetez un oeil à la série si vous n’êtes pas en overdose de super-héros parce que la réflexion sur la force et la faiblesse n’est pas inintéressante.
Ce qui nous intéresse ici est notre réaction face à ce handicap. Quel rapport avons-nous face à la faiblesse des autres ? 
 

Bien sûr, nous réagissons différemment face à ce qui nous semble une faiblesse chez les autres, déjà parce qu’elles sont souvent et heureusement plus subjectives que celle de Daredevil.

Certains en n’en tiennent pas compte dans leurs attentes, d’autres justifient à travers elle d’être moins exigeant à leur égard. 
Parfois nous ferons tout pour compenser cette faiblesse, en misant sur les forces et en conduisant l’équipe à grandir en apprenant de ses victoires; petites ou grandes.
D’autres fois au contraire, nous nous cachons derrière cette faiblesse pour nous dédouaner et justifier les difficultés.  « Ah mais c’est compliqué, tu sais, mon équipe se construit, lentement. Il ne faut pas trop leur en demander ». 
 
Paradoxalement, l’intérêt des super héros réside dans leur faiblesse (et oui, sinon leurs histoires serait très courtes et attendues). Batman est sombre et résigné, Spiderman manque de confiance en lui, Ironman est arrogant et superficiel. Ici, nous avons un super héros qui a l’intérêt de nous interroger sur le regard que nous portons sur les faiblesses des autres et sur les nôtres. N’en faisons pas des excuses, sinon c’est l’immobilisme.

Le bonheur au travail comme à la télévision, c’est possible même à mon niveau

En mars, ARTE a fait parler dans toutes les entreprises avec le documentaire « Le bonheur au travail »,  qui présente des expériences de liberté en entreprise aux quatre coins du monde et qui ont largement porté leurs fruits. Les commentaires que nous avons entendu sont souvent les mêmes : fascination et envie d’un côté : « c’est inspirant », mais aussi scepticisme : « chez nous ça ne pourrait pas marcher avec toutes nos structures et nos contraintes ». Alors plutôt que de philosopher pour trancher, nous vous proposons un mode d’emploi pour vous lancer, quel que soit votre niveau de responsabilité.

 

Le bonheur au travail, c’est le pays des bisounours ?

Petit rattrapage d’abord pour ceux qui n’ont pas vu le documentaire. Le film de Martin Meissonnier part d’un postulat : les organisations hiérarchiques que l’on connaît ne sont plus adaptées en Occident. Elles étaient faites pour encadrer des salariés très peu qualifiés et inadaptés aux nouveaux métiers nés de la Révolution Industrielle. Mais aujourd’hui, les collaborateurs en Occident sont dans l’immense majorité cultivés, informés, compétents et ils ont intégré les contraintes de l’entreprise. Alors pourquoi consommer autant d’énergie à contrôler et à brider les gens quand, en retrouvant les chemins de la liberté au travail, on retrouve le bonheur en même temps que l’efficacité ? Martin Meissonnier présente ensuite plusieurs expériences qui viennent illustrer ces idées, aussi diverses qu’une biscuiterie dans le Sud Ouest (POULT), le Ministère des Transports belge ou l’entreprise Harley Davidson.

Depuis la diffusion de ce reportage, le journal Le Parisien a repris le sujet en Une ; au moins deux émissions de radio en ont fait leur sujet ; Michelin, une des références du management en France, a annoncé que ce principe constituait désormais sa cible ; et nous avons reçu de nombreuses demandes pour réfléchir à ces concepts afin de les rendre concrets chez nos clients.

Rechercher le bonheur au travail n’est pas une action RH de prévention des risques psycho-sociaux mais un choix de mobilisation des énergies.

Alors, il y aura toujours la réflexion sur le fait que c’est le « pays des Bisounours » qui y est décrit ou ceux qui pensent que « ce n’est pas si simple ».

Que répondre ? Non en effet, ce n’est pas simple. En revanche, la recherche du bonheur au travail n’est pas une utopie humaniste, c’est un choix organisationnel ! On ne le recherche pas par charité ou bonté d’âme mais parce qu’on veut trouver des leviers d’efficacité, de créativité voire de productivité.

