Auteur/autrice : charlie

La (sur)charge de travail : une fatalité ?

C’est un irritant qui revient quasiment chez chacun de nos clients : « on travaille trop, on n’a pas le temps de prendre du recul, de traiter les problèmes de fond, de prendre son temps… »

 

On travaille trop ? Qu’en disent les chiffres ?

 

Avant de vous partager notre avis sur la question, on est allé chercher les chiffres sur le sujet (sauf mention contraire, de l’INSEE).
 
Au global, on observe depuis un demi-siècle une baisse du temps de travail, principalement sous le double impact de la hausse du travail salarié (en moyenne les salariés travaillent moins que les non-salariés comme indépendants, agriculteurs…) et de mesures législatives (passage au 39 puis 35h*). 
On passe de 1950 heures travaillées en moyenne par an en 1975 à 1600 en 2018. Rapporté à une échelle journalière, on travaille en moyenne 20 minutes de moins par jour entre 1986 et 2006, et le « temps libre » a en moyenne augmenté de 33 minutes par jour. 
 
La conclusion rapide, ça serait de dire que non, on ne travaille pas plus qu’avant : on travaille même moins en moyenne.

Alors que le temps travaillé par jour diminue, la sensation de n’avoir pas assez de temps en dehors du travail reste quasiment à l’identique.

3, 2, 1 : intensifiez !

 

C’est intéressant de mettre en parallèle les chiffres et le ressenti des travailleurs. Alors que le temps travaillé par jour diminue, la sensation de n’avoir pas assez de temps en dehors du travail reste quasiment à l’identique. 48% de la population interrogée juge ne pas avoir assez de temps en 1979, et 45% en 2019. C’est d’ailleurs des ressentis que partagent beaucoup de nos clients. 

Le temps de travail n’est donc pas allégé, mais il devient au contraire compressé.

 
Mais en parallèle, l’organisation du travail a d’autres évolutions qui génèrent en partie ce ressenti de trop travailler, d’être sous l’eau, de courir d’un sujet à un autre… bref de manquer de temps. 
Le monde du travail connaît un double mouvement de flexibilité et de contrôle. Le travail la nuit et le dimanche augmente, pour certaines populations de travailleurs le télétravail se développe… dans le même temps, on augmente le contrôle du travail (la fréquence de pointage augmente par exemple). 
Le tout sur fond d’intensification du travail : augmentation de la cadence, multiplication des projets et sujets simultanés tous jugés prioritaires, le fait de reporter à des personnes et différentes (et donc répondre à des objectifs multiples), l’articulation entre différentes temporalités… 
 
Le temps de travail n’est donc pas allégé, mais il devient au contraire compressé. Prenons un exemple dans lequel beaucoup se reconnaîtront : le télétravail permet certes plus de flexibilité dans l’organisation de ses journées, mais génère des tunnels de réunions en visio, laissant à peine le temps de décrocher les yeux de l’écran plus de 2min. 
Anecdote véridique, je démarre un appel en fin de journée avec une cliente. Voyant qu’elle avait enchaîné les visio, je l’ai invitée à prendre 10min pour aller boire un coup et marcher 10 pas dans son appartement, ce qu’elle n’avait pas pu faire de l’après-midi… 
 
Et cet effet d’apnée se ressent beaucoup dans les grands groupes : nombre de managers que nous accompagnons se retrouvent à mettre leur agenda en pause systématiquement car le central impose le rythme des projets, rend prioritaires des sujets qui ne le sont pas forcément pour le terrain. Encore ce matin, un dirigeant d’un site industriel me partageait être régulièrement interrompu par des visites de responsables du central, qui exigent de lui qu’il redresse l’usine… tout en le sollicitant plusieurs jours. Jours pendant lesquels il n’est pas avec ses équipes, sur le terrain.
 
Un autre élément qui contribue à compresser le temps est ce à quoi on l’alloue. En l’occurrence, une grande partie est consacrée aux reportings et au suivi des indicateurs. La multiplication des indicateurs et leur importance croissante dans les échanges et les décisions génère une ressenti de « temps consigné », pour reprendre l’expression de Corinne Gaudart et Serge Volkoff, deux sociologues qui ont travaillé sur Le Travail Pressé dans leur ouvrage du même titre. Et très concrètement, ces tâches pèsent lourd dans le temps de travail notamment des managers de proximité : le temps de trouver les indicateurs, qui sont pourtant souvent déconnectés du travail réel, de compiler les données, de préparer et animer les réunions de présentation sur ces indicateurs… autant de temps qui ne sera pas consacré aux équipes, au travail réel, quotidien et créateur de valeur, à la créativité.
Face à cette intensification, forte est la tentation d’optimiser et rationaliser le temps.

 

Les fausses bonnes idées

 

Les solutions souvent proposées, nous n’y croyons pas vraiment, principalement parce qu’on voit, chez nos clients, qu’elles restent la plupart du temps lettres mortes voire qu’elles ont des effets inverses :

  • Faire moins : réduire le nombre de projets en cours, donc renoncer parfois, se fixer des limites de plages horaires…

Faire moins de projets, c’est évidemment un bel objectif, mais il nécessite autant d’exemplarité managériale que d’alignement à tous les niveaux hiérarchiques. Donc, difficile à mettre en œuvre suffisamment pour voir des effets.
Et faire moins dans ses journées, cela semble aussi compliqué à mettre en œuvre : se fixer des bornes horaires pour les réunions (par exemple, pas de réunion après 18h) semble être une bonne décision au moment où on la prend. Mais bien souvent, 2 semaines plus tard, devant le casse-tête des calendriers, on envoie une invitation pour un créneau censé être proscrit, avec en prime une pointe de culpabilité. 

  • Prioriser : semble plus réaliste que de renoncer.

En pratique, c’est souvent ce qu’il se passe quand tous les sujets deviennent urgents : on doit bien décider quelle urgence est la plus urgente. 
Mais comme la solution précédente, elle nécessite tellement de vertu et d’alignement entre différentes équipes et niveaux hiérarchiques que cela semble compliqué. Alignement qui est, comme expliqué plus haut, parfois ardu à obtenir dans des grandes organisations complexes et transverses.

  • Optimiser les projets et les agendas :

La conséquence, c’est de pressuriser encore plus et de réduire le temps « gratuit ». Le temps dans la journée qui n’a pour objectif ni d’avancer sur un projet, ni de traiter ses mails… bref, le temps qui n’a pas pour objectif d’être utile. Ce temps qui laisse la place à l’inspiration et à notre cerveau d’emmaganiser les sujets et idées qu’on a travaillés. Ce même-temps qui permet aussi de prendre la température des équipes, d’avoir des échanges informels qui nous en apprennent souvent plus qu’une réunion de suivi de projets. 
Demandez aux équipes de réduire les réunions d’une heure à 45 minutes : vous enchaînerez deux réunions de 3/4h d’affilée, cela ne la fera pas démarrer à l’heure, et je doute que cela permette systémiquement de libérer du temps. 
En tant que consultante, je souris face à la contradiction de mes clients qui me demandent d’organiser un séminaire pour « prendre de la hauteur, passer une journée conviviale et d’échanges », mais qui veulent réduire la pause déjeuner à 1h plutôt que l’1h30 que je leur propose…

  • Augmenter la liberté de chacun pour laisser de l’autonomie sur la gestion de son agenda :

C’est d’ailleurs ce que réclament 82% des salariés selon une enquête de la CGT en 2017. Cela peut réduire la charge en théorie, mais ça augmente surtout la charge mentale en pratique. Chez Albus, le fonctionnement très libre que l’on propose a plutôt tendance à nous rendre plus engagés et volontaires que déconnectés des priorités. 
 
