A part « le loup de Wall Street » et quelques autres, les humains ne sont pas tant motivés par l’argent que ça. Si on les écoute attentivement, ils aiment surtout avoir des histoires à se raconter, à partager avec leurs proches et leurs collègues. Et s’ils racontent beaucoup de mésaventures, les grandes réussites sont quand même leurs meilleures histoires…Et si c’était ça le secret du management ? Donner des histoires à raconter.
Raconter des histoires, le plus vieux loisir de l’homme
Au café du Train Bleu, l’autre jour, attendant un ami, je volais quelques bribes de conversations autour de moi. Sur plusieurs tables, les discussions (sérieuses à cette heure), tournaient souvent autour de victoires passées : « C’était en 94, et j’ai créé la première usine… » « Je crois que je l’ai bien aidé à se remettre en selle …».
Auparavant, en tournée d’entretiens avec 14 managers, chaque premier ¼ d’heure était consacré à une présentation libre de mon interlocuteur : dans 100% des cas, 10 à 20 ans de carrière se résumaient à 1 ou 2 faits d’armes, parfois anciens de 10 ans.
Ces exemples sont innombrables, si vous ôtez votre casque dans un wagon restaurant du TGV, ou dans un bar, vous en glanerez des dizaines. Elles sont centrées sur celui qui parle ; généralement à son avantage ; pas forcément récentes.
Je ne crois pas que ce soit là vantardise ou égocentrisme. Raconter des histoires, se créer des héros, être soi-même le héros, sont des réflexes très ancrés, et universels. Joseph Campbell a d’ailleurs montré, dans son livre Le héros aux 1001 visages (Oxus, 2010), que toutes les civilisations avaient depuis leurs origines créé des mythes et que tous ces mythes, ces histoires, sont extrêmement semblables : elles tournent autour de l’aventure d’un héros, qui se dépasse lui-même pour le bien de la communauté.
Même les dessins dans les grottes préhistoriques sont des récits d’exploits de chasse.
Bref, raconter des histoires est le propre de l’Homme ; il aime ça ! C’est un des grands plaisirs de l’Humain, via la littérature, le cinéma, le théâtre, les séries et les jeux vidéo.
Et un objectif de fond pour les managers
Nous qui nous occupons de mobilisation des collaborateurs dans les entreprises, à longueur de journée, nous nous disons qu’au fond, elle est là, la clé du management. Il faut donner aux gens la possibilité de raconter ce qu’ils ont réussi. C’est ça, la fierté.
Dans un précédent article, nous parlions du storytelling comme étant davantage qu’un bon outil de comm’. C’est exact, le meilleur storytelling est encore celui que chacun peut écrire et raconter autour de son propre rôle dans l’entreprise. C’est le meilleur parce qu’il est parfaitement authentique : les humains se racontent ce qui les rend vraiment fiers, même si c’est souvent un peu embelli avec les années, mais qu’importe…
Très souvent, on s’étonne que les gens passent leur temps à râler ; surtout les français… Mais qu’ont-ils à raconter de plus intéressant ? C’est sûr que l’erreur du chef, l’injustice de la direction, la petite ou grosse bêtise d’un collègue sont plus intéressantes que la routine… Mais si vous donnez aux gens plus que de la routine, des défis qu’ils ont envie de relever, alors, c’est ça qu’ils raconteront.
En bons consultants, nous avons un modèle, celui de l’aventure, pour expliquer que c’est ça qui fait avancer les humains. Mais si on oublie un peu les outils forcément théoriques et parfois prétentieux des consultants, que reste-t-il ? Il reste que si vos collaborateurs racontent à leurs enfants et à leurs conjoints leurs réalisations, des étoiles dans les yeux, ils seront motivés dans la journée, et par conséquent, performants.
Ce n’est pas si difficile de faire de vos collaborateurs des héros ; il faut relever avec eux des défis qui vous semblaient impossibles : être les premiers à changer d’organisation, ouvrir un nouveau magasin, lancer un nouveau produit.
Au quotidien même, c’est aider un collègue à résoudre un problème, battre un record ou se faire féliciter pour une petite innovation.
Et finalement, même Jordan Belfort, loup de Wall Street, s’est retiré du business et aujourd’hui… il écrit des histoires…