Il faut bien se dire que comme les outils (machines ou informatiques) sont les mêmes partout dans le monde et que les méthodes d’organisation se copient (le lean partout), la seule façon de faire la différence est sur les Hommes. Or, pour le coût des hommes, en Europe occidentale, c’est perdu d’avance (et tant mieux, c’est bien de savoir que nos ouvriers peuvent vivre correctement). La seule solution consiste donc à utiliser à fond  leur intelligence et leur culture. Et comment libérer leur intelligence avec tant de contrôle, et si peu de bonheur ?

Rechercher le bonheur au travail n’est pas une action RH de prévention des risques psycho-sociaux mais un choix de mobilisation des énergies pour inventer et servir les clients sans s’encombrer des lourdeurs innombrables liées aux contrôles.

 

C’est donc un choix stratégique, dévolu au leader

Le bonheur au travail est de la stratégie pure. Cette stratégie a un coût de mise en oeuvre majeur parce qu’elle nécessite un changement de culture.  

Bref, le bonheur au travail est un choix de leader. Il est d’ailleurs frappant de voir que le point commun de toutes les expériences présentées dans le reportage repose sur l’inspiration et la ténacité d’un leader : à tel point que chez Harley Davidson, quand le visionnaire quitte son poste, le modèle s’effondre au profit d’un modèle centré sur le profit… moins profitable…

Une fois que la décision est prise, il faut accepter par avance que le chemin est largement inconnu.

Michelin annonçant par ses dirigeants son choix du bonheur au travail comme modèle organisationnel est donc sur la bonne voie. Les opérations de mise en place vont certainement prendre des années mais la condition indispensable du succès est remplie.

Une fois que la décision est prise, il faut accepter par avance que le chemin est largement inconnu. Rassurez-vous, inconnu ne veut pas dire incertain. D’ailleurs ceux qui ont tenté d’implanter le Lean ou un ERP savent que chemin connu ne veut pas dire certain. Bref, vous irez de surprise en surprise mais beaucoup seront bonnes. Pourquoi ? Parce que les humains sont intelligents et le montrent quand on les considèrent comme tels, tout autant qu’ils peuvent devenir imbéciles si on les voit ainsi.

Sauf que vous n’êtes pas forcément maître de tout ça parce que vous n’êtes pas le big boss… Alors comment faire le bonheur dans votre équipe alors que votre entreprise n’a pas décidé ce changement d’organisation ? Comment faire si au contraire, le groupe qui vous emploie continue de multiplier les contraintes, les demandes tous azimuts, les objectifs à tort et à travers ?

 

Le bonheur dans mon équipe ?

Notre client le plus avancé sur le bonheur au travail, au sein des SAV de Darty en Ile de France, a lancé bien avant le reportage d’ARTE une expérience de bonheur au travail à son échelle et sans politique globale de l’enseigne en ce sens.

Le bonheur au travail est possible à n’importe quel niveau

Il a appuyé sa tactique sur la logique du cercle d’influence versus le cercle de préoccupation : le cercle de préoccupation est l’ensemble des problèmes qui nous préoccupent et pour lesquels il faudrait avoir des solutions mais qui ne dépendent pas nécessairement de nous. Le cercle d’influence est l’ensemble des problèmes sur lesquels nous pouvons avoir une influence et proposer une solution, même partielle, à notre niveau. Le second est plus petit que le premier, bien sûr.

Avec cette logique du cercle d’influence, le bonheur au travail est possible à n’importe quel niveau, même si nous n’arriverons pas au degré de liberté absolu.

 

Comment s’y prendre ?


  • D’abord réveillez l’enfant qui sommeille en vous et affichez votre enthousiasme à vos équipes. La liberté est une attitude avant toute chose et elle est communicative. Vous allez appeler à l’intelligence permanente et sur tous les sujets.
  • Ensuite stimulez l’envie. Bien souvent, les équipes sont tellement submergées par leur cercle de préoccupation qu’elles en oublient complètement leur cercle d’influence. Faites leur ECRIRE ce qu’elles veulent réussir, évidemment pas des objectifs business, mais les réalisations collectives qui les rendront heureuses et déteindront sur les clients. L’exercice permet de voir, littéralement, que l’on peut agir.
  • Libérez vos équipes de leurs inhibitions. Vous verrez des écrits très sages et sérieux. Poussez-les à se lâcher ! Dans les mots choisis d’abord puis dans les actes. Un manager de chez Darty mesure tous les jours le moral de ses équipes en leur proposant des M&M’s Bleu (bon moral) ou rouge (mauvais moral)… et ça marche !
  • Ne laissez pas se reposer les alliés. Dans vos équipes, certains iront loin et vite. D’autres traineront. Les premiers ouvrent la voie. Poussez-les sans cesse. On peut laisser se reposer celui qui peine mais pas celui qui avance. 