Bien sûr, on ne dit pas que ces solutions sont totalement inutiles partout, elles peuvent être moins efficaces qu’elles n’en ont l’air. Et surtout, on pense que ces mesures ne traitent pas le problème de fond, celui de l’intensification et la pressurisation globale qui pèse sur les équipes. Voire que certaines solutions renforcent la tentative de solution de contrôler l’organisation du temps de travail.

 

Le temps humain, c’est aussi accorder un moment uniquement pour laisser les équipes exprimer leurs doutes et peurs face à un gros projet de transformation, sans essayer de convaincre et sans lancer dans la foulée des plans d’action. 

 

Et si on essayait de ralentir ?

 

Donc face à cette frénésie, la piste qu’on a envie de creuser, c’est celle de la lenteur. La lenteur surtout sur les sujets qui nous tiennent à cœur et auxquels on croit. 
 
Quelques pistes d’abord qui ne remettent pas en cause toute l’organisation du travail.
Prendre en compte le temps humain. Par exemple, le lendemain d’un gros succès, plutôt qu’un bravo-tout-le-monde-retourne-au-travail, animer sur quelques heures ou un demi-journée un vrai moment de pause : un déjeuner qu’on laisse durer, le manager qui reste dans l’open space de l’équipe pour s’accorder des échanges informels, en invitant un des bénéficiaires du projet qui a bien marché, en demandant à l’équipe comm de monter un petit film ou une animation sur le sujet en question… Le temps humain, c’est aussi accorder un moment uniquement pour laisser les équipes exprimer leurs doutes et peurs face à un gros projet de transformation, sans essayer de convaincre et sans lancer dans la foulée des plans d’action. 
La valorisation : et si en tant que manager, on essayait de valoriser les personnes qui osent prendre le temps de traiter un sujet en profondeur, même si cela a impliqué de laisser tomber quelques assiettes moins cruciales ? Et à l’inverse, arrêter de valoriser la vitesse. Concrètement, un mot glissé en réunion d’équipe, pour souligner que le délai pris par quelqu’un lui a permis de vraiment creuser le sujet et donc de proposer un livrable de qualité. 
 
Quelques pistes pour l’animation et le traitement des sujets de fond, qui demandent un peu de courage et d’exemplarité managériale mais qui peuvent fonctionner sous l’impulsion d’une ou deux personnes de l’équipe convaincues. 
Dans les séminaires annuels Codir par exemple : ça donnerait quoi d’oser faire 3 séminaires dans l’année parce qu’on identifie 3 sujets stratégiques pour l’entreprise, plutôt que de traiter ces 3 sujets en une journée ? 
Dans la même veine, identifier une cause racine de la frénésie des équipes et en faire un combat collectif. Par exemple, un Codir se rend compte qu’une explication du manque de temps est la surpréparation : il peut travailler dessus, d’autant que c’est un sujet qui dépend de la culture managériale et donc qui est souvent dans la main des managers ! 
Enfin, dans des organisations où les projets transverses et imposés pleuvent, qu’est-ce que ça donnerait de s’autoriser à prendre le temps de traiter les sujets qui nous tiennent à cœur, et qu’on appliquait les conseils d’efficacité uniquement sur les sujets obligatoires mais qui ne nous enthousiasment pas ? Par exemple, s’efforcer de ne pas faire de la sur qualité sur l’analyse que nous demande le central auquelle on ne voit pas l’utilité.
 
Une dernière piste, qui demande certainement plus de liberté de la part des responsables : passer d’une logique de timing à une logique de phasage
Concrètement dans un projet, se dire « tant qu’on n’a pas atteint nos objectifs de la phase 1, on ne passe pas à la phase 2 du projet ». Et ce, sans vouloir absolument faire rentrer la phase 1 dudit projet en un laps de temps arbitraire et déterminé à l’avance, qui ne prend donc pas en compte les imprévus techniques et humains. 
  

*Notons tout de même que le passage au 35h a généré des journées de récupération du temps de travail plutôt qu’un temps de travail plus réduit dans la semaine. 

Leçons managériales avec Malcom

Si vous avez grandi dans les années 2000, vous connaissez forcément cette série. Pour les autres, prenez le temps d’y jeter un coup d’œil ! On n’est pas déformés par notre boulot au point de tout regarder sous le prisme du management (quoique) mais cette série vaut l’exercice : au-delà d’être sympa à regarder, chaque personnage représente de grandes caricatures du management, sans oublier toutefois de leur attribuer de la consistance et parfois même un peu de nuance. 

C’est l’histoire d’un petit gars surdoué en train de basculer dans l’adolescence, entouré d’une famille déjantée. La mère, Loïs, dirige par la peur une famille de 4 garçons ayant pour mission première de la rendre folle. Le père, Hal, survit tant bien que mal entre la furie de sa femme et les fourberies de ses fils. Et les 4 fils redoublent d’originalité pour faire vivre un enfer à leurs frères mais, par-dessus tout, à leurs parents. 

Mais attention, ça n’est pas une simple histoire familiale : cette série fait une critique corsée de la société américaine, sur un ton similaire à celui des Simpson ou de South Park, en représentant à l’écran des personnages touchés par la précarité et ostracisés par le reste de la population. Des personnages qui excellent toutefois dans l’art du « D comme débrouille » et qui ont la force de se sentir au-dessus des regards critiques. 

Pour vous, on s’est donc amusés à décrypter les parents de Malcom, Loïs et Hal, en tant que managers. Et qui sait ? Peut-être que vous vous retrouverez dans certains aspects de leur personnalité et que les conseils qu’on va donner à ces personnages pourront vous filer un petit coup de pouce à vous aussi ! 

 

Lois, une manageuse autoritaire mais humaine

 

Dans la série Malcom, on voudrait… la mère ! 

Loïs est caissière dans un supermarché où il est de commune mesure de virer sans vergogne ses salariés et de les payer au lance-pierre. Mais elle est toujours à l’heure, irréprochable et surtout impossible à soudoyer, même avec une promotion qui pourrait lui changer la vie. Bien qu’elle n’occupe pas un poste de manageuse, on s’intéresse à Loïs parce qu’on peut le dire : elle sait manager son patron, ses collègues, son mari et ses fils. 

 

Si elle était manageuse dans votre entreprise

Loïs serait une vraie boss : ne se laissant jamais marcher dessus, elle fixe des objectifs adaptés à chacun, elle assure le suivi de la mise en place des actions en conséquence et elle excelle dans l’art de recadrer et de sanctionner ! 

C’est aussi une manageuse hyper engagée, ce qui fait d’elle quelqu’un d’investi dans son travail et de passionné pour son équipe. Le problème c’est que, parfois, cet engagement peut lui coûter et l’empêcher de prendre du recul sur les personnes qui l’entourent. Elle est exigeante et s’attend à ce que tout le monde le soit, tout le temps, et elle se fatigue beaucoup à l’expliquer. 

Toutefois, cette partie de sa personnalité est contrebalancée par les prouesses dont elle peut faire preuve en tant que coach. Elle est animée par les progrès que peuvent faire ses fils et s’adapte à leur potentiel, elle n’exige jamais d’eux des choses impossibles à réaliser :

  • L’ainé a été gâté pourri et ne sait rien faire sans sa mère : elle veut qu’il s’en émancipe et le laisse parfois bien galérer pour y arriver.
  • Le second pourrait être qualifié de débile profond : elle l’aide davantage que les autres et le pousse dans ses passions.
  • Le troisième est un génie mais pas lorsqu’il s’agit des interactions sociales : elle l’incite à se sociabiliser et le conseille sur ses relations.
  • Le quatrième est d’une gentillesse qui peut lui jouer des tours : Loïs l’aide à s’endurcir et à sortir du syndrome du sauveur. 

