Dans cette période de transition (on l’espère!) vers le post COVID, nous sommes assez tristes de constater que ce monde d’après, tant présagé et tant espéré, est finalement assez similaire au monde d’avant, et surtout dans les entreprises. En effet, si. on regarde les choses de près, outre de nouveaux accords sur le télétravail, quels grands changements, quels grands virages ont pris les entreprises ? Finalement assez peu.
Et si une pandémie mondiale ne suffit pas à créer de vertueuses ruptures pour les organisations, alors invoquons la capacité des individu – des managers aux actionnaires – à impulser des changements radicaux, pour des entreprises plus engagées, plus efficaces, plus humanistes ! Vous avez plus de pouvoir que vous ne le croyez !
Catégorie : film
Déshabillons le roi
Animer une communauté, fédérer autour d’une quête commune, embarquer dans une aventure… Autant de tâches qui incombent à un bon roi et donc à un bon manager ! Dans cet épisode, vous comprendrez pourquoi son rôle est plus limité – mais pas plus difficile – qu’il n’y parait, et surtout les pièges dans lesquels il est tentant de tomber.
* Pour aller plus loin *
// A lire //
Lettre ouverte aux managers papa ou maman
Pour réveiller les équipes il faut du rythme
Le meilleur job du monde manager
// A voir //
Le stratège – Bennett Miller
Toutes les interventions de Claude Onesta !
// Les extraits //
Braveheart – Mel Gibson
Les Douze Salopards – Robert Aldrich
Astérix et Cléopâtre – René Goscinny & Albert Uderzo
Louis de Funès en 100 répliques cultes
Kaamelott « La dispute » Livre III épisode 99
Le stratège – Bennett Miller
David Bowie – Heroes
La table ronde du management est un podcast produit par Albus Conseil
Au micro : Camille Riou et Patrick Bois.
A la réalisation : Laetitia Peyre
Appréhender les problèmes différemment : s’inspirer de l’Asie
Le stress est le grand problème de bon nombre d’entreprises. Il repose évidemment sur des cas individuels et des contraintes locales mais il est aussi probablement, le résultat d’une culture occidentale dont le rapport aux problèmes ne correspond plus tout à fait aux contraintes du monde du 21ème siècle.
Regardons du côté de l’Asie pour voir comment nous améliorer et pondérer l’audace et la combattivité à tout prix !
* Pour aller plus loin *
// A lire //
Eloge de la lenteur en management
L’Art De La Guerre de Sun Tzu (version Livre Audio)
// A voir //
// Les extraits //
Star Wars : Episode V : L’Empire contre-attaque
Livre Audio L’Art De la Guerre Sun Tzu Français
La différence entre le cinéma belge et français par Benoir Poelvoorde
La table ronde du management est un podcast produit par Albus Conseil
Au micro : Camille Riou et Patrick Bois.
A la réalisation : Laetitia Peyre
Ne faites plus de passation pour les collaborateurs !
Les encadrants dans les grands groupes dansent une valse à 3 temps : récupérer une équipe, la manager, la passer à un autre, récupérer une équipe, etc…
Dans cette ronde, un passage presque obligé, se passer les dossiers, et un drame : ne pas avoir de période de recouvrement suffisante pour tout se dire… Et bien, gagnons un peu de temps et cessons de faire des passations pour les collaborateurs… Complètement !
Tempo accelerando
A force de l’écrire chaque mois, ça finit par devenir un poncif : tout s’accélère, et il faut danser vite, très vite. Alors dans les changements de poste, on se dit que pour démarrer du bon pied, il faut qu’on en sache le plus possible sur les dossiers, les projets, les clients, et les membres de l’équipe. Alors on organise, souvent à la va vite, une réunion où le prédécesseur, parfois la tête déjà ailleurs, vous explique fissa qu’un tel est un pilier, que l’autre sait faire ci et pas ça, et que le dernier est un poison, toujours prêt à réduire vos efforts à la portion congrue….
Et on sort de cette revue d’effectif soulagé : « heureusement qu’on a pris cette heure ! Que de temps gagné ! »
Que neni, vous n’avez pas gagné 1 minute, et vous vous êtes tendu un joli petit piège…. Allez vous tomber dedans ?