Instaurer le bonheur au travail dans votre équipe est un acte de liberté à votre niveau avant de l’être au niveau de vos équipes. La liberté, c’est un peu de rébellion et de résistance et beaucoup d’enthousiasme. C’est le retour en force de l’Enfant (de l’Analyse Transactionnelle) au détriment du tout Adulte qui fait la loi dans nos organisations pyramidales et gouvernées par les chiffres et les process.

La revanche managériale d’Arthur

Au fil de nos expériences, nous sommes amenés à croiser de très nombreux styles de management, des postures diverses, des myriades de bonnes pratiques. Mais nous n’avons croisé que deux grandes philosophies de management.  L’une dont l’archétype pourrait être le roi Arthur et pour l’autre son (pas si) fidèle Lancelot. Si Lancelot semble parfois prendre le dessus, nous militons pour la revanche d’Arthur !

Le manager Lancelot, l’exigence en étendard

Lancelot est le meilleur de tous les chevaliers, il est tour à tour le meilleur allié puis le principal adversaire d’Arthur. Lancelot, c’est le méritocrate. Tout ce qu’il a obtenu, il ne le doit qu’à lui. Il est très exigeant avec lui-même et donc très exigeant avec les autres. Cela lui permet d’obtenir des victoires éclatantes. Il est tellement droit, légitimiste, que la moindre entorse à la règle est une trahison. Son autorité, il la doit à son exemplarité, il est le chevalier parfait. 

L’obligation de résultat, le niveau d’exigence, l’intransigeance vis-à-vis de certaines valeurs, voilà les attributs du manager Lancelot.

On peut reprocher à Lancelot une certaine froideur, due à la fois au côté sans faille de son action mais aussi à son intransigeance vis-à-vis des faiblesses des autres. Une des raisons de la scission avec Arthur est son mépris pour les autres chevaliers, si peu efficaces dans la quête du Graal.

Si le « modèle Lancelot » a toujours existé, il semble être particulièrement à l’image de notre époque. Nombre de managers puisent, ou croient puiser, leur légitimité par l’exemplarité de leur posture, par le niveau des résultats obtenus, par le fait d’avoir attiré les meilleurs autour de soi. 

L’obligation de résultat, le niveau d’exigence, l’intransigeance vis-à-vis de certaines valeurs, voilà les attributs du manager Lancelot. Il va chercher les meilleurs outils, ne renonce à aucun objectif même les plus ambitieux, ne renonce jamais. C’est une recrue de choix pour un top management qui veut sécuriser un périmètre, et s’assurer « que ça délivre ».

 

Le manager Arthur, la responsabilité et le sens

Arthur est un personnage qui incarne le sentiment de la responsabilité. Il est le principal responsable des réussites et, au moins aussi nombreux, des échecs de la quête du Graal. Guerrier redoutable, ce n’est pourtant pas sur ses exploits personnels que s’est construite sa légende. C’est lui qui définit et lance la quête mais ce n’est presque jamais lui qui combat. Ses victoires viennent de sa sagesse, de sa capacité à fédérer et plus encore, de sa volonté d’offrir à des gens ordinaires, et parfois faibles, une destinée extraordinaire. De donner à chacun des aspirations plus nobles et l’occasion de les réaliser.

Trouver le Graal est finalement secondaire, c’est le chemin qui compte. Est-il enthousiasmant et apprenant ?  Permet-il à tous, même aux plus faibles, d’être fiers ?

On peut reprocher à Arthur d’avoir échoué (il finit tué par son propre fils dans un combat à mort… triste fin !) mais son projet, lui, aura captivé des siècles et des peuples entiers. Il n’est pas vraiment d’un comportement exemplaire mais son aventure le sera, elle, plus que toutes les autres.

Le manager Arthurien ne puise son autorité que dans l’action qu’il propose à ses collaborateurs. Sa légitimité dépend de sa capacité à fédérer les acteurs sur son projet et de l’intérêt des rôles qu’il leur propose. 