 

Les conseils qu’on pourrait lui donner

A jeter : les excès de colère. On sait que ça n’est pas toujours facile de garder son calme face à un collaborateur exaspérant, désengagé de son boulot et qui ne fait pas preuve de bon sens… Le risque, pour vous comme pour lui, c’est de basculer dans l’acharnement et d’aller jusqu’à faire à sa place pour avancer. La meilleure solution ? Premièrement : respirer un grand coup ! Et puis autorisez-vous à ne pas répondre tout de suite, à prendre du recul et à réévaluer votre demande en vous assurant qu’elle est bien adaptée aux compétences de cette personne. Accompagné d’un peu de lâcher prise, la situation sera beaucoup plus simple à vivre pour vous (et peut-être pour votre collaborateur). 

Une autre parade que vous pouvez utiliser : parlez plus régulièrement de vos frustrations. Ça vous permettra de les aborder plus calmement et d’éviter le côté explosif d’une accumulation de tickets. 

A garder : l’émotion que vous mettez dans votre travail et votre capacité à mettre des défis à la hauteur des qualités de chacun. C’est ce qui fait que vous êtes capable d’animer les incompétents et de leur donner une seconde chance qui pousse l’admiration. Vous vous assurez que chacun d’entre eux détient les billes nécessaires à leur réussite et c’est une force ! 

Vous êtes aussi une boss qui sait recadrer (ça se voit sur votre photo) et vous ne cachez jamais les difficultés, c’est ce qui fait que vos conseils sont justes, sans mauvaises surprises. 

A muscler : votre empathie. Vous en avez, sans aucun doute, sinon vous ne seriez pas aussi douée pour manager les collaborateurs les plus faibles de votre équipe. Mais prendre le temps de leur faire des feedbacks positifs, de les féliciter pour leur réussite, de reconnaitre leurs efforts, rendra les temps de recadrage que vous leur faite d’autant plus significatifs. 

 

Hal, un manager effacé qui est en fait un coach né !

 

Dans la série Malcom, on voudrait… le père ! 

Hal, c’est ce père froussard et absent, bien content que sa femme prenne le mauvais rôle. Il est à peu près là pour les bons moments et, quand il s’agit de remonter les bretelles de ses enfants, il part en courant. Quant au travail ? Si on l’entend en parler c’est parce qu’il a fait une énorme boulette ou qu’il cherche un prétexte pour ne pas s’y rendre. 

Alors pourquoi on vous en parle ? Parce que dans l’épisode 2 de la saison 6, Hal se révèle être en fait un excellent manager et un super coach, capable de déceler chez chacun la petite pépite qui bénéficie au collectif. 

 

S’il était manager dans votre entreprise

Vous seriez sûrement fan de Hal : sensible et dévoué, il n’en est pas moins capable de proposer des ambitions fortes, de fixer un cap et de donner du sens à ce que fait son équipe en lui permettant de se projeter et d’avancer en tant que collectif. 

Grâce à son empathie, il sait déceler chez chacun des bodybuilders de son équipe, la petite qualité qui fait de lui quelqu’un d’unique et de complémentaire au sein du groupe. Il permet à chacun d’entre eux de trouver son rôle et d’être mis en valeur, sans empiéter sur les autres. 

C’est ce qui fait de lui un bon coach mais aussi un véritable leader : savoir se mettre en retrait pour valoriser ses collaborateurs, se mettre dans l’ombre pour admirer celui qu’on a poussé dans la lumière et en faire sa fierté, c’est aussi ça être leader. Pas besoin d’un gros charisme ou d’énormes muscles pour que ça marche ! 

 

Les conseils qu’on pourrait lui donner

A jeter : comme vous êtes coach et que vous avez du lead, cela peut parfois s’avérer difficile de ne pas faire à la place de vos collaborateurs. C’est normal et toujours tentant. Le problème c’est que si vous prenez régulièrement ce rôle, vous vous retrouverez avec des collaborateurs qui pensent qu’ils ont besoin de vous pour accomplir des tâches qu’ils peuvent parfaitement faire d’eux-mêmes. Et vous vous retrouverez submergé par le travail. 

A garder : votre curiosité pour l’autre et le crédit d’intention que vous lui accordez, c’est-à-dire votre capacité à vous dire que la personne que vous avez en face de vous est parée de bonnes intentions. Votre curiosité vous pousse à aller chercher chez l’autre ses qualités et à lui donner sa chance. En partant du principe que chacun a des qualités nécessaires au collectif, une bonté naturelle et une finesse d’esprit, vous donnez à vos collaborateurs toute la confiance dont ils ont besoin pour progresser et s’assumer. Chapeaux bas ! 

A muscler : vos feedbacks négatifs. Vous êtes doué pour dire les choses qui vont bien, et ça n’est pas rien car c’est un exercice plus difficile qu’il n’y paraît. Bien sûr, il ne s’agit pas ici de descendre la personne que vous avez en face de vous mais de parler ouvertement de ses difficultés et de ses axes d’amélioration. D’ailleurs, c’est le fait que vous soyez capable de faire des feedbacks positifs qui fait que ces points auront d’autant plus de sens pour votre collaborateur. En vous appuyant sur des faits concrets et en les accompagnant de conseils pour s’améliorer, il pourra même vous remercier ! 

Si vous êtes particulièrement mal à l’aise sur cet exercice, n’hésitez pas à métacommuniquer, c’est-à-dire à exprimer en toute transparence votre difficulté à faire ce feedback, votre collaborateur sera plus enclin à l’entendre.  

Hunger Games – Quelle attitude face aux projets difficiles à annoncer ?

Lorsqu’on a une annonce compliquée à faire, on a tendance à mettre les difficultés du projet sous le tapis, alors qu’il vaut mieux les mettre en évidence. Ça demande du courage mais c’est tellement plus efficace !

Katniss, la protagoniste du film Hunger Games voit sa vie chambouler lorsqu’elle est tirée au sort pour participer à un jeu mortel où s’affrontent 24 candidats dans une arène vicieuse. Un seul vainqueur, un seul survivant. En quelques secondes, elle quitte sa famille, son district et tout ce qu’elle connait pour se préparer à jouer dans un jeu où elle devra très probablement y laisser sa vie.  Effie et Haymitch sont les deux mentors de Katniss, ce sont eux qui l’accompagnent du tirage au sort jusqu’à l’arène. Ils ont tous les deux le même objectif, que Katniss sorte vivante des jeux, mais ils s’y prennent de façons très différentes.

Pour vous, on a analysé leur duo managérial. 

 

Effie cherche à protéger Katniss de l’horreur…

 

effie

 

Effie voit systématiquement le bon côté des choses, partout et en tout. Elle s’attache à mettre en avant les délices de la nouvelle vie de Katniss : les costumes de star qu’elle porte, les banquets auxquels elle assiste, l’engouement qu’elle suscite dans les foules, la beauté du Capitole. Effie refuse de voir Katniss pleurer, elle ignore ses colères et évite tous les moments où Katniss  évoque la mécanique vicieuse des Jeux et la possibilité très probable de mourir…

Effie c’est le manager qui vous annonce un grand changement en ne parlant que de ce qu’il y a d’enthousiasmant dans le projet, de tout ce que ça va engendrer de chouette et en embrayant sur la suite sans vous laisser le temps de digérer tout ce qui va disparaître. Elle veut bien faire mais au fond c’est maladroit, ça nous agace et ce n’est pas très efficace.

Quand on manage au moment d’une annonce, on fait souvent comme Effie, on pense rassurer en minimisant les difficultés qu’engendrent le changement et on pense encourager en insistant sur les bienfaits du projet futur. Mais ça ne marche pas. Toute annonce apporte son lot d’émotions, son lot de deuil à encaisser. Face à ce deuil, les phrases d’encouragement sonnent creuses, l’excitation est désynchronisée avec la peur que vivent les autres et surtout vous perdez la confiance de votre équipe qui finira par ne plus vous écouter car vous êtes « vendus au projet.»