Prophéties autoréalisatrices
Pourtant les infos que vous a donné le prédécesseur vous ont bien servies, et se sont révélées très justes ? Effectivement qu’elles sont vraies. Sauf que vous ne vous rendez pas compte qu’elles sont vraies surtout parce qu’on vous les as dites.
Il est tellement difficile d’ignorer une remarque bien présentée et étayée. Et du coup, on reproduit les situations à chaque tour de valse.
Autrement dit,
Quand on va vous vanter le pilier de l’équipe, la pépite qui fait vite, bien et sans râler, comment allez-vous regarder cette personne à la première rencontre ? En plus, en pleine bourre, elle vous abordera conquérante pour présenter les sujets en cours ! Et la danse collée serrée risque de se prolonger.
Pas trop grave vous me direz ? Sauf que c’est vrai pour les gens en difficulté :
Quand on va vous inciter à vous méfier de tel collègue, fourbe et jamais content, qui dit qu’il fait et ne fait jamais, comment allez-vous regarder cette personne à la première rencontre ? En plus, méfiante et peu confiante, elle risque de fuir un peu et aura peu de sujets pour vous séduire ! Et il ou elle risque de continuer à regarder le bal en attendant qu’on l’invite. Rappelez vous Carrie (Brian de Palma), ou voyez-le pour rappeler à quel point le regard de la foule peut créer ses propres légendes, et engendrer des monstres. Elle était belle pourtant Carrie, avant d’être humiliée….
Je caricature peut être un peu, mais un peu seulement. Il est tellement difficile d’ignorer une remarque bien présentée et étayée. Et du coup, on reproduit les situations à chaque tour de valse.
Et la caricature finit par être plus vraie que nature
Parce que quand vous avez passé 10 ans, et 3 chefs, à être regardé comme le danger, que faire ? La confiance est au plus bas. Vous estimez que le monde est hostile, et de fait, il l’est. Vous vous pensez menacé, et de fait, vous l’êtes. Alors, l’instinct dit de se protéger de cette agressivité. Et il vous recommande de garder vos idées pour ne pas qu’on vous les vole, de vous lier à ceux qui semblent vouloir vous protéger, d’être agressif avec les autres avant qu’on le soit avec vous.
En écoutant ces briefings de passation, vous prenez le risque d’aggraver la situation ; et si vous n’en tenez pas compte, parfait, mais alors pourquoi perdre votre temps ?
Chaque chaussure a son pied
Poser ce postulat ce n’est pas estimer que tous les prédécesseurs sont partiaux et veulent consciemment pousser le bon et écarter le mauvais ; la plupart du temps il veut votre bien et témoigne seulement de son expérience.
Sauf qu’en management, la virginité prime. Parce que votre prédécesseur a ses méthodes et son caractère, vous les vôtres, et votre successeur les siennes.
Pour faire le lien avec un précédent article sur la prise de poste, la meilleure tactique s’agissant des collaborateurs, c’est donc de prendre le temps de rencontrer l’équipe, sans préjugé, surtout pas négatif.
Il est possible que celui qui est coincé dans la relation avec son manager actuel puisse se révéler avec vous, ou que celui qui est en difficulté avec vous, se libère avec votre successeur. Sauf que pour que ces belles histoires arrivent, il faut y croire, et pour y croire, il est plus facile de ne pas avoir dans la tête la musique lancinante dans films d’horreur. N’oubliez pas, comme dans Carrie, Cendrillon, Rocky, que la laideur est très sociale et qu’en manageant sans écouter la foule, vous révèlerez parfois la beauté.
Pour faire le lien avec un précédent article sur la prise de poste, la meilleure tactique s’agissant des collaborateurs, c’est donc de prendre le temps de rencontrer l’équipe, sans préjugé, surtout pas négatif. En vous présentant positif et plein d’espoir, vous avez une chance que les personnes coincées se débloquent rapidement juste parce qu’elles entrevoient la lumière. Nous le voyons souvent.
Dans mon quotidien de consultant d’ailleurs, je rechigne de plus en plus à être briefé par le manager sur son équipe
Et quand vous partez, inutile de plomber la carrière de votre collaborateur, même si les relations ont été extrêmement difficiles. Si ça se trouve, votre part de tort n’était pas si faible que ça. Alors, évitons de transférer les problèmes et restons-en au factuel : il occupe ce poste, elle fait ça, ils sont sur tel projet.