Arthur se donne une obligation de moyens. Trouver le Graal est finalement secondaire, c’est le chemin qui compte. Est-il enthousiasmant et apprenant ?  Permet-il à tous, même aux plus faibles, d’être fiers ? Si oui, le but est secondaire car le cheminement est, de toutes façons, utile.

 

Les deux philosophies font leurs preuves

Ces deux modèles de leadership que nous venons de décrire, nous les rencontrons dans les entreprises au top niveau et dans les strates intermédiaires. Première constatation, tous les deux sont viables et potentiellement efficaces. Le manager Lancelot atteint régulièrement les objectifs fixés alors qu’Arthur obtient des progrès moins spectaculaires, mais souvent plus complets et durables. 

Lancelot est meilleur dans le pilotage et la gestion de crises et Arthur est meilleur dans le développement des collaborateurs et dans la gestion sociale. Que ce soit en haut (actionnaires, dirigeants) ou en bas, on aime notamment l’alternance des deux profils. De façon caricaturale, on veut des « Arthur » pour semer puis des « Lancelot » pour récolter. 

Pour faire une comparaison sportive:

  • Aimé Jacquet est un entraîneur Arthurien, ce qui se voit dans ses décisions (sortir Cantona et Ginola avant l’Euro 1996 alors qu’ils sont de grandes stars) et dans ses déclarations (voir dans « Les yeux dans les Bleus » les exhortations aux joueurs à être eux-mêmes). Au final : une éclosion lente mais une réussite durable (Coupe du Monde  1998 puis Euro 2000, après son départ).
  • José Mourinho est un pur Lancelot : il guide ses choix par l’utilité qu’il peut en ressortir rapidement (ex : il change 4 fois de club en 10 ans), il veut le meilleur (club / joueur / budget) et est prêt à toutes les déclarations et toutes les pressions pour faciliter le succès. Il a remporté 21 trophées en 10 ans, un record.

S’ils ne peuvent pas être plus différents l’un de l’autre, les deux ont obtenu des victoires remarquables, les deux ont leurs partisans et leurs détracteurs. 

Ce n’est donc pas l’efficacité de l’une ou l’autre de ces philosophies managériales qui est en cause, c’est une question de conviction, de valeurs, d’aspiration.

 

Arthur, reviens !

Préféreriez-vous Aimé Jacquet ou José Mourinho pour entraîner votre équipe ? Une grande majorité des amateurs de football choisirait le portugais si un tel choix était proposé. Et de fait, depuis 20 ans, le modèle Lancelot paraît dominer sans conteste.

Plus fiable, plus moderne, plus concret… Lancelot est une valeur sûre. Verrouillé sur son objectif, il ne lâche rien et remplira sa mission coûte que coûte. Bien sûr, cela aura des effets secondaires : quelques démissions, une tension du dialogue social, une démotivation relative des collaborateurs. Mais rien de définitif et surtout des gages de performance donnés aux actionnaires peu regardants des moyens employés si le résultat est là.

Les Lancelot ont tendance à sur-performer les rôles intermédiaires mais à plafonner dans les organisations : ce sont de bons soldats et de bons capitaines, pas plus.

Nous sommes évidemment des défenseurs de la philosophie Arthurienne. D’abord pour le manager lui-même, car un manager Lancelot finit souvent par s’isoler. Il s’isole de ses équipes à cause de son intransigeance, de ses pairs car sa hargne le rend souvent maladroit dans les rapports transversaux, de ses chefs aussi – au bout d’un moment –  qui apprécie sa combativité dans les rôles intermédiaires mais ne veulent pas (surtout en France) d’un pyromane des relations sociales aux postes-clés. Les Lancelot ont tendance à sur-performer les rôles intermédiaires mais à plafonner dans les organisations : ce sont de bons soldats et de bons capitaines, pas plus.

Et puis pour tout ce que promet un manager Arthurien : donner du sens à l’action quotidienne, faire progresser durablement ses collaborateurs, lancer des aventures collectives enthousiasmantes.

Dans la série Kaamelott, Alexandre Astier fait dire à Pierre Mondy qu’un grand chef se distingue en se battant pour « la dignité des plus faibles ». C’est exactement la philosophie Arthurienne. Elle manque aujourd’hui dans l’entreprise car elle est trop peu représentée. Elle apporte pourtant confiance, efficacité pérenne et fierté.

