Albus Conseil
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Halte à la dictature de l'écrit

Halte à la dictature de l'écrit
Halte à la dictature de l'écrit

/Communiquer différemment

Quand Valls remplace Ayrault, beaucoup s’indignent au motif que nous serions sur un changement de communication plutôt que de politique. Pourtant, le discours de politique générale de Valls, quelle que soit l’opinion de chacun sur le fond, a montré une différence de taille avec son prédécesseur. Pas tellement sur le choix des mots, sur la capacité oratoire surtout. On aime ou on aime pas, mais on retient. Nous pensons qu’il faut redonner ses lettres de noblesse à l’oral. C’est par l’oral que l’on incarne, que l’on inspire les autres, que l’on donne vie aux idées.


Les écrits restent, les paroles élèvent 

Si les écrits restent en effet, il est faux de dire que les paroles s’envolent :

  • On connaît tous « I have a dream » mais qui a lu du Martin Luther King ?
  • Kennedy a dit « Ich bin ein Berliner » mais qu’a-t-il écrit ?
  • Obama subjugue par son verbe, son livre n’est pourtant pas un best-seller. 

En France aussi nous avons en tête les intonations de Malraux et De Gaulle ; les 12 ans de Chirac ont été marqués par les discours du Vel d’Hiv et de Villepin à l’ONU ; plus récemment, le discours de Grenoble et celui du Bourget symbolisent Sarkozy et Hollande.

C’est également vrai dans l’entreprise. On a tous en tête les prises de parole de Steve Jobs pour vendre ses idées dans les universités ; j’ai personnellement vu un directeur de site pharmaceutique lancer le sauvetage de son usine par un discours churchillien. Mémorable !

Dans un projet de changement, la différence se fait par la capacité du leader, ou des leaders (nous le verrons plus loin) à incarner le projet. Le contenu compte bien sûr, mais c’est par la qualité du discours que les idées s’impriment en nous, laissent des traces pérennes.

Obama subjugue par son verbe, son livre n’est pourtant pas un best-seller.   

Les écrits font rêver, les paroles font croire

Bien sûr beaucoup d’entre nous ont été marqués par certaines lectures inspirantes, guidantes. 

Mais l’incarnation des écrits renforce la possibilité d’y croire. Faites le test avec Victor Hugo : si vous n’avez pas le courage de vous plonger dans ses poèmes, écoutez François Rollin les réciter et vous irez illico dénicher le vieux volume de la bibliothèque familiale ; idem pour Luchini avec Céline, ou pour Guillaume Gallienne avec n’importe laquelle de ses lectures sur France Inter.

Pourquoi ? Parce que le verbe incarné avec talent a une émotion supplémentaire : il permet une connexion plus charnelle, plus évidente. L’identification est plus directe avec un être qu’avec des mots sur papier. Imaginez un noir américain des années 60 qui découvrirait le texte de Martin Luther King dans le journal, seul, dans son salon, pensez vous que l’effet aurait été le même qu’au milieu de 300 000 personnes, avec la voix et les envolées du pasteur King ? 

Dans l’entreprise, même les plus beaux projets n’auront pas d’effet s’ils n’inspirent pas. Pour inspirer, il faut les transmettre avec énergie et en collectif pour créer cette communauté magique : celle d’un groupe d’humains emportés par les mêmes idées au même moment.

 

Comment réussir concrètement ?

Il faut bien sûr un projet solide et bien écrit ; l’appel du 18 juin de De Gaulle aurait été moins mobilisateur s’il avait récité, même avec talent, la notice de sécurité d’Air France… 

Mais il faut aussi soigner l’oral à 3 niveaux :

  • Faire simple

Les présentations sont généralement techniques, truffées de concepts et de grands principes. Une bonne présentation de projet est courte et se concentre sur l’essentiel. Elle est structurée comme un récit pour que l’auditeur puisse entrer pleinement dans l’histoire, faire des liens entre le contexte et les décisions.

Elle est formulée en termes simples, sans fioritures, dans le champ lexical et le langage de l’auditoire (Kennedy dit sa phrase en allemand)

Elle est imagée, en évitant autant que possible les lieux communs (Churchill, le rugby, ou l’équipage au long cours sont passablement usés).

  • Créer le décalage  

Souvent, les gens à qui vous parlez vous connaissent, et parfois connaissent aussi à l’avance des éléments de votre discours. Il faut donc surprendre pour sortir l’auditoire d’une écoute passive qui pourrait glisser vers une absence d’écoute.

Pour cela, faites un pas de côté : introduisez des images, un ton, des ruptures auxquelles votre public ne s’attend pas. C’est un bon signal quand vous voulez réussir un changement dans votre équipe que de commencer par changer, vous même, dans votre prise de parole.

  • Solliciter la voix de ses alliés

Enfin, la vie de l’entreprise n’est pas faite que de grands discours ; l’essentiel des échanges est quotidien, sur le terrain, et ne dépend pas de vous.

Pour faire exister votre projet, concrètement, sur le terrain, ne comptez ni sur vous seul ni sur la comm' écrite ; évitez sur ce sujet les mails qui verrouillent tellement le message qu’ils l’enferment. Faites que chaque manager ou allié de terrain parle du projet avec ses mots, à sa manière ; il faut de l’oral !

Nous ne sommes pas tous de grands orateurs. Nous avons tous, avant de prendre la parole, un stress qui nous met mal à l’aise. C’est pour cela que nous passons beaucoup de temps à écrire nos grandes idées et trop peu de temps à préparer nos discours. 

Pourtant, l’adhésion et la mobilisation des équipes sont à ce prix !

 

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