 

Haymitch parle franc : c’est violent mais ça marche.

 

haymitch

 

Pas étonnant alors que Katniss se tourne plutôt vers Haymitch, un ancien vainqueur désabusé qui noie son désenchantement dans l’alcool. On serait tenté de dire que Haymitch ne fait pas grand-chose pour Katniss. En effet, pendant longtemps, il ne lui propose rien. Haymitch parle franc : c’est violent mais ça marche. On se dit que Katniss n’a pas besoin de ça, qu’elle en a bien assez sur les épaules. Mais c’est auprès de lui que Katniss peut pester, pleurer et s’entendre dire que les Jeux sont terrifiants, qu’elle va surement y laisser sa peau, que c’est une énorme manigance pour assujettir le peuple.

Alors Haymitch choque à livrer une vérité si déprimante, mais il a compris quatre choses fondamentales :

  • D’abord, il parle vrai. Tout ce qu’il sait sur le Jeux il le dit et tout ce qu’il ne sait pas il l’avoue. C’est risqué car cela rend parfois Katniss furieuse mais il y gagne sa confiance.
  • Ensuite, il admet que c’est une période très difficile pour Katniss sans survendre les beautés de sa vie future – ni la fulgurance des jeux ni la gloire quand on les gagne.
  • Puis, il écoute sans chercher à la convaincre et sans se lasser de répéter. Les émotions déforment ce que l’on entend alors il répète patiemment et parfois plus frontalement.
  • Enfin, il attend que Katniss soit prête, qu’elle ait digéré son sort pour lui proposer un plan d’attaque, une stratégie de survie.

Haymitch a raison d’accepter les émotions – même négatives – de déni, de colère, de tristesse, d’anxiété de Katniss. Parce-que s’il ne le fait pas maintenant, elles ressortiront plus tard, plus fort ou sur d’autres sujets. C’est un mécanisme : on ne peut pas remonter si on n’est pas descendu alors Haymitch laisse Katniss descendre bien bas pour qu’elle puisse remonter par la suite.

C’est d’ailleurs ce qu’on fait de grands leaders de l’histoire comme Churchill qui en 1940 devant son pays encerclé par la guerre ne promet « que du sang, du labeur, des larmes et de la sueur.» 

 

Concrètement, comme manager, voici quelques idées pour accompagner la descente et gérer la remontée :

Franchement on est tous un peu Effie. Parce-que c’est tentant d’être Effie. On a envie de rassurer, de motiver, de donner envie. Et être Haymitch c’est contre-intuitif, c’est difficile même mais c’est de ce côté-là qu’il faut aller chercher pour annoncer des projets difficiles.

  • Assumer un management individuel où chacun vit ses émotions à des rythmes différents par rapport à l’annonce. Certaines personnes n’oseront pas parler en collectif et certaines auront besoin de plus de proximité́ avec vous.
  • Cela vous demandera peut-être des points plus fréquents pour écouter, faire parler et comprendre sans chercher à répondre. En individuel c’est aussi plus facile d’inciter un collaborateur en colère à s’exprimer sans le museler.
  • C’est l’occasion de reconnaître qu’il y avait de belles choses à perdre dans le monde d’avant, que tout le travail fourni auparavant avait sa place et sa nécessité.
  • À la suite d’une grande annonce, mettez en place des rituels différents, propre à une crise, où l’on se parle de l’annonce régulièrement et fréquemment même si on n’a pas de nouvelles informations à partager. Ces moments-là, même rapides, permettent de maintenir une dynamique d’équipe et de désamorcer les rumeurs.
  • Ne vous lassez pas de répéter, patiemment, les émotions déforment ce que l’on entend sur le coup. Une bonne manière de rassurer c’est aussi de rappeler tout ce qui ne change pas et donc ce qui reste stable.
  • Enfin, restez attentifs à toute initiative qui va dans le sens d’un rebond et valorisez un collaborateur prêt à redécoller !

 

Pour conclure, quand vous aurez à gérer une annonce qui provoquera un changement – on n’espère pas aussi drastique que celle des Hunger Games – attention aux pièges tentants de vouloir mettre sous le tapis les aspects difficiles et de survendre le projet à venir. Mettez plutôt votre énergie à reconnaître et à accompagner la montagne russe que vivent vos collaborateurs sans prétendre que c’est un fleuve tranquille. Ils en sortiront rassurés et armés pour la suite.  

Pour bien manager, ne soyez pas experts !

On se dit souvent que pour bien manager, il faut avoir une connaissance pointue du métier ou s’y connaitre un maximum. Pourtant, les plus qualifiés dans un domaine ne sont pas forcément les meilleurs professeurs et les meilleurs joueurs ne sont pas forcément les meilleurs coachs. Alors faut-il vraiment être un expert pour être un bon manager ? Nous, on a tendance à penser l’inverse… Mais du coup, qu’est-ce qu’il faut ? Qu’est-ce qu’on fait?

 

Généralement, on est promu grâce à son expertise.

 

C’est souvent le cas. Généralement une progression hiérarchique survient parce qu’on devient meilleur dans nos taches. Plus on devient qualifié, plus on monte les échelons, jusqu’à ce qu’un jour, on obtienne un poste de manager. Pourquoi ? Parce que ça peut paraitre logique ou rassurant. Le grand enjeu du management, c’est d’aider son équipe. On peut se dire que quelqu’un qui en faisait partie et en connait les problématiques sera à même de l’aider.

Une autre raison encore plus impactantee est qu’il y a peu de ‘filière expert’ dans les entreprises. La progression logique après l’expertise, c’est le management. Peu importe le secteur : « Junior, senior , manager »

Nous voici-donc dans de toutes nouvelles bottes. Peut-être pour la première fois. Et soudainement, on se retrouve à avoir plus de responsabilités, devoir gérer une équipe et la faire progresser. Prioriser, assurer la production et s’assurer que la machine tourne. Devoir recadrer ou valoriser… Bref, pleins de nouvelles choses vertigineuses qui peuvent faire perdre l’équilibre. Dans ces situations où l’on peut manquer de repères, le réflexe naturel est de s’appuyer sur ce qu’on sait faire. A savoir… le métier des équipes que l’on est censé manager. Après tout, on l’a pratiqué pendant longtemps et on en est là parce qu’on le faisait très bien. C’est normal de s’appuyer dessus.

 

Oui, mais est-ce que c’est vraiment ça notre rôle ? Nos nouvelles responsabilités ne portent pas vraiment sur la maitrise de notre ancien poste, si ? Pas complètement en tout cas. Et ça peut nous pousser à faire pleins d’erreurs contre-productives : Micro-manager, manquer de recul et de vision, participer à l’effet tunnel, ne faire que recadrer et jamais féliciter… et à terme, on manque de temps pour s’occuper des réelles actions que notre position implique.

Mais ce n’est plus notre rôle en tant que manager.

 

Rappelez-vous de vos professeurs préférés. Est-ce que c’était parce qu’ils étaient EXTREMEMENT qualifiés dans leurs domaines ? Peut-être un peu, mais pas uniquement. Un bon prof de maths n’est pas le meilleur des mathématiciens. Et encore moins celui qui fait les exercices à la place de ses élèves pour aller plus vite. C’est avant tout quelqu’un excellent pour transmettre et permettre à ses élèves de progresser.

En pratique, les meilleurs coachs de sports (Deschamps, Phil Jackson, Guardiola, ou autre Claude Onesta) ont été des joueurs de leurs sports respectifs, mais ils n’étaient pas les meilleurs de leur époque. Et pourtant, ce sont tous de très bons managers, car ils excellaient dans autre chose : Leur donner le cadre pour que les joueurs s’illustrent et gagnent. 