Sachez abandonner ! – Tuer le coyote qui est en vous !

Ce mois-ci, focus sur Coyote, vous savez le coyote qui aura cherché à attraper Bip-Bip par tous les moyens imaginables pendant 48 épisodes sans y parvenir. Il symbolise la persistance et l’obstination.

Coyote est l’archétype du comportement humain et managérial que l’on retrouve presque partout. Il est très ancré dans nos éducations : ne pas abandonner, persister, rester soi-même.

Ce qui définit Coyote est qu’il est sûr de sa cause, sûr qu’il peut arriver à ses fins. Il est aussi prêt à changer de tactique pour y parvenir mais en aucune façon à abandonner son but : attraper Bip-Bip pour le manger.

Que nous apprend Coyote ? Il nous montre les ravages de l’égo et la dérive de l’opiniâtreté qui devient de l’entêtement, de l’acharnement. Coyote devrait abandonner.

Nous nous sommes tous retrouvé tôt ou tard dans ce genre de situation où tous les éléments sont contre nous et où on se refuse à abandonner alors que ce serait la décision la plus sage à avoir.

Au fond, parfois, il vaut mieux tout perdre pour repartir de zéro, abandonner pour partir la tête haute vers de nouvelles aventures au lieu de s’obstiner comme ce pauvre Coyote.

Pour être un leader, soyez irrationnel !

Au fil des siècles, et surtout des dernières décennies, les outils et les systèmes de performances (stratégique, industrielle, managériale, sociale) se sont accumulés. Cela nous a conduit à construire un fantasme : celui du management parfait, bâti sur l’application des meilleures pratiques du monde, absolument rationnelles. Mais peut-on être un leader, et donc un bon manager, en n’étant que raison ?

La grande complexité du monde des entreprises fait peur. Les paramètres, les changements de contextes brutaux, la hargne concurrentielle font craindre aux managers d’être mis en défaut à tous moments.

Pour contrer ce phénomène, des outils rationnels ont progressivement séduit les managers. Des méthodologies complètes, complexes aussi, pour parer à toutes éventualités, pour se rassurer. 

C’est aussi le syndrome « Sudoku », une approche intellectuelle gratifiante même si elle n’est pas forcément utile.

 

La standardisation des managers

Nous sommes très favorables, très admiratifs parfois, des méthodologies élaborées pour soutenir la performance, la maintenance, la valeur ajoutée dans les entreprises. Le Lean Manufacturing est une mine d’or, le TPM est truffé de trouvailles, etc.

Tous ces outils sont des segments de rationalité pure dont l’efficacité est presque mathématique. Jusque-là, pas de problème si ce n’est que leur adaptation n’est pas toujours réussie et que, de ce fait, l’efficacité n’est pas toujours au rendez-vous.

Les actions sont prévisibles, les messages uniformisés. A l’instar des processus qu’ils entendent régenter, les managers sont standardisés.

Leur accumulation surtout pose problème. Les segments de rationalité recouvrent peu à peu toute la réalité du management. Pour faire les EFA, c’est pensé pour vous. Pour construire vos priorités, c’est pensé pour vous. Pour répondre aux IRP, pour construire son budget, pour communiquer, pour recadrer un collaborateur… ne vous inquiétez pas, c’est pensé pour vous.

Le grand bénéfice, c’est que même un manager faible ou fragilisé réussit. C’est caricatural ? Peut-être un peu, mais admettez que les agendas types, les chantiers Lean et les formations managériales laissent peu de place au hasard ou à l’erreur.

Dans ce système, rien ne rien ne ressemble plus à un manager qu’un autre manager. Les actions sont prévisibles, les messages uniformisés. A l’instar des processus qu’ils entendent régenter, les managers sont standardisés.

 
De manager à leader, le rationnel est un obstacle 

Un bon manager est une personne réfléchie, compréhensible de tous, faisant des choix clairs et éclairés par un raisonnement pertinent. C’est d’ailleurs dans cette optique que ces méthodologies sont construites.

Mais un bon manager, ce n’est pas que ça quand même :

  • C’est le porteur d’une vision fédératrice. Une vision, c’est un choix sur l’avenir qui ne soit pas seulement une déduction des éléments rationnels à disposition mais aussi une prise de position discutable.
  • C’est quelqu’un qui surprend, qui propose des expériences hors du cadre et qui donne à son équipe l’impression de vivre des moments singuliers, que l’on ne vit pas ailleurs.
  • C’est quelqu’un qui sait exprimer et transmettre des émotions, qui se laisse parfois guider par elles plutôt que par la sacrosainte raison. 