Dans mon quotidien de consultant d’ailleurs, je rechigne de plus en plus à être briefé par le manager sur son équipe ; ça le rassure lui, mais c’est clair que j’ai du mal à ne pas en tenir compte dans le feu de l’action, et à rester neutre… Pourtant je connais le mécanisme…
Gardez votre temps pour évoquer les projets (ça c’est utile !), et partager les visions, les grands messages managériaux répétés depuis des mois (ça c’est indispensable pour ne pas repartir de 0).
Et la passation pour les collaborateurs, et bien faites là avec les collaborateurs eux mêmes : quelles sont vos envies, vos craintes ?
Mais pour danser, laisser parler l’instinct, l’envie et l’authenticité.
La bienveillance oui, mais pas bullshit !
Voilà encore un mot star de Linkedin ! Il faut un management bienveillant, c’est bon pour moi et c’est bon pour l’autre… Et puis comme d’habitude sur les réseaux sociaux, c’est mon image de mec bien qui monte en flèche. Mais le problème, comme d’habitude, c’est que quand on va dans les entreprises, la bienveillance est bien moins présente que sur les réseaux sociaux… Pourquoi ?
La bienveillance est un bon concept
Parfois nous critiquons un concept parce qu’il ressemble à une mode ou parce que nous pensons que beaucoup d’effets pervers se cachent sous la bonne intention. C’est le cas des tests de personnalité, ou du management par les valeurs.
Mais ici ce n’est pas le cas. La bienveillance est peut être un terme un peu « bisounours », mais c’est une notion importante et surtout efficace.
En gros, ça dit quoi ? Ça dit que vous tirerez le meilleur de votre équipe en diminuant le niveau d’exigence et en le remplaçant par un gros niveau d’attention et de compréhension. Loin de générer des déviances et des abus, une telle attitude va créer dans la plupart des cas une hausse de la performance en agissant sur 3 facteurs :
- Diminution du stress chez l’autre, et donc des erreurs.
- Développement des initiatives et donc de la productivité.
- Amélioration du climat de confiance et donc anticipation des risques.
Le management bienveillant est donc une source de progrès en plus d’être satisfaisant humainement. Dans nos pays à coût du travail élevé, c’est même une condition de la compétitivité puisque l’initiative et l’anticipation sont les éléments sur lesquels nous pouvons nous différencier.
Enfin, c’est un management qui paraît utopique à certains, mais qui a un gros potentiel de séduction : c’est un objectif que beaucoup aimeraient atteindre
Mais elle se heurte au stress, et disparait donc quand elle est le plus nécessaire
Alors quel est le problème ? Le problème, c’est que c’est bien plus facile à dire qu’à faire, et qu’il y a beaucoup plus de managers bienveillants dans les mots que dans les actes.
Selon nous, ce n’est pas un problème d’honnêteté, mais de stress. Il faut en effet être apaisé pour rester bienveillant. Mais quand la clôture approche, que le client ou le patron râle, que le danger est important, ou que l’on est proche mais pas sûr de signer la vente du siècle, c’est bien plus difficile de rester bienveillant…
La plupart du temps c’est ça qui explique la chute ou l’absence de bienveillance. Les managers sous tension se replient sur eux-mêmes et peinent à laisser du temps et de l’air à leurs équipes, alors que c’est de cette façon qu’ils obtiendraient les meilleurs résultats.
On a donc une situation un peu absurde où le management qu’il faudrait avoir pour surmonter une épreuve tendue est impossible justement parce que la situation est tendue…
La question est donc de savoir comment se maîtriser suffisamment pour pouvoir être bienveillant quand la situation l’exige, c’est à dire dans la tempête ?
Apprendre à la maintenir dans la tempête
Evidemment, l’utopie serait l’absence de tempête et des entreprises qui anticipent et s’organisent suffisamment bien pour ne pas être « charrette ». Mais convenons que c’est largement inaccessible dans le monde actuel.
Alors le manager doit savoir être bienveillant dans la tempête, dans les périodes de stress. Comment faire ?
Prévenir
Les période de stress, qu’elles soient générées par le contexte personnel ou professionnel, sont souvent prévisibles. On se sent tendu ou on sait que ça va venir. C’est important de partager cet état d’esprit avec l’équipe « Bon, vous le voyez je suis un peu tendu, je vais essayer de rester agréable ». Ce genre d’annonce a 2 effets :
- Elle augmente la bienveillance vis-à-vis du manager, et permet de limiter les énervements.