(Créer une tactique de jeu, remobiliser les troupes et impliquer toute l’équipe)

Peut-être n’y avez-vous jamais pensé mais Gandalf ou Dumbledore ont d’excellents traits managériaux aussi. Ils offraient à Harry et Frodon les ressources nécessaires pour affronter les obstacles sur leurs chemins en intervenant QUE lorsque l’obstacle était trop élevé.

Manager, c’est tout ça. C’est être un savant mélange entre Deschamps, un prof de maths et Gandalf. C’est aider et enseigner. Faire progresser et guider. Recadrer et féliciter.

Et intervenir, oui, mais que quand on ne peut faire autrement.

 

Alors, par où commencer ?

 

Après avoir dit tout ça, on peut se demander ce qu’on peut faire pour avancer dans ce sens. Bien sûr, ce n’est jamais facile, on a surement des enjeux ne dépendant pas de nous avec la pression qui va avec. Mais certaines actions peuvent quand même nous aider à initier ce changement de posture.

 

Essayez de vous demander quelle casquette vous souhaitez adopter face à vos problématiques : Est-ce que vous devez être plutôt coach, créer une tactique et permettre à vos joueurs de s’illustrer dans l’effectif ? Plutôt professeur qui doit enseigner de manière inspirante et féliciter une bonne note ? Plutôt magicien qui doit donner la ressource parfaite pour affronter un obstacle ?

Vous posez ces questions permettront de privilégier des actions de managers plutôt que d’agir par reflexe et en reprenant la main.

 

De même, questionnez-vous sur les obstacles que traversent vos équipes plutôt que la solution que vous pouvez apporter. Ainsi, vous aurez plus de facilité à identifier les leviers pour leur permettre de les gérer. Ça vous aidera à vous positionner en magicien présent pour aider plutôt qu’en héros là pour triompher.

Vous pouvez aussi changer de questionnement vis-à-vis des livrables et des solutions apportées par vos équipes. Plutôt que de vous demander si ce qui a été produit est parfait, demandez-vous si ça fonctionne. Demandez-vous tout ce que vous n’êtes pas obligés de changer. Et dans un 2è temps, si ça fonctionne mais que vous voulez cranter un peu plus haut/continuer de développer vos équipes, vous pouvez rentrer dans le détail pour mettre votre expertise au profit de plus d’exigence. Avec votre œil extérieur, vous pourrez identifier les angles morts et les gros manquements mais aussi et surtout, valoriser le travail de vos équipes.

 

Tout ceci, vous aidera à faire grandir vos équipes et vous gagnerez du temps pour effectuer ces taches, une des ressources la plus précieuses pour un manager.

En somme, votre plus grande difficulté d’ancien expert sera d’arrêter de chercher la perfection. Et en arrêtant de la chercher, vous vous exposerez aux bonnes surprises : Celle de vos équipes et de leurs progressions, celles des tentatives auxquelles vous n’auriez pas pensé et même, celle de votre propre management !

Faut-il vraiment être franc ?

Nous sommes nombreux à nous considérer francs et pourtant, il nous arrive à tous de repenser à des vérités non dites. Sommes-nous des hypocrites ?

J’espère que non et en tout cas, je n’ai pas envie de l’être. Mais la franchise c’est dur et ça peut nécessiter une approche particulière. Voyons laquelle…

La franchise est essentielle pour collaborer

Nous sommes presque tous d’accord pour dire qu’un système ne fonctionne pas sans franchise. Peut-on envisager une collaboration saine fondée sur le mensonge ? Imaginez-vous devoir reconsidérer tous les propos en permanence par peur (ou conviction) de mensonge. De même, pensez à cette personne qui cache toujours ses intentions réelles, exagère en permanence ses hauts-faits ou masque ses erreurs. Vous en avez une en tête et vous soupirez ? Moi aussi. 
 
Si bien que ce bon vieux Kant considère qu’on ne devrait mentir sous aucun prétexte pour une réelle bienséance. Pas du tout extrémiste le bougre…

Mais l’idée est là : sans franchise comment faire confiance ? Comment aider un collaborateur sans lui dire honnêtement où il peut progresser ? Comment faire évoluer une posture sans pointer les bons axes d’amélioration ? Comment aider votre oncle sur son horrible bœuf bourguignon si vous prétendez l’avoir adoré ? 

Mais c’est dur, alors ça en devient rare
 

Mais si nous sommes nombreux à être convaincus de sa nécessité, nous le sommes aussi de la difficulté de l’exercice. 

Vous avez peut-être déjà entendu parler de l’idée de « la collection de timbres » ? Cette idée selon laquelle une personne qui aurait un feedback, un désaccord ou une frustration ne l’exprimerait pas à l’instant T puis accumulerait ces non-dits et finirait par exploser contre un de ses collègues et lui reprocher tous les timbres précédents. Le dit-collègue, ne l’ayant pas du tout vu venir, se plaindra alors : « Mais pourquoi n’as-tu pas été honnête plus tôt ?? » Effectivement, pourquoi ? Pourquoi c’est si dur ? 
 
C’est dur parce qu’on a peur. Peur des réactions. Peur que ce ne soit pas le moment. Peur de ne pas être légitime à donner son opinion. Peur des représailles. Peur d’être exclu. Peur de blesser tout simplement. A tort ou à raison, on associe parfois la franchise au conflit. Parce que les moments où l’on a du mal à être franc sont des moments où cette honnêteté peut être mal reçue. On a généralement moins de problèmes pour dire que le plat était délicieux, ou que le travail rendu était excellent. Encore qu’on a peut-être tendance à l’oublier aussi. Et on peut y voir un lien : si on ne dit pas ce qui est difficile ou en deçà des attentes, comment dire c’est qui est bien ou mieux ? 
 
Mais si on a si peur, c’est qu’on risque peut-être de s’exclure. Auquel cas, c’est peut-être à raison ?

 

Il peut y avoir de bonnes raisons de ne pas l’être
 

Comme toute vertu, utilisée à tort et à travers, elle peut devenir néfaste et la difficulté de l’exercice peut signifier qu’il ne faut pas toujours foncer tête baissée. Cette fameuse intuition, qui rend la franchise si ardue peut en être un indicateur. Elle n’a pas toujours tort et ELLE, elle est franche à tout moment. 
 
Alors non, n’allez pas mentir comme des arracheurs de dents… Mais il arrive de vouloir être honnête pour les mauvaises raisons ou aux mauvais moments.

Les personnes se targuant d’être trop franches ou n’ayant aucun problème à exprimer les vérités difficiles peuvent être violentes. Vous en connaissez sans doute. Celles qui, sous couvert d’honnêteté, se permettent de flirter avec l’agression verbale. Elles n’ont pas peur, elles. Peut-être que de temps en temps elles devraient…

Elles devraient parce que de temps en temps, la franchise n’apporte rien et n’est même qu’un prétexte pour blesser. Annoncer à un de vos collègues que vous trouvez son bébé répugnant n’aura pas d’autres impact que de le heurter. Votre manager a peut-être une coupe de cheveux que vous trouvez franchement ridicule mais ça ne l’aidera pas à améliorer sa posture managériale. A quoi bon être franc ici ?
 
On peut aussi vouloir l’être pour se venger d’une remarque (honnête) qu’on aurait mal prise. Là encore, on peut se demander si la franchise a pour vocation d’aider l’autre ou si elle n’a que pour objectif de nous soulager. D’évacuer une frustration. Se questionner sur l’objectif derrière le partage du message peut aider pour savoir si c’est la bonne chose à faire ou non. « A quoi bon être franc ? »

Mais comment faire quand on doit l’être ?
 

Parfois, on conviendra qu’il faut l’être. Il faut l’être parce que le message peut aider un collègue. Il faut l’être parce que s’épargner la difficulté d’être franc, c’est se passer le message qu’on n’est pas capable de la surmonter, et la prochaine fois sera encore plus difficile. Il faut l’être parce qu’en voulant éviter de blesser un collaborateur on peut lui laisser des œillères qui rendront son travail encore plus difficile. Parfois il faut l’être parce que le bœuf bourguignon de votre oncle est VRAIMENT IMMONDE. Parfois il faut l’être parce qu’avoir peur peut ne pas être une raison suffisante. 
 