Surtout dans nos cultures latines, nous aimons les moments de folie, les actions inattendues et les projets un peu fous. Le prévisible c’est bien, mais rien d’autre que le prévisible c’est ennuyeux. Le rationnel, c’est légitime mais rien d’autre que le rationnel, c’est fade. 

 

Ne pas suivre les moutons sur sa stratégie

Être rationnel dans sa stratégie, c’est ouvrir une chaîne de cigarettes électroniques au moment de son essor, cela fonctionne parfois mais ce n’est pas être leader, mais opportuniste.

Être irrationnel dans sa stratégie, c’est suivre une autre raison que la raison commune. Comme Nick Hayek, président cofondateur de Swatch, qui au plus fort de la crise économique de 2008 a refusé les licenciements économiques à contre-courant de toutes les entreprises cotées. Perdre un peu tout de suite, gagner beaucoup après, marquer de son empreinte une vision et une culture d’entreprise. 5 ans après sa mort, l’esprit « Hayek » est intact dans le Groupe.

  

Incarner ses valeurs par ses choix 

Être rationnel dans ses choix, c’est pour un manager à succès de prendre progressivement de plus en plus de responsabilités, puis de rester à la tête de l’entreprise le plus longtemps possible quand on y est installé.

Être irrationnel dans ses choix, c’est de ne pas faire forcément ce que l’on attend de vous mais ce que vous dictent vos valeurs. Le patron d’Oxylane (Décathlon) a cédé sa place il y a quelques semaines. Pas pour prendre la tête d’un plus gros groupe, ni parce que ça se passait mal, mais pour partir en Chine toujours pour Oxylane. Il n’est pas devenu fou, il a juste suivi ses valeurs. Il a lancé un grand mouvement pour développer le Groupe à l’international, et c’est en faisant cela qu’il sert le mieux son projet. Imaginez le sens, les valeurs, le message pour les collaborateurs du Groupe. Admettons que cette décision est peut-être logique, mais sûrement pas rationnelle à 100%.

Sortir du « que rationnel », c’est envoyer un message à votre équipe, c’est incarner les valeurs, le projet que vous voulez mettre en place. Et vous, avez-vous fait un acte délibérément irrationnel ? Et le prochain, c’est quand ?

Pour gagner du temps, tissez votre toile

S’il y a une constante dans les entreprises, dans tous les projets, dans tous les secteurs, à tous les niveaux de management, c’est le manque de temps. Parfois c’est un alibi commode, mais souvent cela correspond à une réalité : les managers sont submergés par des vagues (de mails, de consignes, de projets, d’objectifs) de plus en plus rapprochées. Essayons de voir ce qu’on peut y faire… dans la réalité !


La surcharge, vérité objective

Évidemment, on connait tous le manager qui se dit « Dé – Bor – Dé » à longueur de journée et semble soupirer aussi souvent que possible, mais qui en fait masque une certaine oisiveté, ou en tout cas une charge des plus normales. On le connait oui, mais il est plutôt une exception dans des organisations qui diminuent  leurs structures et dans lesquelles se cacher devient de plus en plus difficile.

La surcharge des managers n’est donc ni une invention, ni une convention.

Bien entendu, on prendra ses airs de sociologue pour expliquer que la surcharge est plutôt valorisée en France avec la fameuse boutade : « Ah tu prends ton après midi ?» hélée à la cantonade à un collaborateur qui quitte le bureau à 18h.

C’est en partie vrai mais là aussi le phénomène recule, à la fois parce que ceux qui travaillent durablement au-delà des horaires classiques (et raisonnables) commencent à fatiguer et parce que les DRH sont de plus en plus soucieux du travail tard le soir ou les week-end. Même si c’est parfois hypocrite.

La surcharge des managers n’est donc ni une invention, ni une convention. Le rythme est frénétique, les mails trop nombreux, le matriciel prend les managers en tenaille entre 2 ou 3 donneurs d’ordres qui se soucient peu des demandes des autres. On multiplie les réunions, souvent pour atteindre la journée entière sans passer par la case bureau ou terrain. Les managers ont l’impression de ne plus toucher terre… C’est souvent le cas, nous les plaignons : dans cette vie on s’ennuie peu, certes, mais on ne respire pas. La sensation d’apnée est forte et beaucoup se demandent « combien de temps tiendrais-je ? ».