- Elle met aussi le manager dans de meilleures dispositions. En exprimant le point, une partie du problème est déjà évité.
Guérir
Ensuite, le manager n’est pas infaillible. Malgré tous ses efforts, et même en prévenant l’entourage, il arrivera que sa bienveillance chute avec le stress et la fatigue. On ne peut l’éviter à 100%. Dans ces moments, l’idéal serait de faire un break et de respirer un peu avant de continuer. Mais ça n’est pas toujours possible. Il faut donc avoir un bon réflexe quand on dépasse les bornes : s’excuser 🙂
Ça peut paraître bête mais s’excuser est un acte managérial pas si fréquent et apprécié. Il générera de la bienveillance en retour.
Mission : impossible – une utile leçon de piraterie
Ce mois-ci, nous regardons un blockbuster musclé, avec un Tom Cruise en pleine forme : le premier « Mission : Impossible ».
Pourquoi ? Pas pour la performance de Jean Réno bien sûr, mais parce que ce film est un authentique acte de piraterie d’un auteur, Brian de Palma, au coeur de la machine hollywoodienne ! Et nous pensons que dans les grands groupes, les managers devraient eux aussi se livrer à ce type de piraterie.
« Mission : Impossible » est donc une belle machine à dollars : acteurs bankables, courses poursuites, scènes spectaculaires, trahisons, explosions.
Mais c’est aussi un film de Brian de Palma accompli, contenant ses thèmes, ses obsessions, son style : la duplicité, la déshumanisation, les références hitchkockiennes, les écoutes, les complots. Je ne rentre pas dans le détail des motifs de Brian de Palma. Ce n’est pas le sujet mais sachez que ce film est considéré par les experts du cinéaste comme l’une de ses oeuvre les plus personnelles. Le tournage a, d’ailleurs, aussi, été le théâtre d’une lutte avec Tom Cruise, producteur et superstar…
Et donc, vous pouvez regarder le film à 17 ans, entre potes et avec pop corn… Ou le voir et le revoir, lire les livres qui lui sont consacrés (et oui, il y en a) et éprouver une réel plaisir cinéphile.
Nous pensons que cette prouesse doit nous inspirer, en particulier les managers qui travaillent dans les grands groupes : parce que vous sortirez des résultats exceptionnels en respectant les règles du groupe (comme de Palma celles des films d’action) mais en y introduisant votre personnalité, votre patte, vos ambitions de managers (comme lui ses obsessions d’auteur). Il est toujours possible de mettre de la personnalité dans un système, même le plus huilé, même le plus normé. Cela passe par une connaissance fine de ce qui vous habite et de vos croyances managériales pour qu’elles puissent trouver leur place dans les marges du système.
Faire du beau management dans un grand groupe, c’est faire un acte de piraterie mais en préservant l’équipage.
Ne soyez pas dociles !
Pour être un leader, soyez irrationnel !
Au fil des siècles, et surtout des dernières décennies, les outils et les systèmes de performances (stratégique, industrielle, managériale, sociale) se sont accumulés. Cela nous a conduit à construire un fantasme : celui du management parfait, bâti sur l’application des meilleures pratiques du monde, absolument rationnelles. Mais peut-on être un leader, et donc un bon manager, en n’étant que raison ?
La grande complexité du monde des entreprises fait peur. Les paramètres, les changements de contextes brutaux, la hargne concurrentielle font craindre aux managers d’être mis en défaut à tous moments.
Pour contrer ce phénomène, des outils rationnels ont progressivement séduit les managers. Des méthodologies complètes, complexes aussi, pour parer à toutes éventualités, pour se rassurer.
C’est aussi le syndrome « Sudoku », une approche intellectuelle gratifiante même si elle n’est pas forcément utile.
La standardisation des managers
Nous sommes très favorables, très admiratifs parfois, des méthodologies élaborées pour soutenir la performance, la maintenance, la valeur ajoutée dans les entreprises. Le Lean Manufacturing est une mine d’or, le TPM est truffé de trouvailles, etc.