Alors on se doit d’être franc, pour nous même et pour autrui. 
Si c’est difficile pour vous, dites-le ! Cela facilitera la réception de l’information par le destinataire. Être franc, c’est aussi l’être sur soi-même. De la même manière, ce petit exercice qui consiste à se demander pourquoi on pense qu’il est important de l’être à cet instant peut être intéressant à partager. Là aussi, on partagera sa gêne, on sera honnête sur son propre ressenti, on déclenchera l’empathie de la personne en face de nous et on agira en faveur d’une ambiance et d’une confiance nécessaire à une franchise efficace.
 
Et si c’est difficile c’est aussi peut-être que le cadre n’y est pas du tout propice et on peut travailler dessus pour favoriser la réception du message. Peut-être que votre entreprise n’a jamais facilité les retours réguliers et que cela aiderait les 2 partis ? Peut-être que vous n’avez jamais créé de relation en amont avec votre collaborateur et que, sans utiliser cela pour se défiler, un autre collègue aura plus de succès dans l’exercice pour éviter un dialogue de sourd et donc permettre l’amélioration voulue ? Peut-être qu’un peu d’humour, sans pour autant l’utiliser pour brouiller le message, rendrait l’atmosphère plus légère et vous aiderait aussi bien-vous que votre interlocuteur ?
 
Malheureusement, l’exercice ne deviendra jamais une partie de plaisir mais la grande méchante franchise paraitra surement un peu moins effrayante et avec un peu de chance, le bœuf bourguignon de votre oncle un peu plus comestible.

Les objectifs : de bonnes longues vues mais de mauvaises lunettes

Ou comment les objectifs nous rendent souvent plus aveugles que clairvoyants

C’est un grand classique de nos débuts d’années : à peine les coupes de champagne se sont-elles entrechoquées que la sempiternelle question affleure sur les lèvres : et toi, quelles sont tes bonnes résolutions pour cette nouvelle année ? Quels objectifs te fixes-tu ? Et si cette question concerne souvent plus les projets d’ordre personnel, elle colore également fortement les débuts d’année des managers (« cette année, on double nos ventes ! » « on se forme tous à tel nouvel outil ! » « on recrute davantage ! » etc.). 

Quand on manage, il est bien compréhensible de vouloir orchestrer l’année de son équipe autour d’objectifs précis. Mais finalement, le recours systématique aux objectifs pour organiser et quadriller son année ne serait-elle pas une fausse bonne idée ? Et si finalement ne pas tenir coûte que coûte ses objectifs était plutôt une bonne chose ?

Tout part pourtant d’une bonne intention : fixer des objectifs permet d’avancer et de progresser

Cela peut sembler enfoncer une porte ouverte : au travail on vit, on mange (on dort presque !) objectifs. Notamment parce que ceux-ci se déclinent sous de multiples coutures :  il y a les objectifs issus de la nouvelle roadmap de l’entreprise, ceux imposés par son N+1, ceux liés aux attentes des clients, et puis enfin ceux que l’on se fixe à soi-même pour la journée, la semaine, le mois voire, pour les plus audacieux ou stakhanovistes d’entre nous, pour l’année. Et à moins de directement statuer sur un masochisme largement répandu, force est d’en déduire que les objectifs sont de précieuses béquilles pour mettre de la clarté et de la réassurance dans son quotidien. 

Pour le manager, on comprend l’intérêt de fixer des objectifs à ses collaborateurs : montrer où l’on va, sans se disperser et se perdre tout à la fois. En offrant une vision organisée et simplifiée du réel, les objectifs dessinent une feuille de route bien bornée dans laquelle il est plus simple de se projeter et d’organiser son activité. Pour une équipe, c’est a priori l’idéal : l’année se divise en 3 ou 4 grands objectifs, c’est clair et net. Et pour le manager c’est pratique : la non atteinte d’objectifs par un des collaborateurs permet d’être alerté sur une éventuelle difficulté, un état de surcharge, des besoins en formation, en accompagnement … autant de questions qui, sans le prisme des objectifs, ne se seraient sans doute pas posées. 

Pour les collaborateurs, les objectifs jouent également un rôle d’ « attracteur » efficace car, il faut bien l’avouer, un objectif donne envie d’être atteint. Remplir ses objectifs rassure (« j’y suis arrivé », « je sais faire ») mais distille aussi une aura de réussite (« j’ai montré que j’en étais capable »). D’ailleurs il n’y a qu’à voir l’engouement pour les sports extrêmes qui essaiment aujourd’hui (marathons, trails, iron man et j’en passe) où tout l’enjeu est de déjouer les diagnostics, de repousser les limites : nous avons besoin de nous voir réussir, atteindre une ligne d’arrivée, quelle qu’elle soit, pour se sentir exister et valorisé. 

Bref, dans notre quotidien, les objectifs sont de précieuses longues-vues qui permettent de cerner un point d’arrivée avec une certaine acuité et de s’organiser en fonction de ce dernier – pourquoi alors s’en priver ? 

Mais en réalité en se concentrant sur les objectifs on loupe l’essentiel 

En réalité, l’enjeu n’est pas tant d’arrêter de fixer des objectifs, mais plus de comprendre en quoi manager uniquement par les objectifs nous fait passer à côté de l’essentiel. 

L’essentiel c’est la progression de son équipe 

L’essentiel, lorsque l’on manage, c’est notamment le progrès, le chemin qui se déploie entre le point de départ et le point d’arrivée, qui devrait être autant valorisé que l’atteinte des objectifs. Or les objectifs sont formulés d’une telle manière qu’ils ne laissent aucune place au progrès, à l’ »entre deux » : il y a ceux qui réussissent et ceux qui échouent, point. Cette vision des choses fait oublier que non seulement commencer quelque chose est toujours mieux que de ne rien faire du tout mais aussi que les objectifs sont souvent fixés arbitrairement et sont donc parfaitement contestables en eux-mêmes. Par exemple, vous êtes-vous jamais posé la question de pourquoi la compétition iron man avait une course de natation de 3,8 km de long et non 4km, 42 km de course à pied et non 40, 180km de vélo et non 200 ? Les objectifs sont certes utiles, mais à la manière de longues vues : focaliser son regard en des points précis de l’horizon pour choisir la bonne direction ou les menaces à éviter. Mais ils ne permettent pas de justement valoriser et manager une équipe, dont la réussite en réalité s’apparente bien plus à un continuum, à une série de petites actions, qu’à une ligne à franchir. 

Mais également les opportunités non imaginées au départ 

Concentrer son action et son intérêt sur des objectifs précis nous aveugle aussi sur toutes les opportunités non imaginées au départ qui se dessinent souvent en cours de route. La grande perversité des objectifs réside dans leur immuabilité. Une à deux fois l’an (souvent lors de grandes messes de début d’année ou lors des entretiens annuels de fin d’année) des objectifs sont fixés, et puis on n’en parle plus, on ne les conteste plus. Le problème, c’est que si ces objectifs nous aident à gagner en efficacité et rassurent, ils ne nous aident pas à muscler notre capacité à explorer d’autres possibilités. Et cela est problématique dans un monde en constante mutation, où il faut souvent réajuster les choses et où l’on ne cesse d’enjoindre les salariés à davantage de créativité et d’innovation. Il y a donc une vraie contradiction à souhaiter plus de flexibilité et d‘ouverture dans des systèmes au sein desquels l’unique mode d’animation de la vie d’équipes est le suivi méthodique d’objectifs. Manager uniquement via des objectifs pré-établis relègue les tentatives d’exploration et de recherche de solutions différentes à des actions parfaitement accessoires. 