  

Prioriser : intellectuellement oui ; mais tarte à la crème le plus souvent. 

Assurément, la solution est de prioriser… Mon dieu mais c’est bien sûr ! Que n’y avais-je pensé ?

Mais cette évidence est devenue une injonction qui ne correspond plus à la réalité. Parce que les managers l’ont entendue 1000 fois et que si cette priorisation était facile à mettre en oeuvre, cela se ferait.

On dit qu’il faut faire des choix et que choisir c’est renoncer. Et à quoi ai-je le droit de renoncer ? Et bien, à rien ! C’est ça la réalité : il faut renoncer mais on n’en a pas le droit. Bien sûr on peut jouer à la marge sur ce qui est entre nos mains, mais c’est limité et souvent c’est le temps avec les équipes qui trinque. Logique puisque ce ne sont pas vos équipes qui vous évaluent.

Alors la priorisation est inefficace. Du coup, on demande aux supérieurs de trancher, de donner des priorités. Parfaitement logique et légitime comme raisonnement. Sauf que mon chef est dans la même situation que moi. Et même si c’est le « big boss », il doit servir ses actionnaires, garantir sa qualité, baisser les prix pour garder ou conquérir des positions. Autant d’éléments, contradictoires dans bien des cas, entre lesquels il ne VOUDRA pas prioriser. 

Bref, le rationnel mathématique a fait long feu. 

  

Gagner du temps, c’est tisser une toile

En fait, il existe un gisement de temps important et il est chez vous.

Depuis 10 ans que nous conseillons des managers, il nous apparait évident que certains ont l’air de poissons dans l’eau et échappent au syndrome de l’asphyxie. Ils sont peu nombreux, pas forcément haut placés et semblent vivre avec une légère insouciance ce flux incessant de vagues. Et pourtant, ils ne sont pas spécialement protégés ou dans un placard ; souvent, ils sont même exposés et comme par miracle, ils progressent dans l’entreprise.

  
Quel est donc le secret de ceux qui s’en sortent ? 

Nous pensons que le manager qui survit a la bonne habitude d’aller au bout de chaque décision prise quand les autres ont l’impression de le faire mais n’effleurent souvent que l’écume. 

Pour faire cela, il connecte les objectifs et économise beaucoup de temps : 

  • Il connecte en management : les actions qu’il mène avec ses collaborateurs ne sont pas une suite de réactions mais une construction dans laquelle le superflu est éliminé. S’il décide « je veux renforcer l’autonomie d’untel » alors TOUTES ses actions vis-à-vis de lui seront axées sur cet objectif. Et au lieu d’avoir un plan d’action pour la montée en autonomie ET d’autres plans d’action sur les autres objectifs, il n’a qu’un plan d’action autonomie et tout ce qu’il fait sur les autres sujets DOIT y contribuer.
  • Il connecte le management et les projets : du coup, il pilote ses projets de façon à ce qu’ils contribuent aussi à ses enjeux de management.
  • Il a une ambition qu’il utilise tout le temps : beaucoup de managers ont une ambition qu’ils utilisent en réunion de service, de temps en temps sur le terrain, une fois par trimestre… Quel gaspillage ! A partir du moment où vous avez une ambition, il faut l’utiliser 1000 fois : à chaque action managériale, explicitement. Avec les clients, internes ou externes, dans votre com’ bien sûr, dans vos projets. Rien ne doit échapper à votre ambition.

En fait les managers sereins dans ce monde de fous sont extrêmement économes sans renoncer à grand chose : ils font de chacune de leurs actions une contribution à tous leurs objectifs ; et si l’action ne contribue qu’à un objectif, ils la modifient pour qu’elle contribue à tous. 

Gagner du temps, c’est donc tisser une toile comme le fait une araignée : la solidité vient de la structure des fils connectés entre eux. Vous pensez que raisonner comme ça prend du temps ? Oui au début, mais c’est très vite un exercice grisant que de chercher à ce que chacun de vos actes contribuent à tous vos objectifs en même temps ; et le réflexe se prend vite avec des montagnes de gains réalisés.

ALBUS CONSEIL