Tous ces outils sont des segments de rationalité pure dont l’efficacité est presque mathématique. Jusque-là, pas de problème si ce n’est que leur adaptation n’est pas toujours réussie et que, de ce fait, l’efficacité n’est pas toujours au rendez-vous.
Les actions sont prévisibles, les messages uniformisés. A l’instar des processus qu’ils entendent régenter, les managers sont standardisés.
Leur accumulation surtout pose problème. Les segments de rationalité recouvrent peu à peu toute la réalité du management. Pour faire les EFA, c’est pensé pour vous. Pour construire vos priorités, c’est pensé pour vous. Pour répondre aux IRP, pour construire son budget, pour communiquer, pour recadrer un collaborateur… ne vous inquiétez pas, c’est pensé pour vous.
Le grand bénéfice, c’est que même un manager faible ou fragilisé réussit. C’est caricatural ? Peut-être un peu, mais admettez que les agendas types, les chantiers Lean et les formations managériales laissent peu de place au hasard ou à l’erreur.
Dans ce système, rien ne rien ne ressemble plus à un manager qu’un autre manager. Les actions sont prévisibles, les messages uniformisés. A l’instar des processus qu’ils entendent régenter, les managers sont standardisés.
De manager à leader, le rationnel est un obstacle
Un bon manager est une personne réfléchie, compréhensible de tous, faisant des choix clairs et éclairés par un raisonnement pertinent. C’est d’ailleurs dans cette optique que ces méthodologies sont construites.
Mais un bon manager, ce n’est pas que ça quand même :
- C’est le porteur d’une vision fédératrice. Une vision, c’est un choix sur l’avenir qui ne soit pas seulement une déduction des éléments rationnels à disposition mais aussi une prise de position discutable.
- C’est quelqu’un qui surprend, qui propose des expériences hors du cadre et qui donne à son équipe l’impression de vivre des moments singuliers, que l’on ne vit pas ailleurs.
- C’est quelqu’un qui sait exprimer et transmettre des émotions, qui se laisse parfois guider par elles plutôt que par la sacrosainte raison.
Surtout dans nos cultures latines, nous aimons les moments de folie, les actions inattendues et les projets un peu fous. Le prévisible c’est bien, mais rien d’autre que le prévisible c’est ennuyeux. Le rationnel, c’est légitime mais rien d’autre que le rationnel, c’est fade.
Ne pas suivre les moutons sur sa stratégie
Être rationnel dans sa stratégie, c’est ouvrir une chaîne de cigarettes électroniques au moment de son essor, cela fonctionne parfois mais ce n’est pas être leader, mais opportuniste.
Être irrationnel dans sa stratégie, c’est suivre une autre raison que la raison commune. Comme Nick Hayek, président cofondateur de Swatch, qui au plus fort de la crise économique de 2008 a refusé les licenciements économiques à contre-courant de toutes les entreprises cotées. Perdre un peu tout de suite, gagner beaucoup après, marquer de son empreinte une vision et une culture d’entreprise. 5 ans après sa mort, l’esprit « Hayek » est intact dans le Groupe.
Incarner ses valeurs par ses choix
Être rationnel dans ses choix, c’est pour un manager à succès de prendre progressivement de plus en plus de responsabilités, puis de rester à la tête de l’entreprise le plus longtemps possible quand on y est installé.
Être irrationnel dans ses choix, c’est de ne pas faire forcément ce que l’on attend de vous mais ce que vous dictent vos valeurs. Le patron d’Oxylane (Décathlon) a cédé sa place il y a quelques semaines. Pas pour prendre la tête d’un plus gros groupe, ni parce que ça se passait mal, mais pour partir en Chine toujours pour Oxylane. Il n’est pas devenu fou, il a juste suivi ses valeurs. Il a lancé un grand mouvement pour développer le Groupe à l’international, et c’est en faisant cela qu’il sert le mieux son projet. Imaginez le sens, les valeurs, le message pour les collaborateurs du Groupe. Admettons que cette décision est peut-être logique, mais sûrement pas rationnelle à 100%.
Sortir du « que rationnel », c’est envoyer un message à votre équipe, c’est incarner les valeurs, le projet que vous voulez mettre en place. Et vous, avez-vous fait un acte délibérément irrationnel ? Et le prochain, c’est quand ?