Alors pour une fois, troquez plus souvent vos longues vues pour des lunettes ! 

Bien évidemment, l’idée n’est pas d’arrêter de recourir aux objectifs (qui sont un mal nécessaire) mais plus de cultiver d’autres manières de valoriser le travail de ses collaborateurs et d’animer la vie de son équipe. L’enjeu est d’éviter de se retrouver aveuglés dans une poursuite frénétique d’objectifs que l’on oublie de requestionner et de recalibrer. 

Concrètement, qu’est-ce que cela pourrait signifier de troquer la longue vue pour les lunettes : 

o   Fixez des objectifs qui font progresser vos collaborateurs plutôt que des objectifs qui imposent des niveaux stricts à atteindre : par exemple, au sein d’une usine, ce peut être préférer l’objectif « améliorer notre qualité » à l’objectif « assurer X% des produits finis de qualité », car le pourcentage préfixé ne prend pas en compte la possibilité d’aléas. Cela permet bien mieux de valoriser le progrès, l’avancement par rapport au point de départ 

o   En réunion d’équipe, parlez autant des progrès en cours que des réalisations visibles. Cela peut paraître simpliste mais souvent l’usage est plus d’attendre que le résultat soit atteint pour avoir un prétexte de valoriser son collaborateur. Cela implique aussi de cesser de faire des objectifs le cœur des discussions et la conclusion de vos réunions d’équipe, donc de juger qu’une réunion réussie doit forcément se solder par la définition d’un plan d’action et d’objectifs subséquents. Parfois il y a besoin de temps pour digérer les choses et fixer des objectifs plus adaptés, de manière moins frénétique. 

o   Réduisez – drastiquement – le nombre d’objectifs que vous fixez à vos collaborateurs : ce n’est un secret pour personne, courir plusieurs lièvres à la fois est le meilleur moyen de n’en avoir aucun – il vaut mieux prioriser un objectif pour une période de temps, qui prime sur le reste afin 

o   Tempérez les objectifs avec des gardes fous pour vous assurer que vos objectifs restent pertinents et n’engendrent pas des effets indésirables (comme le fait de vouloir coute que coute atteindre tel objectif – au détriment du bon sens ou de la santé de vos collaborateurs). Concrètement ces gardes fous peuvent être formulés de la manière suivante « je souhaite atteindre cet objectif à moins que je n’atteigne pas le point P au moment t ». Le fait de poser des critères d’élimination vous permettra de vous assurer qu’il n’y a pas d’autres options plus judicieuses en cours de route et le moment opportun pour lâcher des objectifs qui ne sont plus pertinents, car le contexte a changé. 

Pour bien intégrer vos nouvelles recrues, arrêtez de draguer !

La période d’intégration est aujourd’hui devenue un incontournable dans les entreprises… Il ne faut plus juste accueillir et informer, mais plaire et séduire le nouvel arrivant. Est-ce vraiment cela, bien intégrer ?

 

Souvent le réflexe quand on intègre, c’est d’abord de chercher à plaire 

Dans la plupart des entreprises aujourd’hui, l’intégration est un moment savamment orchestré : de la semaine d’intégration au véritable « parcours collaborateur », la période d’intégration est de plus en plus prise au sérieux. Et pour cause, l’enjeu est important : montrer au nouvel arrivant qu’il ne s’est pas trompé dans son choix, s’assurer qu’il corresponde aux valeurs de l’entreprise, bref, lui donner envie de rester. Pour plaire tous les moyens semblent bons, l’intégration devient la danse du paon. 

Là où il y a encore quelques années, l’intégration était synonyme d’un déjeuner avec son équipe pour faire connaissance, aujourd’hui elle tend à devenir une période initiatique qui s’étale sur plusieurs jours. On retrouve ainsi, dans ces périodes « d’onboarding » une mise en scène étudiée : des intervenants clés (les parrains ou marraines), des rituels prédéfinis (la tournée de l’open space, le verre en fin de journée, les cafés de présentation), et puis, de plus en plus, ces fameux « welcome kit », où au fond d’un sac se côtoient goodies, plaquette sur les valeurs et mémo sur l’engagement social et environnemental de l’entreprise. L’intégration semble gouvernée par un seul but : en mettre plein la vue. 

Pourtant, cela fausse la relation dès le départ 

Si l’on gratte un peu le vernis de toute cette mise en scène, on se demande pourquoi il existe une telle inflation d’énergie et de moyens mis au service de l’intégration. Évidemment, l’effort d’accueil réservé aux nouveaux au sein d’une entreprise est louable, mais intégrer n’est pas juste accueillir. Intégrer c’est absorber un élément extérieur, ce qui suppose une période de friction. On se découvre, on se jauge, on s’agace parfois, en somme on apprend à fonctionner ensemble. 
 
Or tout semble fait pour éviter une quelconque friction pendant l’intégration ! Cette période s’apparente bien plus à un sas doucereux où l’on évite que la réalité des choses soit exposée de manière trop brutale au nouvel arrivant. On ne parle surtout pas de la santé économique de l’entreprise, des problèmes de communication ou de relations entre équipes, des dossiers laissés vacants depuis plusieurs mois…

Cette période s’apparente bien plus à un sas doucereux où l’on évite que la réalité des choses soit exposée

Le problème, c’est qu’en cherchant à ne pas bousculer le nouvel arrivant, on le laisse dans une posture d’enfant à qui l’on refuse de faire voir la réalité en face. Et ça, c’est exactement Tinder : une belle image qui tente surtout de cacher ce qu’il y a derrière. 

En réalité, on essaye surtout de se protéger  
 

Si l’on y regarde de plus près, cette période de transition ouatée, qui protège-t-elle vraiment ? Pourquoi tant de précautions ? 
 
Cette mise en scène protège en fait davantage les managers et les équipes que le nouvel arrivant. Le décorum occulte la vraie vie de l’entreprise, pétrie de choses qui fonctionnent mais aussi qui dysfonctionnent. Le nouvel arrivant, par définition, dispose d’un œil neuf sur les choses, sur votre manière de vous organiser, de travailler, de décider en commun et ce regard neuf peut parfois s’avérer cinglant, ou du moins agaçant. Intégrer suppose s’exposer, et donc prendre le temps d’accueillir et de répondre aux remarques, incompréhensions voire critiques. C’est également accepter de lever le voile des illusions qu’entretiennent si bien les plaquettes d’entreprises et les sites web reluisants. Car ce décor confortable maintient aussi les interrogations du nouvel arrivant à distance : tais-toi et regarde. Il est plus facile de créer un décor policé pour quelques jours que d’accepter dès le départ de se frotter aux réactions qui dérangent et renvoient aux limites de l’organisation. Or l’intégration ce n‘est pas juste un spectacle, mais une rencontre entre deux mondes avec la période d’ajustement et de friction nécessaire.  On confond aujourd’hui intégration avec le petit déjeuner de bienvenue : il y a un moment pour être festif et accueillir, un moment pour partager et intégrer. 

Pour bien intégrer, il faut accepter de mettre en danger 

Soyons clairs :  mettre en danger ne signifie pas mettre en péril la relation dès le départ ou créer une sorte de semaine « test » pour voir comment le nouvel arrivant s’en sort. Pour bien intégrer, il va de soi qu’être transparent sur les attentes, la réalité de la santé de l’entreprise et les informations clés est essentiel. Mais alors, pourquoi « mettre en danger » ?

C’est l’inconfort qui permet de faire tomber les masques, aussi bien celui de l’entreprise et du manager que celui du nouvel arrivant. Mettre en danger permet d’aller droit à l’essentiel : moins d’images et de discours policés, plus de relation directe et simple.  Comment alors mettre en danger, sans infantiliser, et sans risque inutile ? 

