/Interroger sa posture managériale
Les réflexions bouillonnent sur le modèle managérial de demain et de nouveaux outils apparaissent chaque jour : entreprise libérée, holacratie, collaborativisme, MBTI, Process Com, etc. Le management évolue et nous nous en réjouissons, mais attention au chant des sirènes qui nous éloigne parfois des fondamentaux : faire comprendre et créer de la relation, tout simplement.
La foire du management contemporain
A la manière de l’art contemporain, les nouveautés managériales sont aussi foisonnantes qu’elles sont variées, tant et si bien que les outils qui hier encore sonnaient comme des révolutions (Lean manufacturing, matriciel, SWOT, RACI) semblent aujourd’hui vieillis. C’est intéressant car cela n’a pas toujours été le cas et car cela montre que le questionnement sur les pratiques managériales est constant.
Comme l’art contemporain, on trouve de tout : des idées géniales et de bon sens, des concepts un peu fumeux ou qui enfoncent des portes ouvertes, mais aussi des outils que – malgré notre intérêt prononcé pour le management – nous n’avons jamais compris…
Bref comme le Grand Marché de l’Art Contemporain actuellement à la place de la Bastille, à deux pas de nos bureaux, on s’y perd un peu.
Pendant ce temps-là, dans les équipes…
Si l’innovation managériale est en mouvement, les besoins des équipes sont en revanche connus de longue date et toujours en attente : cela fait plus de dix ans que les enquêtes sur l’engagement du personnel donnent des résultats abyssaux, que les managers intermédiaires crient leur détresse, que les Codir s’entredéchirent sur leur vision stratégique, etc.
Et si on avait fait plus simple, et si les équipes n’avaient pas juste besoin de s’exprimer un peu plus longtemps ?
Comme des enfants couverts de cadeaux par des parents trop occupés pour venir assister au spectacle de fin d’année, les efforts des managers et les aspirations des équipes ne se rejoignent pas.
Les équipes se plaignent de l’entretien de fin d’année avec leurs managers, on forme tout le monde à un outil révolutionnaire censé faciliter l’échange, la gestion de carrière, l’orientation vers les offres de formation. Cela ne suffit pas, allez hop, un SI RH. Toujours pas ? On crée une université Groupe pour établir un cursus développant les savoir-faire et savoir-être associés et une appli sur la qualité de vie au travail. Et si on avait fait plus simple, et si les équipes n’avaient pas juste besoin de s’exprimer un peu plus longtemps ?
Nous comprenons les managers ambitieux qui lancent 20 projets en même temps pour réussir une transformation complète de leur culture et de leur organisation, mais nous constatons qu’il n’est pas possible d’en réussir 1 si on n’a pas réussi à créer un climat de confiance, à faire comprendre une vision simple, claire, humaine et si les managers ne sont pas engagés à vos côtés pour l’animer.
Syndrome 1 : vision contre organisation
Quand un manager arrive à son poste, il a envie de renverser la table et c’est normal. C’est difficile de continuer à jouer avec la partie d’un autre.
Souvent, le problème est au démarrage, lors de la définition de la vision.
Bien souvent, cela prend la forme d’une vision stratégique rapidement traduite en 4 axes eux-mêmes déclinés en 12 (quand ce n’est pas 24) priorités qui s’appuient justement sur des concepts modernes : CSP, SIRH, TPM, et autres sigles. On construit les feuilles de route et les projets associés, on crée des jalons et quelques semaines après le lancement, on se rend compte que l’on patine dans la semoule.
Le projet est légitime pourtant, brillant même parfois. Alors pourquoi cela ne marche pas ? Souvent, le problème est au démarrage, lors de la définition de la vision.
Première hypothèse, elle a été faite sur un coin de table, pour vite aller au reste, et elle est donc peu structurante. Dans ces cas-là elle ressemble à un super-objectif (« doubler le CA », « redevenir rentable ») ou alors elle est très très bateau (« devenir la référence de… », « être leader de… »).
Seconde hypothèse, elle est possiblement très juste mais elle n’a pas été suffisamment discutée ou partagée. Vous l’avez communiqué bien sûr mais vous n’avez pas validé une compréhension commune de chaque acteur-clé. On ne s’en rend pas toujours compte mais si vous demandez à chaque membre Codir sa compréhension de la vision, vous seriez souvent très étonné de l’écart des reformulations.
Bien sûr c’est rassurant d’avoir mis devant chaque problème majeur un projet innovant, mais ce n’est pas parce que c’est rassurant que c’est efficace.
Syndrome 2 : relation contre communication
Nous sommes les premiers à proposer à nos clients des séminaires innovants où on va se parler de façon décalée par rapport à l’ordinaire.
Partout on se forme à la posture managériale, à la communication et à l’animation d’équipe. Sur ces sujets importants, on a l’impression qu’il naît un nouvel outil par jour. C’est très bien, c’est un sujet tellement complexe que cette recherche est infinie.
On apprend à parler aux millenials, on se forme à la communication digitale, on trouve des teambuilding détonants, etc.
Vous aurez plus à gagner d’un déjeuner convivial régulier que d’une démarche MBTI collective.
Nous n’irons pas à l’encontre de toutes ces bonnes initiatives mais nous voyons aussi naître le syndrome de ceux qui font des 360 pour ne pas avoir à demander aux membres de son équipe comment ils se sentent le matin, qui organisent des teambuilding phénoménaux et ne disent pas vraiment bonjour le matin, qui sont devenus experts de la PNL et ne connaissent pourtant rien de la vie de leurs équipes.
Si vous ne connaissez pas le lieu de naissance des membres de votre équipe, leur principal hobby ou le nom de leurs enfants, nous ne disons pas que vous êtes un mauvais manager mais que vous aurez plus à gagner d’un déjeuner convivial régulier que d’une démarche MBTI collective.
La relation est un prérequis du management, sans laquelle aucun outil de communication, d’animation ou d’engagement n’est pas véritablement efficace.
Cela paraît tellement simple, le management épuré, quand on le voit mis en œuvre par des managers qui font simplement et efficacement les choses. Et pourtant c’est tellement compliqué de ne pas broder, accumuler, conceptualiser pour habiller nos défauts de management.