Pour gagner du temps, tissez votre toile
S’il y a une constante dans les entreprises, dans tous les projets, dans tous les secteurs, à tous les niveaux de management, c’est le manque de temps. Parfois c’est un alibi commode, mais souvent cela correspond à une réalité : les managers sont submergés par des vagues (de mails, de consignes, de projets, d’objectifs) de plus en plus rapprochées. Essayons de voir ce qu’on peut y faire… dans la réalité !
La surcharge, vérité objective
Évidemment, on connait tous le manager qui se dit « Dé – Bor – Dé » à longueur de journée et semble soupirer aussi souvent que possible, mais qui en fait masque une certaine oisiveté, ou en tout cas une charge des plus normales. On le connait oui, mais il est plutôt une exception dans des organisations qui diminuent leurs structures et dans lesquelles se cacher devient de plus en plus difficile.
La surcharge des managers n’est donc ni une invention, ni une convention.
Bien entendu, on prendra ses airs de sociologue pour expliquer que la surcharge est plutôt valorisée en France avec la fameuse boutade : « Ah tu prends ton après midi ?» hélée à la cantonade à un collaborateur qui quitte le bureau à 18h.
C’est en partie vrai mais là aussi le phénomène recule, à la fois parce que ceux qui travaillent durablement au-delà des horaires classiques (et raisonnables) commencent à fatiguer et parce que les DRH sont de plus en plus soucieux du travail tard le soir ou les week-end. Même si c’est parfois hypocrite.
La surcharge des managers n’est donc ni une invention, ni une convention. Le rythme est frénétique, les mails trop nombreux, le matriciel prend les managers en tenaille entre 2 ou 3 donneurs d’ordres qui se soucient peu des demandes des autres. On multiplie les réunions, souvent pour atteindre la journée entière sans passer par la case bureau ou terrain. Les managers ont l’impression de ne plus toucher terre… C’est souvent le cas, nous les plaignons : dans cette vie on s’ennuie peu, certes, mais on ne respire pas. La sensation d’apnée est forte et beaucoup se demandent « combien de temps tiendrais-je ? ».
Prioriser : intellectuellement oui ; mais tarte à la crème le plus souvent.
Assurément, la solution est de prioriser… Mon dieu mais c’est bien sûr ! Que n’y avais-je pensé ?
Mais cette évidence est devenue une injonction qui ne correspond plus à la réalité. Parce que les managers l’ont entendue 1000 fois et que si cette priorisation était facile à mettre en oeuvre, cela se ferait.
On dit qu’il faut faire des choix et que choisir c’est renoncer. Et à quoi ai-je le droit de renoncer ? Et bien, à rien ! C’est ça la réalité : il faut renoncer mais on n’en a pas le droit. Bien sûr on peut jouer à la marge sur ce qui est entre nos mains, mais c’est limité et souvent c’est le temps avec les équipes qui trinque. Logique puisque ce ne sont pas vos équipes qui vous évaluent.
Alors la priorisation est inefficace. Du coup, on demande aux supérieurs de trancher, de donner des priorités. Parfaitement logique et légitime comme raisonnement. Sauf que mon chef est dans la même situation que moi. Et même si c’est le « big boss », il doit servir ses actionnaires, garantir sa qualité, baisser les prix pour garder ou conquérir des positions. Autant d’éléments, contradictoires dans bien des cas, entre lesquels il ne VOUDRA pas prioriser.
Bref, le rationnel mathématique a fait long feu.
Gagner du temps, c’est tisser une toile
En fait, il existe un gisement de temps important et il est chez vous.
Depuis 10 ans que nous conseillons des managers, il nous apparait évident que certains ont l’air de poissons dans l’eau et échappent au syndrome de l’asphyxie. Ils sont peu nombreux, pas forcément haut placés et semblent vivre avec une légère insouciance ce flux incessant de vagues. Et pourtant, ils ne sont pas spécialement protégés ou dans un placard ; souvent, ils sont même exposés et comme par miracle, ils progressent dans l’entreprise.
Quel est donc le secret de ceux qui s’en sortent ?
Nous pensons que le manager qui survit a la bonne habitude d’aller au bout de chaque décision prise quand les autres ont l’impression de le faire mais n’effleurent souvent que l’écume.