Plusieurs idées me viennent en tête : 

Tout d’abord arrêter de vouloir protéger, donc arrêter de téléguider les tâches du nouvel arrivant. À vous manager, je ne crois pas que votre rôle ni même, dans la plupart des cas, votre envie profonde, soit d’ajouter à votre charge de travail celle de votre nouvelle recrue. Laissez-le tester des choses, faire en solo certaines réunions, sans vous poser comme indispensable (aussi parce que, avouons-le, ça nous rassure), soyez une abondante source d’informations et de conseils, mais pas d’actions. Oui cela signifie sans doute que les tâches confiées seront réalisées en davantage de temps, mais, au fond, qui croit vraiment à ce mythe du nouveau qui serait parfaitement opérationnel dès le jour 1 ? 

Intégrer prend du temps, et c’est sans doute pour cela qu’il s’agit d’un exercice bien plus difficile qu’il n’y paraît : en entreprise le temps long est souvent évincé.  Et si l’on pense à intégrer une personne, on oublie souvent que la personne elle aussi, a à intégrer. La mise en danger est donc double : la vôtre, puisque vous acceptez de ne pas faire, et que vous prenez le risque du temps perdu ou des erreurs malvenues, mais aussi celle du nouveau, car vous lui refusez un sas rassurant et protecteur où les premières erreurs et les « questions qui tuent » sont évitées. 

Une autre idée de mise en danger peut être d’inviter le nouvel arrivant à questionner les habitudes et modes de fonctionnement de votre équipe ou entreprise. Cela revient, comme il a été dit précédemment, à volontairement vous exposer. Il est aujourd’hui fréquent de lire comme conseil pour « réussir son intégration », qu’il faille observer les comportements et codes implicites de son équipe pour s’y conformer. Je pense au contraire qu’une confrontation de points de vue est bien plus fructueuse qu’un conformisme passif. Inviter votre nouvel arrivant à bousculer les codes que l’on ne questionne plus car bien souvent on ne les voit plus, est une mise en danger qui vous permettra sans doute de vous améliorer et progresser en tant qu’équipe. 

Une confrontation de points de vue est bien plus fructueuse qu’un conformisme passif

Enfin, osez vous mettre en danger … en faisant simple. Aujourd’hui on cherche souvent à en faire trop, à alourdir de rituels creux et pompeux les premiers instants avec le nouvel arrivant, alors qu’en réalité un bon déjeuner et du temps sanctuarisé suffisent bien davantage pour mettre à l’aise et découvrir les nouveaux. Votre disponibilité et votre confiance sur le temps long sont infiniment plus précieuses que tous les artifices que l’on peut voir fleurir.  

Finalement, ne serait-elle pas là, la vraie mise en danger : faire tomber les masques, accepter de ne pas chercher à plaire ou téléguider pour davantage se rendre disponible à l’autre ? C’est en somme laisser du temps et de l’espace pour qu’une vraie relation se construise. Et si l’on vous dit d’arrêter la drague c’est parce qu’elle s’impose plus qu’elle ne lie, mais en revanche rien ne vous empêche d’opter pour une approche bien plus subtile et viable : prendre du temps, être à l’écoute, se montrer disponible sans rien forcer, en un mot se faire fin séducteur plus que pesant dragueur. 
 
 
 

« L’union de la gauche » : un cas d’école pour les managers

 
L’union de la gauche n’est pas qu’un serpent de mer politique… c’est aussi un serpent de mer managérial. Il s’agit de trouver un moyen non coercitif de faire bosser ensemble des gens qui n’en ont aucune envie. Des gens qui se sont fait de sales coups, qui ont été de féroces concurrents, ou qui même sans cela sont bourrés de jugements négatifs les uns sur les autres. Des gens qui portent aussi, dans une certaine mesure, des projets différents ou des croyances différentes sur ce qui est prioritaire et secondaire.
 
Cet épineux sujet de mobilisation, on le trouve fréquemment dans des contextes de fusion d’équipes en entreprise : comment faire que des équipes concurrentes ou au moins différentes se mettent à travailler ensemble ? Et qu’est-ce que ça veut dire pour les leaders des équipes amenées à se rapprocher ? Bref, comment faire en sorte que la mayonnaise prenne ?
 
Commençons par la pire méthode, qui est aussi la plus utilisée : chercher à se mettre d’accord avant d’agir
 
En politique, ça donnerait Hidalgo, Jadot et Mélenchon en train d’essayer de se mettre d’accord sur un programme commun. Lors d’une fusion de deux équipes en entreprise, ça donne les managers de ces équipes en train d’essayer de se mettre d’accord sur les outils à conserver, la répartition des portefeuilles client, etc. Le tout sans la confiance qui permettrait à cette périlleuse tentative d’avoir la moindre chance d’aboutir. Le seul résultat garanti : les procès d’intention réciproques et la polarisation des positions. 
 
La meilleure méthode au contraire, c’est celle des Buddy Movies des années 80. La méthode de L’Arme Fatale 1. Les ingrédients de départ sont les mêmes : Martin Riggs et Roger Murtaugh se détestent mais doivent travailler ensemble. 
 
Mais grosse différence : ils ne vont pas chercher à se mettre d’accord avant d’agir ! Ils n’ont aucun « programme commun » et ne cherchent pas à en avoir. Et heureusement, car leurs méthodes sont à l’opposé. Ils s’entretueraient sans doute s’ils essayaient. Ils ont en revanche un but commun : démanteler un réseau d’agents secrets devenus trafiquants de drogue. Et en bottant ensemble des fesses de méchants vraiment très méchants… ils se rapprochent.
 
C’est le secret pour que la mayonnaise prenne quand ce n’est pas gagné : un but commun très fort, et surtout pas de programme
 
C’est ce qu’il faut à la gauche pour faire l’union, ou à nos deux équipes pour réussir à fusionner. L’absence de programme est cruciale : c’est dans l’action que la complémentarité devient magique, alors que dans la réflexion elle ne produit que des négociations pénibles et stériles. 
 
Et plus globalement, un programme c’est débile par nature non ? Quand on y regarde de plus près, c’est quand même une liste de solutions préconçues à des problèmes d’une infinie complexité… C’est en fait l’inverse d’une démarche humble et pragmatique par essai-erreur. 
 
C’est donc un double renoncement à l’égo dont on parle ici : l’égo d’être le chef de file, et celui d’être détenteur des bonnes solutions. Seul un but commun hyper fort peut permettre d’y parvenir.
 
Précisons pour terminer que ce but, pour fonctionner, doit être positif ! En finir avec la bagnole et les inégalités n’est pas un projet positif pour la gauche. Dire non aux lobbies ne l’est pas plus. C’est cela que la primaire populaire devrait viser : faire émerger le but commun, positif et enthousiasmant, des électeurs de gauche pour la société. Et surtout pas évaluer des candidats ou leurs prétendues solutions !
 
C’est dans l’action qu’on apprend à s’aimer et à coopérer. En politique comme en entreprise. Alors vive les buts simples, et mort aux programmes ! C’est trop tard pour la gauche, mais certainement pas pour faire bosser ensemble des équipes très différentes dans votre entreprise…
 

Comment donner vraiment envie de manager ?

Aujourd’hui les entreprises sont confrontées au fait que beaucoup n’ont pas ou plus envie de manager : parce que le management c’est surtout du bullshit, parce que c’est la technique qui prime, parce que c’est ingrat…Et c’est un problème, parce qu’un bon management reste quand même la clé de voûte d’une organisation performante durablement.

Dans ce podcast nous vous donnerons des clés pour donner vraiment envie de se mettre à manager. On verra que convaincre fonctionne peu et que c’est surtout par l’expérimentation, la déconceptualisation, les 1ères victoires que naissent le plaisir et l’addiction à l’un des plus beaux métiers qui soit : manager.

ALBUS CONSEIL