Pour faire cela, il connecte les objectifs et économise beaucoup de temps :
- Il connecte en management : les actions qu’il mène avec ses collaborateurs ne sont pas une suite de réactions mais une construction dans laquelle le superflu est éliminé. S’il décide « je veux renforcer l’autonomie d’untel » alors TOUTES ses actions vis-à-vis de lui seront axées sur cet objectif. Et au lieu d’avoir un plan d’action pour la montée en autonomie ET d’autres plans d’action sur les autres objectifs, il n’a qu’un plan d’action autonomie et tout ce qu’il fait sur les autres sujets DOIT y contribuer.
- Il connecte le management et les projets : du coup, il pilote ses projets de façon à ce qu’ils contribuent aussi à ses enjeux de management.
- Il a une ambition qu’il utilise tout le temps : beaucoup de managers ont une ambition qu’ils utilisent en réunion de service, de temps en temps sur le terrain, une fois par trimestre… Quel gaspillage ! A partir du moment où vous avez une ambition, il faut l’utiliser 1000 fois : à chaque action managériale, explicitement. Avec les clients, internes ou externes, dans votre com’ bien sûr, dans vos projets. Rien ne doit échapper à votre ambition.
En fait les managers sereins dans ce monde de fous sont extrêmement économes sans renoncer à grand chose : ils font de chacune de leurs actions une contribution à tous leurs objectifs ; et si l’action ne contribue qu’à un objectif, ils la modifient pour qu’elle contribue à tous.
Gagner du temps, c’est donc tisser une toile comme le fait une araignée : la solidité vient de la structure des fils connectés entre eux. Vous pensez que raisonner comme ça prend du temps ? Oui au début, mais c’est très vite un exercice grisant que de chercher à ce que chacun de vos actes contribuent à tous vos objectifs en même temps ; et le réflexe se prend vite avec des montagnes de gains réalisés.
Monter sur la table – L’enseignement de Robin Williams
Saluons ce mois-ci le récent décès de Robin Williams qui aura su donner tant d’émotion, avec tout le charme et la tristesse d’un clown.
Retenons pour notre management la scène finale du Cercle des Poètes Disparus. Le choix n’est pas original mais c’est dans la rébellion de ces ados face à la vision technocratique que nous trouvons deux messages simples et indispensables pour comprendre ce qu’est l’engagement :
- D’abord c’est l’émotion et l’inspiration qui font aimer la poésie à ces jeunes garçons. La raison seule n’aurait jamais conduit les garçons aussi loin. Dans les projets aussi, c’est en inspirant les autres qu’on les conduit à l’engagement, à l’initiative et à la prise de risque.
- Ensuite c’est dans la transgression et l’action coûteuse (la crainte de la sanction) que se fonde l’engagement, et avec lui la créativité et l’intelligence.
A la fin du film donc, une dizaine d’élèves défient leur professeur et rendent hommage à leur inspirateur. Les voilà à la fois rebelles et plus adultes.
Teen movie formaté pour un public de moins de 20 ans ? Peut être, mais ça marche toujours, et surtout, dans un monde et une France en plein doute, monter sur la table semble plus que jamais nécessaire.
Chronique des 12 salopards, sous l’angle du management
Revoyons nos classiques ce mois-ci avec le chef d’œuvre de Robert Aldrich, sorti en 1967. Lee Marvin, commandant brutal mais juste, doit mettre au pas et entrainer 12 criminels endurcis pour attaquer un lieu de villégiature des officiers nazis. La mission est périlleuse, voire suicidaire, mais à la clé, la liberté !
Ce film montre comment l’on peut fédérer des individus à priori perdus. Il faut 3 ingrédients :
- Un bénéfice individuel.
- Un enjeu de conquête qui nécessite la coopération.
- Une confiance dans les Hommes, a priori.
Ces 3 ingrédients qui paraissent évidents, sont souvent oubliés dans l’entreprise :
- Parce qu’on fait comme si les objectifs de l’entreprise était aussi ceux des collaborateurs.
- Parce qu’on ne propose pas de réels enjeux de conquête mais seulement des business plan toujours plus ambitieux.
- Parce qu’on a tendance à ne pas imaginer que les collaborateurs puissent donner beaucoup mieux que ce à quoi ils nous ont habitué.
Bref, revoyons les 12 salopards, pour sa vivacité et son humour, et un peu pour ses leçons de management !